La difficulté avec les jeux dits à licence, c'est qu'il faut réussir à satisfaire à la fois le plus grand nombre tout en tentant de séduire au possible la "fan base". C'est souvent cette dernière qui s'estime la plus à même et légitime à critiquer, disséquer le travail proposé par les uns et les autres. Quand on touche à Alien, compte tenu des diverses approches cinématographiques aux styles parfois diamétralement opposés, tout le monde s'accorde à sortir son détecteur de mouvements pour le faire bipper aux moindres mouvements suspects. Après la déception Aliens : Colonial Marines, le fait que SEGA ait choisi les petits gars de Creative Assembly avait rassuré, mais est-ce que cet Alien : Isolation redresse la barre et mérite qu'on fasse un replay avec Ripley ? C'est bien possible...
Faire Amanda honorable ?
Principalement bâti autour du premier volet de la quadrilogie amorcée par Ridley Scott, Alien : Isolation nous propulse quinze ans après les événements du Nostromo, au cours desquels seul Ripley avait réussi à en sortir indemme. Afin de connaître tous les détails des péripéties de l'équipage, une mission est lancée afin de récupérer la boîte noire et analyser ce qu'il s'est réellement passé. Et qui de mieux placée qu'Amanda, la propre fille d'Ellen Ripley, pour mener à bien cette expédition spatiale ? Nous voilà donc à bord de la station commerciale Sévastopol, sauf que rien ne va se dérouler comme prévu, car l'aéronef subit des dysfonctionnements que l'on pourrait qualifiés de xénomorphiques...
Plutôt que de proposer un énième FPS décevant et qui n'aurait comme prétention que de celle de pétarader plus que le film de James Cameron, les développeurs ont judicieusement opté par un bon survival horror à l'ancien où chaque porte, chaque couloir et chaque conduit peut nous mener à une mort certaine, qu'elle soit acidulée et ne manquant pas de mordant. On pourrait définir la station spatiale comme personnage principal du jeu tant son importance dans la progression de l'histoire est factuelle. S'appuyant sur la direction artistique du 8ème Passager, on retrouve ainsi un environnement qui peut paraître désuet aujourd'hui, mais qui fait franchement plaisir à retrouver. Ainsi, pas d'ordinateur super moderne, ce sont des vieilles machines monochromes ; pas d'armes laser désintégrateur, on a du classique lance-flammes ou revolver, sans oublier un petit taser bien senti. Ce qui peut paraître anachronique compte tenu des productions actuelles n'est en fait qu'un brillant hommage à la vision des années 70 et au final, on voit mal comment on pourrait être choqué par tant de respect pour le travail des aînés.
Mais revenons à nos amis les xénomorphes, car ils sont au final ceux qui vont parfaire l'ambiance anxiogène du titre, bien qu'ils ne soient pas les seuls. Votre principal souci, outre le fait de finalement être tombé au mauvais endroit au mauvais moment, consiste à éviter tant que faire se peut tout contact direct avec l'Alien. Véritable globe-trotteur des conduits et bouches d'aération, celui-ci peut surgir à n'importe quel moment – ou presque – dès que l'on fait trop de bruit. Cela passe notamment si vous renversez quelque chose, si vous courrez, si vous tirez, mais il y aura également certains passages scriptés où il sera difficile d'échapper à la rencontre avec notre ami à la machoire proéminente. La bande son du titre aiguille quant à l'arrivée ou non de l'Alien dans les parages et cela rajoute clairement du piquant à l'ambiance déjà bien aidée par des effets de lumière et de fumée bien sentis et fort jolis au demeurant.
Sans être transcendants de beauté, les graphismes ont le mérite de servir la direction artistique du jeu avec des textures de qualité, des effets environnementaux maîtrisés et seule les ralentissements tout simplement abominables des cut-scenes viennent entraver la bonne impression générale. Sur PS4 et après les patchs correctifs, rien à faire, ça saccade toujours aussi sévère et gâche clairement ces moments narratifs. Vraiment dommage de subir ces désagréments en 2014 quand même...
