Ripleytitif
Alien Isolation était dès son annonce un jeu au potentiel très élevé : on incarne la fille d'Ellen Ripley, Amanda, perdue sur une station spatiale (Sébastopol), pourchassée par un seul et unique...
Par
le 17 oct. 2014
51 j'aime
12
Je me souviens avoir découvert Alien à l'âge de 7 ans. Mon père n'avait pas beaucoup de notion de censure et m'a exposé à ce film en espérant qu'il devienne une pierre fondatrice de ma cinéphilie. A l'époque, c'est surtout devenu l'un de mes plus grands traumatismes d'enfance.
La créature de HR Giger incarnait cette froide, silencieuse et suffocante peur de la mort qui m'obsédait tant quand j'étais petit. Celle qui descend lentement dans le dos et qui vous frappe.
Le film de Ridley Scott m'a donné une image de la mort comme jamais auparavant... la pire qui soit. Je n'ai plus jamais eu envie de regarder ce film (la vue de la VHS elle-même me terrifiait) jusqu'à ce qu'à l'âge du lycée : un ami m'a dit les mots les plus justes
"Regarde ce film comme un film de Science Fiction et non comme un film
d'Horreur."
A là, la révélation a été toute autre : la claque fut de retour... plus appréciable... et surtout... quelle expérience sensorielle. Je venais de grandir, d'affronter ma peur de ce film en l'admirant... en le respectant... et en me rendant compte de l'incroyable prouesse artistique et scénaristique de ce film.
A trente ans, j'érige Alien (ce traumatisme de l'enfance) comme un monument du cinéma, mais aussi comme un film tuto sur le respect des procédures. Car voilà... dans Alien il y a deux monstres : la créature ET l'entreprise. Cette administration opaque, transformant les humains comme des rouages sacrifiables dans une mécanique inhumaine et froide. Les humains sont entre ces deux monstres... piégés... isolés et condamnés... à errer dans une machinerie austère dans laquelle un cafard mortel rode.
Un film duquel j'ai développé trois regards différents à différents âges.
ALIEN : ISOLATION a restitué ces trois visions avec un respect qui me laisse pantois d'admiration.
1 - Traumatisme :
Sur le plan du traumatisme tout d'abord : ce jeu est très certainement le plus flippant qu'il m'ait été donné de jouer. Et le mérite revient à plusieurs choses.
Déjà... l'ambiance sono-visuelle qui est en soi l'un des plus gros point fort du jeu car à la fois esthétiquement réussie, elle est également d'une importance fonctionnelle centrale dans le gameplay. Car chaque bruit et sa provenance est important... et un travail assez sidérant a été fait pour la spatialisation des bruit. Même chose avec les ombrages : chaque petite variation de luminosité lorsque la créature passe devant une lampe ou un gyrophare peut aider le joueur à localiser l'ennemi.
Et cet aspect sensoriel est primordial à la vue e la puissance de la bestiole. Autant le dire tout de suite : à moins que l'intrigue le justifie, le prédateur est invincible et vous traque TOUT LE TEMPS. Et par dessus le marché... il est imprévisible et ne suit aucun mouvement prédéfini. Passer dans son dos ne vous garanti pas qu'il ne se retournera pas. Vous réfugier sous une table ne vous garanti pas qu'il ne checkera jamais si dessous. Vous planquer dans un placard ne vous garanti pas que l'Alien ne l'ouvrira pas. Et de surcroit, l'Alien restera toujours dans un périmètre de moins de 10 m. Bref... l'Alien a un comportement procédural qu'il est impossible de totalement prédire et qui fait que vous ne vous en débarrasserez jamais complètement (tant que le scénario ne le justifie pas).
Démuni ? Oui, vous l'êtes presque totalement... d'où l'importance de cette qualité audio-visuelle que Creative Assembly a superbement paufiné. Plus important que votre détecteur de mouvement ou que vos armes ou que vos leurres... le son, la lumière et la lecture du plan de l'environnement sont vitaux pour progresser dans le jeu.
