Rat simulator
Suite directe du premier opus paru en 2019, A plague tale requiem arrive fin 2022 afin de poursuivre les aventures de Amicia et son frère Hugo. Ayant pour cadre le sud de la France médiévale du XIVe siècle, cette nouvelle aventure, teintée d’infiltration et d’action, est-elle à la hauteur des espérances laissées dans le sillage du succès de son aînée ? Quant est-il également du créateur Asobo, studio bordelais déjà à l’ouvrage sur l’excellente dernière itération de Flight simulator ? Parvient-il à sublimer l’œuvre originelle ? Ou simplement conclure une histoire sur fond de grande Histoire ?
Rhapsodie
S’il est des domaines où les développeurs d’Asobo excellent, c’est bien sur la maîtrise technique et artistique de leurs créations. Dès les premières minutes de A plague tale Requiem, difficile de ne pas rester admirative devant cette machine à screenshot. Si la modélisation et les textures parviennent à titiller bon nombre de triple A, la gestion des lumière est exemplaire et accouche bien souvent de scènes à l’ambiance stupéfiante. L’immersion visuelle est totale. Le design sonor et la musique contribuent à tisser une enveloppe crédible bien que les compositions d’Olivier Derivière peinent à se renouveler, engoncées dans des partitions où ne vivent que les cordes frottées. Mais ce tableau pourrait être idyllique s’il n’était qu’une œuvre picturale. Et Asobo créa le mouvement.
Rhapsodie & retry
Le gameplay de APTR est rugueux pour ne pas dire sclérosé. Construit sur une structure de jeu d’aventure, celui ci se décline en phases de puzzle, d’infiltration et d’action. Pour les puzzles, on retrouve des énigmes à base de chariots à pousser pour ouvrir des voies ou des zones à éclairer pour échapper à la voracité des rats. Vieillot mais efficace. L’infiltration révèle un cas plus problématique. La rigidité des contrôles associé à une lisibilité fuyante peuvent rapidement venir à bout des joueurs le plus indulgents. Une fois l’alerte donnée, et ce n’est pas rare, les gardes ne font qu’une bouchée d’Amicia. En effet, et nous arrivons sur le plus gros soucis du jeu : l’action. Amicia n’est pas taillée pour se battre car Asobo n’a pas pensé son œuvre comme un jeu d’action. Amicia possède peu d’armes efficaces pour éliminer ces menaces et elle ne peut trouver le salut que dans la fuite et la dissimulation. La lourdeur des contrôles amène bien souvent les arènes d’infiltration vers le die & retry. Une fois découverte, il devient évident que le combat est perdu. Il faut alors soit trouver rapidement une cachette soit relancer au dernier checkpoint. Désolant et frustrant. Ces épreuves atteignent leur paroxysme quand il s’agit de combiner puzzle et infiltration où il n’est pas rare de recommencer une bonne dizaine de fois certains passages avant d'accéder au succès. L’enfer.
Narration et quelques ratures
Au chapitre de la narration et des personnages, on oscille entre le bon et le ridicule. Si l’histoire se laisse suivre sans déplaisir, grâce à une bonne gestion du rythme et des coups d’éclat, les dernières heures du jeu plongent dans le grand-guignolesque avec ses assauts répétés de rats de marée. La menace des rongeurs était bien dosée dans le premier opus car elle savait rester crédible. Ici, on assiste médusé à des éruptions de rats, véritables tsunamis grotesques qui prête plus au rire qu’à la terreur. Les scènes où Amicia doit faire face à une enfilade d’assauts de gardes tient également une bonne place au rang des passages lourdingues et rongent les derniers vestiges de patience. Heureusement, quelques personnages surnagent et arrivent à construire un semblant de relation avec Hugo et sa sœur. Si les dialogues n’atteignent jamais la qualité des ténors du genre, les performances des acteurs français arrivent à concerner la joueuse. Sur des thématiques pourtant fortes, les textes arrivent avec peine à capitaliser. La mise en scène parvient difficilement à éblouir sauf dans de rares cas où la direction artistique et l’éclairage illuminent l’ensemble.
Rat à ouille
A plague tale Requiem aurait pu être un grand jeu si Asobo avait su modérer ses ambitions. Sous des apparats enchanteurs se révèle lentement un jeu frustrant, la faute à un gameplay usé et empesé. Avec sa capacité à offrir aux joueurs des visuels solides et des personnages charismatiques, Asobo ne devrait-il pas s’accorder un temps de réflexion et renoncer pour l’instant aux mécaniques trop complexes. On peut nourrir des regrets car le cadre d’une France au XIVe siècle est un paradigme peu représenté. Asobo, libéré de cette suite que l’on devine imposée, pourrait bien nous surprendre à l’avenir et éviter un autre Ratage.