Garder l'alien fresh
A l'heure où l'on pointe du doigt (à defaut de la souris) les jeux actuels qui se terminent trop vite et trop aisément, Alien : Isolation prend le parti là aussi de se la jouer oldschool avec une difficulté relevée, même en mode normal, et la mortalité est assez élevée du côté de Sévastopol. D'autant que les check-points se font rares et que seul un système de sauvegarde via un lecteur de carte à valider permet de retarder les échéances funéraires. Coup de bol, on peut en trouver aux moments opportuns sans que cela ne soit non plus la panacée. Veiller à sauvegarder sa position régulièrement est une attitude à adopter aussi rapidement que celle qui consiste à avancer accroupie afin de réduire les nuisances sonores. Pour ceux qui voudraient se la jouer guerrier de l'extrême, un mode Survie proposant des défis à la difficulté exponentielle saura titiller les nerfs des plus tenaces d'entre vous. Et précisons-le, il n'est pas rare de sursauter tout seul devant son écran, pris à contre-pied par l'Alien ou tout autre ennemi que l'on n'aurait pas entendu ou vu venir. On a beau pester de s'être fait prendre comme un bleu, l'effet est là et on sourit à posteriori de notre noob attitude. Et ce n'est pas toujours l'utilisation du détecteur de mouvement, marqueur identitaire de la franchise s'il n'est est, qui évitera ces moments de frousse. Bien au contraire...
Alien : Isolation se parcourt donc doucement, mais sûrement. S'il faut pas moins d'une vingtaine d'heures de jeu pour boucler, c'est notamment du à une mécanique de jeu qui n'est pas rappeler certains standards puisqu'on repassera souvent par des lieux déjà visités mais où des portes restaient fermées devant, faute d'avoir l'outil adéquat pour les ouvrir. En effet, au gré de vos allers/retours, vous obtiendrez des clés pour débloquer un mécanisme, une torche plasma pour virer un verrou ou bien encore une carte magnétique ou une amélioration de votre syntoniseur en guise de sésame vers de nouveaux couloirs sombres. Donnant parfois l'impression (logique) de redites, cette progression dite "métroidvania-esque" permet cependant de tenter les plus curieux à collecter un maximum de choses, que ce soit des objets pour confectionner des armes (bombes IEM, cocktails Molotov ou bien encore Medikits pour booster votre jauge de vie) ou bien encore des enregistrements audio qui permettent d'étoffer un scénario déjà intéressant en soi. Cela nous offre parfois une réminiscence qui fait penser à du BioShock et cette profondeur d'univers densifie l'histoire de la station spatiale.
Car malgré la désertification de Sévastopol, on rencontre certaines personnes au passé trouble, mais aussi et surtout des synthétiques qui ne veulent pas uniquement jouer à éviter nos doigts avec un couteau. Bishop, tu nous manques. S'il vaut mieux laisser le plaisir de la découverte concernant tout ce qui s'est et se trame à bord, sachez qu'il vaut toujours mieux être sur la défensive et éviter le contact direct. A bon entendeur...
L'Alien impose sa présence, d'autant qu'on ne peut pas le tuer, mais seulement le repousser une fois armé du lance-flammes. Mais les munitions étant limitées, la fuite est toujours préférable à l'affrontement direct. Tout le monde n'a pas la carrure de Sigourney Weaver et personne ne porte en lui un petit bébé alien qui forcerait le xénomorphe à nous épargner. Bref, s'il arrive plus de merdouilles et de rencontres avec l'Alien en un seul jeu qu'en quatre films, on garde cette tension permanente et c'est bien plus logique en terme de gameplay.
Verdict 7/10
Bien que certains ingrédients manquent à l'appel et que l'on fait face à une certaine répétitivité au bout de la moitié du jeu, Alien : Isolation demeure l'une des meilleures adaptations cinématographiques de ces dernières années. Grâce à une tension permanente et un scénario prenant de par ses à-côtés, la traque à l'Alien évite les écueuils d'une trop grande facile et ce côté vieillot se savoure. La réalisation permet de se plonger dans l'ambiance (la version PS4 tire par exemple parti de la Camera pour détecter vos mouvements de tête ou le bruit ambiant chez vous) et l'ensemble est parfaitement fluide, à l'exception des cinématiques. Une belle surprise au final, alors qu'on s'attendait presque à être déçu. Preuve qu'il faut parfois donner une seconde chance à des vieux amis...