Critique publiée à l'origine sur Etoile et Champignon.fr
Il suffit parfois d’un plan d’ouverture pour savoir qu’un jeu a tapé dans le mille, qu’il a presque déjà gagné. C’est le cas dans A Short Hike, qui s’ouvre, de façon chaleureuse et immédiatement relaxante, sur une petite cabane au pied d’une falaise, donnant sur une plage. La 3D en faux pixel-art semble onduler doucement, sur le même rythme que le décor animé de partout, du ressac de la mer aux pins bercés par la brise. Ainsi plongé dans une tambouille de pixels aux tons chauds, de cui-cuis d’oiseaux et, bientôt, de jolie musique folk, on se sent immédiatement chez soi dans ce petit jeu-monde, qui est aussi un jeu-souvenir : tout y renvoie à des « sensations » de jeu remontées de l’enfance, sur des consoles portables estampillée Nintendo à se perdre, par exemple, dans un Animal Crossing, dont A Short Hike s’est clairement inspiré pour concevoir son monde peuplés d’animaux vacanciers.
UN MONDE OUVERT DE POCHE
Ils seront ici de sympathiques PNJ, évoquant leurs aspirations du moment et s’enquérant de notre journée, nous confiant au passage de courtes missions, telles que ramasser des coquillages, récupérer une pelle ou retrouver un bandana « porte-chance » perdu sur les sentiers. Le joueur sera libre de les suivre où de poursuivre bille en tête son objectif premier : grimper la montagne de l’île jusqu’à son sommet. C’est d’ailleurs sur ce point que le jeu se distingue d’Animal Crossing : il ne s’agira pas de « faire sa petite vie » dans ce petit coin idyllique, mais plutôt de progresser vers le plus haut point de l’île, au long d’un parcours contraint par les hauteurs d’abord infranchissables, puis s’ouvrant progressivement à mesure que l’on collecte des plumes dorées – ces dernières permettant de prolonger son saut d’une touche de plus.
A Short Hike rassemble certes quelques codes du jeu d’aventure à la Zelda : il regorge par exemple de promesses d’interactions disséminées dans le décor (pousses vertes qu’il faudra manifestement faire grandir – pour en faire des tremplin -, grottes à l’accès barrés par des planches) et dont on devra retenir l’emplacement pour y revenir une fois les bons outils récoltés. Mais sa grande affaire est encore plus élémentaire : il s’agit du plaisir simple de la déambulation au sein d’un monde aussi réduit qu’ouvert. Dès les premiers pas, on a voulu en trouvé les limites en allant vers la mer pour découvrir, non seulement, que le personnage savait nager, mais aussi qu’il y avait une deuxième île sur le rivage d’en face. Et peut-être une troisième, et une quatrième ? Mais où donc s’arrête ce monde qui semble s’étendre de tous côtés ?
LE PLAISIR SIMPLE DE LA DÉAMBULATION
On découvrira au final que la taille de l’environnement n’est pas si expansive, mais A Short Hike n’en arrive pas moins à bluffer son joueur par son décloisonnement à peu près total, en relançant ce sentiment grisant de liberté à chaque nouveau pallier d’altitude franchi sur l’île principale. Ce sentiment est manifesté jusque dans son réseau de chemins, dotés de noms qui font marcher l’imaginaire (Hawk Peek Trail, Blackwood Trail, Meteorite Overlook…), et dont la dispersion tous azimut n’a cessé de nous affoler : chaque croisement se vit comme un monde de possibles, nous faisant établir un programme d’exploration sans autre but que de tout voir, de tout arpenter, de ne surtout rater aucune miette de ce décor, aucune de ses formations rocheuses, de ses points de vues ni de ses recoins.
C’est ici, d’ailleurs, que les PNJ entrent en jeux, leurs « missions » et rendez-vous étant autant d’occasion de frayer nos propre-hors pistes dans ce grand parc à jeu recelant mille splendeurs toutes simples : une cascade nichée dans le creux d’un canyon, une petite ferme haut perchée, accessible uniquement par un pont en rondins, une rivière se jetant dans un lac de pêche… Les récompenses n’ont jamais été aussi élémentaires, sinon dans les meilleurs « Walking Sims » (au premier rangs desquels Breath of the Wild et Death Stranding), dont A Short Hike peut-être vu comme un concentré, évacuant toute adversité et toute difficulté de l’équation : il s’agit, simplement, de jolis bouts de décors, découverts au hasard de nos pérégrinations.
Il y a quelque chose d’immensément relaxant dans cette boucle de gameplay, qui zoome sur l’un des ressorts les plus élémentaires du média dans le seul but de faire naître des sensations de jeu positives : sensation de marcher, de nager, de flotter dans les airs (sentiment grisant au possible), et de faire ainsi défiler sous ses pattes un décor conçu comme une compilation des meilleurs souvenirs de vacances, une jolie montagne tombant dans la mer en une jolie côte, ponctuée de jolies plages, et abritant de jolies rivières et forêts aux couleurs automnales. Peut-on rêver meilleure destination pour deux heures de jeu ?
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