Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


Chaos Theory, le troisième épisode de Life Is Strange, m'avait déçu et l'équilibre sur le fil tendu que traversait le jeu s'était rompu. Les promesses des deux premiers épisodes, que l'on voyait instables, n'étaient pas tenues et le cap était franchi vers la sortie du jeu vidéo. Même s'il semblait un épisode de transition, comme dans tout bonne série, celui-ci était tout simplement raté. Il n'apportait que peu d'un point de vue ludique, faisait miroiter quelques audaces qui tombaient à plat et étaient plus inutiles qu'autre chose. Du côté du scénario, on sent qu'il servait à entremêler les fils, à approfondir les personnages et leurs relations, éventuellement l'univers qui les entourait. Le hic, c'est que ressortaient toutes les faiblesses présentes depuis Chrysalis : Life Is Strange a le cul entre deux chaises mais l'assise "série" a craqué et le jeu s'est retrouvé au sol. Chaos Theory, c'était montrer que se rapprocher de ce média nécessitait des forces d'écriture bien supérieures à ce qui est proposé : situations caricaturales, personnages et dialogues faibles, univers qui perd de sa saveur... J'avais donc bien peu d'espoirs pour la suite et il m'a fallu me forcer un peu pour lancer Dark Room, titre qui rappelle immédiatement le Darkened Room de David Lynch, au moins de mon côté.


Et brisons tout cliffhanger (élément clé du jeu et si désagréable quand il est mal mis en scène), ce quatrième épisode est une excellente surprise. Il continue de manquer de subtilité dans les références, conserve des faiblesses, mais est bien moins criard que Chaos Theory. Ce n'est pas la surprise qui va faire basculer le jeu vers le chef d’œuvre, mais il a au moins réussi le pari de me faire tenir jusqu'au bout. Le scénario évolue de manière linéaire, avec des choix qui s'ils semblaient prometteurs au début, se révèlent au fond trop peu porteurs d'une réelle vision : le fil conducteur reste et l'on ne peut y toucher, notre liberté est très limitée, d'autant plus dans les moments réellement importants. C'est finalement peut-être la seule subtilité du jeu, ce qui pourrait être un défaut est d'une certaine finesse : nos décisions n'ont un impact que dans des détails et fait de Max cette "simple" fille et non un héros de mélodrame. La maladresse, c'est qu'elle est mise en scène justement comme ce qu'elle ne semble pas vouloir être.


Car oui, le côté un peu lo-fi/errant/banal est définitivement enterré, Dark Room le confirme. On est bien dans le drame à grosses ficelles, à grosses doses lacrymales où l'on sent qu'on nous enfourne un crochet dans le yeux pour y tirer quelques larmes, façon de faire qui a le don de m'horripiler. On y ajoute des twists amenés à démarche d'éléphant et ces fameux cliffhangers qui ne donnent pas envie de voir la suite mais de sectionner les doigts des scénaristes tant ont sent que ce n'est qu'une utilisation d'un code et non un enjeu de narration.


Le plaisir du gameplay revient par contre dans cet épisode, par un biais moins pompeux que dans la fin du trois. On retrouve ce désir d'en faire toujours plus en début d'épisode, avec ce dont je parlais plus haut : les menottes dès qu'on touche à un choix majeur. Ce prologue rend la fin de l'épisode précédent d'autant plus agaçante qu'elle se révèle inutile en terme narratif. Malgré tout, on retrouve par la suite le goût du voyage dans le temps, sans espérer comme au début de l'aventure que le mécanisme évolue, on voit ce que ça a donné. Ce sont d'ailleurs les passages les plus agréables, ceux qui lorgnent du côté du jeu vidéo et non de la série, avec des problèmes et leur résolution, l'utilisation du retour temporel devient une habitude de fond plus qu'un aspect vraiment mis en avant, on l'a intégré et il acquiert, pour nous comme pour Max, une certaine routine, une certaine dépendance également.


Le changement d'ambiance, qui bascule clairement vers quelque chose de plus sombre, est plutôt bien amené, avec peut-être moins de volontarisme et de tape à l’œil, le glissement se fait plus en douceur. Quelques scènes restent dans la rétine malgré tout, mais cette fois-ci c'est plutôt positif et l'équilibre si fragile tient plutôt la route. Alors oui, il y a toujours plein de petits détails agaçants, mais plus inhérents à l'ensemble de Life Is Strange qu'à Dark Room qui m'a, après Chaos Theory, surpris par une certaine sobriété et le retour un un mélange mieux dosé.


C'est donc l'ultime épisode de cette saison qui va vraiment définir mon sentiment envers Life Is Strange : un bon jeu voire une porte ouverte (le placer sur un piédestal me paraît impossible tant il y a à redire sur la volonté générale), ou une vaste arnaque un peu putassière qui nous prend pour des idiots en affirmant que "pour un jeu vidéo, c'est super bien écrit" en espérant que ça suffise aux joueurs alors qu'il regarde vers le côté de la série en restant loin, si loin d'en être une bonne.


(*) : https://www.youtube.com/watch?v=jTjRMkzxvt8

Flavinours
7
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le 16 déc. 2015

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Flavien M

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