Amnesia : A Machine for Pigs est le deuxième épisode du survival-horror qui a fait trembler le net il y a 3 ans (en écrivant ça, je déprime un peu en me disant que le temps passe très, très vite). Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Frictional Games n'a fait que superviser le projet. Le jeu a été surtout développé par The chinese room, responsable de Dear Esther qui était une sorte de non-jeu un peu particulier où on se contentait d'avancer dans un joli décor linéaire sans interaction en écoutant un personnage parler et des musiques agréables.
Et le soucis, c'est que ça se sent.
Amnesia premier du nom était très immersif, grâce à un travail remarquable sur les interactions avec le décor. Fouiller dans les tiroirs, se cacher dans une armoire, bloquer une porte avec un objet lourd... Toutes ces actions qu'on aurait fait avec un simple bouton "action" dans les autres jeux devaient être reproduites par le joueur à la souris, et on était vraiment plongé dedans. Les niveaux, bien que composés de couloirs étroits, abordaient souvent une structure non-linéaire, le joueur devait à la fois résoudre des puzzles en évitant de se faire tuer par le monstre qui rôde dans l'obscurité et à la fois trouver des items pour alimenter la lumière, car l'huile de la lampe s'épuisait et l'obscurité le faisait plonger petit à petit dans la folie. La progression était vraiment stressante et bien gérée.
Dans A Machine for Pigs, rien de tout ça. Il n'y a plus d'inventaire, plus de gestion de la folie ou de ressources (la lampe est infinie). L'interaction avec le décor a été réduite au strict minimum, on ne peut désormais déplacer que les objets utiles à la résolution du puzzle seulement. Ces puzzles d'ailleurs sont bâclés et sans inspiration, à base de "appuie ici, ici et ici". Les décors sont plus variés, on visite même de l'extérieur, et pourtant le level design est un couloir qui ne fait même pas l'effort de se camoufler, on ne fait qu'avancer tout droit pendant tout le jeu.
Alors, certes le jeu a des qualités indéniables. Artistiquement, il y a eu du très gros boulot, ce Londres glauque en pleine révolution industrielle offre une très bonne ambiance et une variété que le premier Amnesia ne pouvait pas s'offrir. Les musiques, composées par la même personne que dans Dear Esther, sont très belles, le sound design est magnifique. Et la narration est mieux maîtrisés que dans le premier, bien que l'histoire soit encore un poil trop classique et prévisible (du moins jusqu'à la moitié du jeu, vers la fin ça prend une autre tournure plus intéressante).
En gros, on retrouve plus ou moins toutes les qualités de Dear Esther. Mais il est vraiment dommage que cela n'a pas été couplé avec les qualités du premier Amnesia. On sent que The chinese room a juste voulu refaire ce qu'ils aiment faire, c'est-à-dire raconter une histoire avec des jolis décors, sans se focaliser sur les raisons qui faisaient le charme de la licence : l'horreur et l'exploration.
Avec le premier épisode ou encore Penumbra, Frictional a prouvé à maintes reprises qu'ils aiment l'horreur. Ce sont des passionnés, ils aiment nous faire peur. The chinese room n'en a pas grand chose à secouer de ça. Les parties "horreur" d'A Machine for Pigs sont très mal maîtrisées. Les screamers à base de "je te fais trembler le décor à 50 reprises" au début du jeu est d'une facilité décevante, le monstre fait tellement d'apparitions devant nous toutes les 20 secondes qu'on finit par ne plus en avoir rien à foutre au bout d'un moment. Certains passages marquants du premier ont également été grossièrement repris, notamment le monstre sous l'eau. Mais sans surprise, la sauce ne prend plus.
Que ce soit au niveau du level design paresseux, les puzzles sans inspiration ou les mises en scène horrifiques qui n'arrivent jamais à faire l'effet, il est difficile de s'empêcher de se dire que The chinese room n'a fait que respecter un cahier de charge par rapport au premier Amnesia, mais en réalité ils voulaient juste continuer à faire leurs récits interactifs linéaire et sans gameplay.
Signalons également que le jeu est court, personnellement j'ai réussi à le finir en un peu plus de 3 heures, et pourtant j'ai pris mon temps pour lire tous les documents que je trouvais. Malheureusement, c'est tellement court qu'on n'arrive pas à s'attacher pleinement aux personnages. On sent que certaines séquences de narration veulent nous émouvoir à coup de musiques tristes et des personnages à fond dans leur jeu d'acteur, mais ça a tendance à tomber un peu à plat car le tout n'a pas été assez approfondie faute à la durée du jeu.
A moins d'avoir l'allergie des jeux sans gameplay purement narratifs comme Dear Esther, "A Machine for Pigs" aurait pu être une expérience macabre très agréable, avec une touche artistique unique et maîtrisée. Malheureusement pour lui, il porte également le nom d'Amnesia devant, et on dirait qu'il l'a oublié en chemin.