Qui trop embrasse est un gros cochon
Ma première expérience avec Alpha Protocol a duré environ trois heures. Excluant le temps pour Steam de le télécharger, incluant le temps de passer à travers le tutoriel et toutes les missions d'Arabie Saoudite sauf la dernière. Je suis venu, j'ai vu, je me suis grave emmerdu, j'ai desinstallu.
En théorie, rendu là, c'est plié. La vie est courte, les possibilités énormes, et même si me valoriser en disant que j'ai terminé tel ou tel jeu est très important pour un type à l'ego boursouflé comme moi, il y a des limites à mon masochisme.
A première vue Alpha Protocol était une (pale) copie de Splinter Cell avec une touche graphique plastifère, plastifiante, dégueulasse. Quelques choix de réponse intuitifs à la Mass Effect ("Je pourrais pas juste lui dire d'aller se faire chevaucher par un type qui souffre d'herpès ?") pas aussi drôles / surprenants et une vague arborescence de compétences tout aussi (in)intéressantes. Comme dit, trois missions plus tard j'avais décidé que le gameplay était mou, le concept vu et revu (et pas trop mon truc) et l'histoire un peu bateau.
Mais vous savez (peut-être) comment c'est, quand on est pas un sale petit voleur de pirate : à partir du moment ou l'on a payé, on veut quand même rentabiliser l'investissement. On ne passe pas simplement au prochain téléchargement volé à autrui. De fait, quelques mois plus tard dans un sursaut d'emmerdement profond je réinstallais Alpha Protocol en me fixant comme objectif chronophage de dépasser le point postérieur (oui, le point ou je m'emmerdais, vous n'avez parfaitement pas compris ma formulation).
Et là. Joie. Surprise. Headshots.
Alpha Protocol s'avère un jeu délectable ou les protagonistes et antagonistes sont interchangeables au gré des actions du joueur. Pour de vrai ! Et sans que l'histoire ne soit trop massacrée ! Tous les personnages importants peuvent être tués à un moment où l'autre ou devenir des alliés (au moins pour un temps). Et ça, la possibilité de sortir le serial killer en moi, c'est très important. Ça nous change du dirigisme "J'ai pas le budget d'écrire un scénario qui supporte ce genre de bazar" ou "C'est trop demander à mon imagination micropénienne".
Nous avons donc un jeu qui - en laissant la possibilité de bourriner comme un perdu au risque de foirer certains objectifs secondaires - favorise la discrétion et la maîtrise de l'Art Du Salopard. Avec des conversations qui ont un impact RÉEL (même si limité) sur l'histoire. Trofou.
Bien entendu, passé la première partie, on réalise que booster à mort la discrétion vient d'ôter la moitié du challenge du jeu. Bien entendu, la possibilité de culbuter tout le casting féminin (moins un) hors champ sent un peu le coup du "Je t'allume mais je te laisse les mains dans le slip" ou "J'estime que vous êtes tous des ados attardés". Bien sûr.
Mais en même temps, Alpha Protocol est l'un des TRÈS rares jeux où, arrivé à la fin, je me suis dit : "Et si je le refaisais en prenant telle approche ?" (ne plus se taper tout le casting mais le hacher menu par exemple, m'allier aux grands méchants et ainsi de suite). Et ça marche ! On redécouvre certains dialogues, on expérimente des changements d'allégeance et c'est finalement tellement amusant qu'à la fin on trouve ça trop court.
Alors au final, Alpha Protocol, même avec des merdages de la caméra pile quand y faut pas, même avec des filles qui couchent pendant que le héros fait manifestement une commotion cérébrale (le voile noir qui tombe d'un coup), même avec certains retournements de situation prévisibles (pour les raisons du retournement d'allégeance principal du jeu, j'avais vu venir), il reste un jeu qui mérite l'investissement en temps.
Au final, bravo Sega.
(et puis tuer Sean a été une de mes plus agréables expériences jeuxvidéosludiques depuis l'an dernier)