Another Code: Recollection
6.3
Another Code: Recollection

Compilation de Arc System Works et Nintendo (2024Nintendo Switch)

Temps de jeu : 20 heures
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#105]

Pour la Nintendo Switch, 2024 se présente comme l’année du remake et du remaster. Certains y verront là les signes évidents de sa fin de vie, tandis que d’autres imaginent davantage une période de transition avant la potentielle annonce d’un Direct explosif. Dans un cas comme dans l’autre, une chose est sûre pour le petit artisan : les joueurs mangeront bien, à condition d’aimer le réchauffé. Outre l’inédit Princess Peach : Showtime !, la console hybride – qui fêtera bientôt ses sept ans ! – proposera Luigi’s Mansion HD, le remake de Paper Mario : La Porte Millénaire ainsi qu’Another Code : Recollection, l’objet de notre test. Une refonte plus que complète, davantage similaire à la proposition d’un Final Fantasy VII Remake qu’un simple ravalement de façade et des améliorations de qualité de vie à l’image de Super Mario RPG. De la Nintendo DS et la Wii à la Nintendo Switch, la série phare de feu Cing s’adresse tout autant aux curieux qu’aux connaisseurs de la première heure, lesquels auront le plaisir de retrouver un diptyque devenu méconnaissable une fois passé sous le burin d’Arc System Works. Disponible le 19 janvier prochain pour un prix conseillé de 59,99 €, en physique ou sur le Nintendo eShop, l’heure est venue de donner notre avis sur les aventures mémorielles d’Ashley.

Memory Pak

À notre arrivée sur l’écran titre, un premier constat s’impose : impossible pour le joueur de jeter son dévolu sur le jeu de son choix, Another Code : Mémoires doubles et Another Code : R – Les Portes de la mémoire étant fusionnés en une seule et unique aventure. Même une fois achevée, l’option demeure inexistante, nous obligeant à devoir tout retraverser dans son intégralité si l’on désire lancer une nouvelle partie. Et bien que l’on dispose de plusieurs emplacements de sauvegarde, il aurait été bienvenu de proposer l’accès à un jeu ou un chapitre en particulier pour revivre les séquences de son choix ou, pour les complétionnistes, mettre la main sur des collectibles manqués ou oubliés. C’est là le seul regret qui nous vient à l’esprit lorsqu’on aborde la question des améliorations de qualité de vie du titre, lequel est pétri de bonnes idées, à l’image d’aides (dés)activables à la volée.

Mélange d’énigmes et de visual novel presque avant-gardiste pour l’époque, Another Code : Recollection doit désormais faire face à une scène grandissante de titres narratifs, qu’ils soient particulièrement textuels (Disco Elysium, Kentucky Route Zero, Gamedec), interactifs (les titres de Telltale Games, Quantic Dream et Supermassive Games) ou atmosphériques (Gone Home, Dear Esther, The Stanley Parable). Les œuvres de Cing bénéficiaient et usaient des spécificités techniques des consoles d’alors, renforçant davantage leur unicité. Plutôt que de respecter au maximum les titres parus sur la septième génération de consoles, Arc System Works et Nintendo ont décidé de retravailler de fond en comble les différents puzzles, quitte à perdre leur particularité et leurs bonnes idées. Il faut dire qu’entre l’absence de micro ou de console à clapet, nombre d’entre elles n’auraient de toutes manières pas pu être reproduites dans le remake d’Another Code : Mémoires doubles.