Car non : mourir une première fois contre l'Alien ne vous apprendra pas forcément grand chose pour votre seconde tentative : elle se déroulera forcément différemment du fait que l'Alien ne répètera pas son même itinéraire.
Alien Isolation se distingue formidablement des autres survival en évitant d'être un simple Die and Retry. C'est plus un Die and Get Lucky for the next time. Car oui... la chance est souvent votre meilleure alliée... comme votre pire ennemie. Et jamais me sortir d'une situation ne m'a semblé véritablement prise pour acquis. Les circonstances m'ont aidé... mais j'en étais ni maître, ni prophète... je n'en étais que le jouet et j'ai dû m'y adapter.
Bref... j'en étais la victime.
2 - Science Fiction :
Sur ce plan... le jeu réussit le pari de restituer l'univers visuel d'un film de 2 heures. La station Sebastopol et son architecture rétrograde est d'une splendeur assez exceptionnelle. Les portes à ouverture manuelle. Les moniteurs verts tout dégueu. Ces bruitage de boutons et de potentiomètre à tourner manuellement pour capter des fréquences... l'immersion dans ce futur imaginé à la fin des années 70 est un voyage dans le temps des plus singulier. Un retour dans le temps (technique) pour voyager dans un futur désuet... au service d'un game design qui se veut menaçant.
Au-delà d'être une suite à un film culte, Alien Isolation est un récit de science fiction dont le caractère uchronique est au service narratif du gameplay.
3 - L'opacité de la machine administrative
Il s'agit là de l'autre prouesse du jeu : faire ressentir au joueur cette impression d'être un alien, un parasite, une proie qui n'a rien à faire ici. Le xénomorphe vous traque certes... mais le lieu ne vous veut aucun bien non plus. Vous pouvez certes bidouiller des compteurs électriques pour couper la lumière, provoquer de la fumée ou verrouiller certaines portes... mais l'environnement trouve toujours le moyen de vous piéger : un trou dans le plafond, un conduit d'aération, un androïde qui patrouille...
La compagnie est cet autre ennemi... invisible et partout à la fois. Et elle aussi a l'air toute puissante... du fait de son caractère abstrait. Et pourtant... l'environnement superbement mis en forme donne un aspect familier... presque chaleureux (le quartier des couchettes par exemple, ou alors les salles à manger inspirées de celle du Nostromo... la nature "habitable" garde cet aspect envisageable.)... mais ce n'est qu'un leurre car la mort se trouve à chaque tournant.
Et plus le jeu avance plus on se sent étranger à l'enjeu qui motivait le personnage principal.
Amanda Ripley ne voulait que retrouver sa mère...
Qu'obtient-elle au final ? Pas grande chose de plus qu'une information lacunaire sur sa nature de boulon remplaçable dans cet univers déshumanisé.
4 - Un jeu d'exfiltration
Car voilà le résultat de tout ceci... Alien Isolation est bien plus qu'un jeu d'ouverture de porte. Bien plus qu'un FPS d'infiltration. Alien Isolation est un jeu d'EXFILTRATION. Peut-être le premier du genre auquel j'ai joué de ma vie.
Car non, des Survival Horror comme Signalis ou Dead Space ou des jeux d'infiltration comme Hitman, Prey ou Splinter Cell sont des jeux basés sur la connaissance du level et la capacité à anticiper, chronométrer et calculer les évènements AVANT de les exécuter. Connaitre les niveaux et les adversaires sur le bout des doigts vous rendront invincible. Et du coup... la proie que vous étiez devient chasseur.
Dans Alien Isolation... QUE NENNI : vous restez cette proie JUSQU'A LA FIN. C'est 20 heures de fuite non-stop où le plus important n'est pas forcément votre créativité pour aller d'un point A à un point B... mais votre vitesse d'adaptation pour y parvenir en croisant les doigts pour que la créature qui vous traque ne vous attrape pas. Le jeu ne vous récompense pas forcément pour les risques que vous prenez... non... vous rapprocher de la fin du jeu, c'est ça la récompense. Sortir de cet enfer spatial : LA VOILA VOTRE RECOMPENSE.
