Il y a des jeux qui sont entourés d'une aura de légende. On les reconnaît alors à partir d'une caractéristique colportée par le bouche à oreille des joueurs. Pour Amnesia, c'est une légende noire. Ce serait un jeu terrifiant, difficilement soutenable lorsque pratiqué dans les conditions optimales. Pour s'en convaincre, des vidéos de joueurs le pratiquant et au bord de la rupture mentale sont nombreuses sur la toile. Ce lieu commun vient éclipser ce qui fait d'Amnesia un grand jeu, et dont ne parle pas. Amnesia est une machine à frissons à l'efficacité redoutable, ça ne fait aucun doute. Mais, au-delà de ce constat, se cache aussi un survival horror bourré d'idées pertinentes : du level-design ciselé, à la dimension exploratoire soigneusement étudiée, tout, dans ce titre, tend à l'absolu Lovecraftien. Il s'agit de contraindre, par des mécaniques nécessairement subtiles, le joueur à n'avoir qu'un aperçu de l'horreur. Jusque dans le scénario évasif, qui se laisse reconstruire (parfois un peu maladroitement, à grands renforts de flashbacks intrusifs et de journaux artificiellement répartis dans les niveaux) au compte-goûte pour délivrer un pastiche de Lovecraft, doté de son atmosphère baroque propre. Reste la question de savoir si une telle réussite méritait de passer à la postérité pour ses seules qualités émotionnelles ? Pourquoi a-t-on réduit un excellent jeu, plein au niveau de tous ses signifiants conceptuels, à une attraction de foire ? Alors que le genre du survival horror s'illustre très souvent par une partie ludique médiocre, Amnesia prouve qu'il est possible de faire peur intelligemment, de piéger le joueur de l'engrenage de l'addiction à la progression linéaire (la résolution des énigmes, la découverte de nouveaux niveaux), qui ne sont habituellement pas l'apanage des jeux à frissons. Les mécaniques sclérosées des Resident Evil et autres Silent Hill s'effacent devant leur atmosphère qui les a rendus célèbres. La fluidité conceptuelle d'Amnesia passe inaperçue. Comme les terreurs enfouies et pulsionnelles que le jeu entend mettre en lumière. Enfin, juste l'espace d'un instant... suffisant à bien des égards.
Jben
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le 6 déc. 2013

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Jben

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