Première partie. Je décide de jouer tel que je suis vraiment, adaptant mes choix et mes stratégies selon ma véritable personnalité. Ainsi, je m'infiltre comme une ombre, pratique les arts martiaux, ne tue personne, essaie de recueillir un maximum de renseignements et tente de me faire ami avec tout le monde. Le parcours de "mon" Michael Thorton me plaît bien. Il me parle. Me renvoie parfois subtilement à moi-même au travers de dilemmes qui demandent de faire un choix en quelques secondes. Pas de temps pour tricher. Le coeur parle. Je me découvre solitaire mais fidèle jusqu'au bout à mes principes. Je me damne pour pouvoir accomplir la mission que je me suis juré de remplir, laissant mourir des personnes que je connais pour en sauver quelques milliers d'autres. Je me demande si je ne vais pas trop loin. Ne peux plus reculer. Je ne m'attache à personne tant la vie est éphémère et les sentiments méprisables à l'aube d'une Troisième Guerre mondiale.
J'obtiens une bonne fin mais ne partage ma victoire avec personne. Thorton le dit à son ennemi avant de le vaincre: sa vie est gâchée. Le monde est ainsi sauvé... mais pas pour moi. Impression étrange.
Seconde partie, peu de temps après. Je décide de jouer un rôle. Celui d'un psychopathe qui ne pense qu'au goût du sang. Coupables et innocents y passent tous. Je tire sur tout ce qui bouge et me fait haïr par tout le monde. Je vérifie que mes choix ont bien une influence. Le résultat est franchement édifiant, plus abouti que tout ce que j'ai pu voir de ce côté-là. Hélas, ces scènes scénarisées sont entrecoupées de longues missions qui, elles, ne changent pas vraiment. En fait, je commence à m'ennuyer, à trouver le jeu répétitif. J'ai le temps de contempler la relative laideur ambiante. Et à pester contre les gunfights. Si le gameplay infiltration était perfectible, il m'avait néanmoins procuré quelques moments d'intensité inoubliables. Faire le bourrin par contre est extrêmement frustrant. Surtout avec la mitraillette. Votre précision dépendant de vos statistiques (tel est le côté RPG), il faut parfois vider un chargeur entier sur un ennemi avant de le vaincre, même si vous faites preuve d'une précision extrême dans vos tirs. Je joue en difficile mais parvient néanmoins à avancer. Jusqu'à un certain boss. Et là, c'est fini.
Comme pour tous les boss du jeu, on doit affronter une vague d'hommes de main dont on a rien à foutre avant d'espérer pouvoir toucher notre véritable ennemi. Et comme cette vague se renouvelle éternellement (faut croire qu'il y a une armée de types cachés derrière une porte et qui débarquent deux par deux), et la santé précaire en mode difficile, je meurs, à chaque tentative. Je consomme des centaines de munitions de mitraillette sur le boss mais celles-ci ne l'atteignent presque pas, même en le visant à la tête alors que de son côté, le moindre de ses tirs me transperce de part en part. Impossible de le vaincre pour la bonne raison que je n'ai pas les statistiques qu'exige le soft à ce moment précis. Stupide. Le jeu se sabote lui-même. Deuxième partie gâchée.
Alpha Protocol est rempli de ces petits défauts qui gâchent beaucoup une expérience pourtant passionnante. On peut les ignorer lors d'une première partie, lorsque la magie opère, mais il est difficile d'y être aveugle lorsqu'on connaît bien les mécanismes du jeu et que la routine s'installe. Il faut clairement éviter d'y rejouer, ce qui va à l'encontre du concept du soft. Je retiendrai pourtant à jamais certaines situations magnifiques, les dialogues percutants, l'ambiance et le scénario assez profond et, surtout, d'une remarquable plasticité.
Alpha Protocol aurait véritablement mérité une suite, améliorée, afin d'atteindre pleinement ses ambitions. Dommage que les joueurs n'aient pas suivi.