(parce qu'au fond... ce qu'il est advenue de la mère d'Amanda Ripley... tout joueur ayant vu Alien connait déjà la réponse)
5 - Conclusion
De tout ceci, Alien Isolation est trés certainement bien plus que la somme de tout ceci... car il y a autre chose.
En effet : cette sensation d'être une proie constante, d'être dans un monde de SF hostile et dans un niveau qui m'oblige systématiquement à m'adapter car je ne suis jamais maître de la situation... comment prendre du plaisir ? Mon ancien moi âgé de 7 ans qui a été traumatisé prendrait son futur lui de 31 ans pour un fou de vouloir jouer à ça.
Et pourtant... j'ai pris un plaisir hallucinant à jouer à ce jeu. Finir la campagne principale et m'essayer à tous les petits DLC (le Nostromo, les mini-jeu, etc... j'ai voulu tout faire !). Une sensation assez effarante me traversait le bulbe : J'EN REDEMANDAIS.
Car voilà... démuni que j'étais face à cette créature et cet environnement qui veut ma mort, j'ai décidé d'accepter cette peur pour la reléguer à quelque chose de vital à éprouver pour me sentir vivre... me sentir survivre.
Alien Isolation me reprocure cette envie de mettre à l'épreuve mon instinct de survie. Cette peur qui me fait me planquer sous une table... dans un casier ou dans une armoire... cette peur qui me fait me respirer bruyamment... et qui me dit que les objets qui m'accompagnent ne me seront quasiment d'aucune utilité.
Démuni... de tout... que me reste-t-il sinon moi face à la mort. Et la vie trouve un sens étonnant dans ce genre de situation.
Et un jeu qui me fait ressentir ça... ne peut qu'être un chef d'œuvre à mes yeux.
NB : IL FAUT JOUER A CE JEU AVEC UN CASQUE.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 10 Jeux vidéo, Les jeux vidéo avec les meilleurs méchants, Les meilleures musiques de jeux vidéo, Les plus belles pochettes de jeux et Les meilleurs jeux d'infiltration
Créée
le 20 févr. 2023
Critique lue 41 fois
2 j'aime
D'autres avis sur Alien: Isolation
Alien Isolation était dès son annonce un jeu au potentiel très élevé : on incarne la fille d'Ellen Ripley, Amanda, perdue sur une station spatiale (Sébastopol), pourchassée par un seul et unique...
Par
le 17 oct. 2014
51 j'aime
12
Ayant des avis très soft sur les jeux vidéo, j'étais parti d'un constat, certes amer, mais avant tout humain, sur Alien Isolation pendant sa présentation : "C'est de la merde" me suis-je alors...
Par
le 25 oct. 2014
39 j'aime
5
Cas difficile que celui de l'élève Alien : Isolation. [SPOILER] D'un côté on a la promesse, 100% tenue, de faire honneur à la licence, de traiter enfin les films tels qu'ils sont : des oeuvres...
Par
le 4 janv. 2015
18 j'aime
Du même critique
Je vagabondais sur internet à la recherche d'une série qui pourrait m'occuper un week-end avec un couvre feu à 18 heures pétante. Normalement, une série Française aurait figuré en dernier sur ma...
Par
le 25 janv. 2021
47 j'aime
1
Ce que j'adore au cinéma, c'est que les cinéastes sont tous capables du meilleur comme du pire... les plus illustres d'entre eux comme les plus modestes. Parfois... le chef d'oeuvre est accouché...
Par
le 3 avr. 2020
14 j'aime
Il arrive un moment où la quantité ne remplace plus la qualité... et DOOM Eternal le prouve assez bien. Et... exactement comme le DOOM 2016, les 10 premières minutes du jeu laissent entrapercevoir ce...
Par
le 13 févr. 2023
13 j'aime
2