Quand je lance un jeu vidéo sur ma console, je dirai qu'il y a 99% de chance pour que ce dit jeu essaye de me raconter une histoire.
Le temps où les jeux se limitaient à des supports d'interaction ludique est révolu.
Désormais un jeu vidéo c'est une "expérience".
Une expérience qui englobe bon nombres de facteurs. Et l'histoire en fait partie.
L'on a jamais autant fait de liens entre le cinéma et le jeu vidéo.
Surtout dans l'industrie du AAA.
Pourtant l'histoire dans le jeu vient poser une question assez flagrante :
si je décide de lancer un jeu, le fais je pour y jouer ? Ou bien pour que l'on me raconte une histoire ?
A vouloir toujours nous conter des histoires, ne nous éloignons-nous pas de ce pourquoi on les achète à la base ? A savoir y jouer et s'y amuser ?
Cette problématique est assez récurrente en vérité, car conter une histoire ce n'est pas quelque chose d'aisé. Ainsi beaucoup de titres décident de stopper net leur progression.
On freine le joueur, on l'extraie de son espace d'interaction.
On le met devant des scènes de dialogues à faire défiler.
On lui fait visionner des cinématiques.
On le fait discuter avec tel ou tel pnj.
Autant d'instants qui servent à conter la dit histoire. Mais aussi autant de moments où finalement, on ne joue pas. On ne joue plus. On fait autre chose.
Peut-être lit-on ?
Peut-être regardons nous un court-métrage, un film, une série ?
Mais en tout cas, on ne joue pas.
Assez dommage, pour un média qui se prétend être un "JEU".
Comprenez-bien que je ne pourrai pas décrire ici toutes mes pistes de réflexions sur le sujet.
Néanmoins je trouvais qu'introduire cette critique de 13 Sentinels avec cette question était assez pertinent.
Pertinent, car 13 Sentinels va lui-même apporter sa propre question au débat.
A savoir :
La narration, peut-elle être divertissante ? Peut-on s'amuser avec elle ?
Et par là je n'entend pas juste apprécier une histoire divertissante, non non non.
Je parle bien de s'amuser du concept même de narration. Peut-elle être ludique ?
Car oui, des jeux qui essayent de nous raconter des histoires, il y en a pleins.
Mais des jeux où l'on s'amuse AVEC l'histoire, là, d'un coup, il y en a beaucoup moins.
13 Sentinels : Aegis Rim vient donner sa proposition de "comment s'amuser avec la narration".
Et je l'avoue : j'en ai jouie.
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Pourtant, le pitch de base n'a rien d'alléchant : l'histoire de 13 ados qui vont monter dans des robots géants pour sauver l'humanité d'hordes d'extraterrestres.
Et pourtant qu'est-ce que le jeu est plaisant à parcourir.
Car le plus important en vérité dans une histoire, contrairement à ce que la doxa veut nous faire croire, ce n'est ni son contenu ni son intrigue.
Non.
Le plus important c'est la façon dont celle-ci est contée.
Raconter une histoire, c'est tout un art.
Et Vannillaware, ce studio Japonais qui souffre horriblement de son manque de visibilité, à décidé que raconter une histoire, ça serait un jeu. Ca serait leur jeu.
On lance 13 Sentinels, et l'on arrive dans se mode appelé sobrement "Aventure".
On débute alors des phases de lectures, avec des personnages magnifiquement mis en scène dans des tableaux 2D en aquarelles.
C'est très beau, très mignon, très touchant.
On est capté par l'ambiance des scènes. Les jeux de lumières et les couleurs choisies donnent un aspect intemporel.
Comme si l'on avait récupéré un vieux tableau oublié dans un grenier.
A cela vient s'ajouter d'autres scènes bien plus choquantes voir dérangeantes.
Le titre maîtrise divers tons tel que l'humour ou bine l'horreur.
Et alors que l'on débute les premiers chapitres de cette histoire (qui durent chacun une dizaine de minutes tout au plus) on commence à saisir la mécanique du titre.
13 Sentinels c'est avant tout un monstre. Un mastodonte de science-fiction.
Et pour cause, dans le jeu, la plupart du temps, on ne comprend rien à ce qu'il s'y passe.
Et ce jusqu'à sa toute fin, jusqu'à ses dernières minutes.
Pourquoi me diriez-vous ?
Et bien parce qu'il y a 13 personnages principaux.
Chacun a son histoire, et le joueur peut choisir à chaque chapitre lequel il souhaite incarner.
L'histoire, quel que soit le personnage choisit, n'est jamais raconté dans l'ordre chronologique des évènements.
Des scènes de fin sont présentées au début du jeu, et des scènes de début son montrées dans ses dernières heures.
Ajoutez à cela un scénario de science-fiction qui à une érection très très forte devant la S.F occidentale.
Ce qui implique fatalement :
Des voyages dans le temps entre plusieurs époques.
Des personnages qui sont amnésiques.
D'autres qui changent régulièrement de nom, de genre, d'âge, d'apparence.
Des greffes de souvenirs, des simulations de vie.
Des androïdes, des extraterrestres.
Des téléportations, des voyages dans l'espace.
Des illusions d'optique, des boucles temporelles, des rêves ...........
Cela fait très peur dit comme ça.
Et je vous l'accorde : quand on débute le jeu, c'est très effrayant.
On se demande s'il n'est pas juste entrain de se foutre de notre gueule.
Ou alors si l'on est juste trop con pour ne pas comprendre ce qu'il se passe.
Mais c'est au fil des scènes, des personnages qui se croisent, et surtout de la découverte du codex - un menu où se regroupent toutes les découvertes faites par le joueur - que l'on fini par comprendre.
C'est donc bien ça le but du jeu...
On est pas là pour qu'on nous raconte une histoire.
Le but du jeu c'est de la comprendre.
Et là, c'est l'extase.
13 Sentinels lorgne finalement vers ces récits en vérité assez ludiques : les polars, les enquêtes et les histoires de mystères.
Ces œuvres sont appréciées car le spectateur se sent directement impliqué. Il est embarqué par les énigmes de l'histoire et lui aussi, tout comme les personnages, veut comprendre ce qu'il s'est passé.
Et c'est finalement ce que l'on fait dans 13 Sentinels.
On grapille petit à petit des notions, des concepts, des évènements.
On lit le codex, on fait des rapprochements, des déductions, des hypothèses, des découvertes.
Le jeu donne toutes les pièces pour que l'on comprenne son récit.
Le but sera simplement de les assembler.
Et c'est vraiment grisant !
L'histoire en tant que telle en est d'ailleurs la preuve : c'est compliqué pour pas grand chose.
Les personnages font exprès de passer leur temps à changer d'époque ou changer d'identité.
Le but c'est juste de perdre le joueur ou de l'induire en erreur.
Mais une fois que l'on a tout compris, la satisfaction ressentie est nullement comparable.
Un peu comme si l'on avait... terminé un jeu.
Car oui 13 Sentinels n'est pas un roman.
C'est un jeu.
Et je m'y suis beaucoup amusé.