Amnesia est ma deuxième expérience "véritable" dans le jeu d'horreur après le terrifiant Sanglot des Cigales. Je pense donc avoir un regard encore à peu près vierge en la matière (Le Sanglot des Cigales n'a rien à voir avec un jeu au sens classique du terme), et j'attendais beaucoup d'Amnesia pour découvrir le genre du survival/horror. J'en retire, après expérience, quelques conclusions.
Tout d'abord, je dois l'admettre : c'est flippant. L'ambiance sonore est très travaillée, le travail sur les lumières l'est également. Les idées de gameplay ne sont pas en reste, et poussent en permanence le joueur à jongler entre la folie et les attaques; une bonne idée qui a eu sur moi son petit effet. Il y a aussi ce qui semble être le climax du jeu, le fameux niveau inondé, où, je l'avoue sans honte, j'ai vraiment eu peur.
Oui, mais voilà.
A quoi bon faire un jeu qui n'existe que pour faire peur ?
Le désir d'effrayer le joueur transpire de tout le jeu : il n'y a pas d'armes, les énigmes sont faciles, les niveaux sont assez linéaires, il n'y a pas d'exploration, le scénario est secondaire. J'en conclus donc logiquement que le seul atout d'Amnesia, c'est qu'il veuille faire peur. Et ça, en soi, c'est complètement idiot. Parce que, d'une part, c'est un concept trop faible pour maintenir l'intérêt plusieurs heures durant; et que, d'autre part, ça tue en permanence l'immersion en supprimant la spontanéité du jeu : j'ai eu peur ? Ma réaction ne sera pas "ouah, c'était effrayant", mais "ho, ils ont réussi leur coup". Vous voyez la nuance ? Si les premières heures sont efficaces, Amnesia perd vite en tension parce que la peur qu'il instille est totalement artificielle.
Et ça me pousse à m'interroger sur le rôle de la peur dans un jeu vidéo. Un jeu peut-il se contenter de l'argument de vente de "faire peur" pour exister ? Est-ce vraiment ce que l'on devrait attendre d'un jeu vidéo ? J'ai quelques doutes sur la question. Il me revient à l'esprit une vidéo d'Extra Credits sur "l'uncanny" (que l'on pourrait traduire par quelques chose comme "perturbant"), qui expliquait que la peur, dans le jeu vidéo comme dans tout médium, doit avoir une fonction. Elle n'est pas utile par elle-même. La vidéo prenait l'exemple de diverses licences dans lesquelles c'était le message sous-jacent derrière la peur, le miroir que nous tendait l'horreur qui créait la peur véritable, la peur qui a un sens. Par exemple, la peur que j'ai ressentie devant "Le Sanglot des Cigales" provenait au moins autant des situations et de la mise en scène que de cette terrifiante impression que le monde n'était qu'une gigantesque énigme dans laquelle je n'étais qu'un pion - une prise de conscience salutaire. A moins d'avoir raté quelque chose, je ne vois pas en "Amnesia" grand-chose d'autre qu'un jeu se baladant en permanence avec un panneau : "JE VAIS TE FAIRE PEUR." Peut-être suis-je un casse-bonbons de première, mais je trouve que la peur pour la peur est un concept fondamentalement vain.