La DDASS plutôt que le DAS

Il faut alors se contenter d’énigmes assez basiques, comme fusionner des clés pour n’en former qu’une et ouvrir l’accès d’une pièce jusqu’à alors condamnée, mettre dans le bon sens une planche pour traverser un gouffre, ou encore rentrer un code suggéré par un élément du décor afin de déverrouiller une mallette. Il n’empêche, malgré leur facilité incontestable et une certaine répétitivité dans les embûches proposées, leur venue régulière permet d’alterner à merveille avec les phases plus textuelles et les nombreuses cinématiques du titre, le tout accouchant d’un rythme maîtrisé. Dans Another Code : Mémoires doubles, Ashley, notre personnage principale, est invitée sur l’île de Blood Edward dans le but de rencontrer son père, supposé décédé il y a près de dix ans. L’essentielle de l’aventure se déroule dans un manoir relativement abandonné, mais toujours riche en secrets, qu’ils soient anciens ou non.

Le cadre et l’atmosphère qui s’en dégagent fonctionnent à merveille, à l’image des divers personnages dépeints tout au long de l’aventure. Si la version Nintendo DS présentait son monde avec une caméra vu de dessus et des images fixes lorsqu’on observait des lieux précis, le remake va plus loin en proposant des environnements entièrement réalisés en 3D. Plutôt joli grâce à une direction artistique subtile et lorgnant du côté de la peinture à l’aquarelle, on s’avoue un peu moins convaincu par l’aspect technique du titre, particulièrement pauvre. Les décors semblent moins riches en détails, les textures souvent grossières et les jeux de lumière artificiels. Sans aller jusqu’à regretter la version d’origine, celle d’Another Code : Recollection semble recéler d’une identité moins forte que son modèle. Un sentiment heureusement atténué par un élégant habillage visuel qui va piocher du côté de la bande dessinée, avec des dialogues entre personnages disposés dans des vignettes.

Résidents et Villes : Code Jessica

Avec six chapitres, il faut compter peu ou prou autant d’heures pour découvrir le dénouement touchant et plein de rebondissements de l’intrigue. Intrigue qui, si elle se tient dans l’ensemble, boucle sa fin de manière un peu trop subite. L’amitié nouée entre Ashley et D, un fantôme que le joueur rencontrera assez tôt dans sa partie, a beau être crédible et attendrissante, on ne peut s’empêcher de se demander quel impact peut bien avoir la résolution de la quête de l’esprit sur la trame de fond. Un parallèle évident sur la relation entretenue par chacun avec leur père respectif, leur quête pour recouvrir des souvenirs jusqu’alors perdus, mais à quel prix ? Celui d’un fil rouge alambiqué, parfois peu compréhensible malgré la limpidité du scénario tant il est entrecoupé de petits moments dédiés à la famille Edward, laquelle possédait jadis le manoir délabré. Malheureusement pour Another Code : Mémoires doubles, le temps a également fait son œuvre et s’avoue désarmé par l’écriture générale, entre dialogues naïfs et mise en scène fade.

Sa suite directe, Another Code : R – Les Portes de la mémoire, ne diffère pas vraiment de son aîné, mais tend à appuyer ses défauts et échecs plutôt que ses réussites. Ici, l’aspect réflexion est mis en retrait avec bien moins d’énigmes et davantage de cinématiques et phases de dialogues. Encore plus faciles que dans la première aventure, il suffira de quelques secondes pour résoudre la quasi-totalité d’entre elles, avant de s’enfoncer dans un ultime arc narratif où chaque « énigme » se résumera à des séquences de QTE dans le but d’ouvrir des portes verrouillées. Moins fun, mais aussi moins prenant dans son intrigue où l’aspect paranormal du premier épisode semble s’être fait la malle pour un ton plus juvénile. Ashley, qui a désormais seize ans, doit se rendre à Lake Juliet, où sa défunte mère travaillait. Dans ce lieu autrefois touristique, elle fera la rencontre d’autres adolescents et partagera des moments de vie triviaux avec eux.

À nos heures perdues

Là encore, les derniers chapitres, intéressants, se montrent trop expéditifs et bazardent le build-up réalisé des heures durant autour du groupe d’adolescents, du concours de musique ou du sidekick à la recherche de son père disparu. Rien de médiocre, les adieux d’Ashley aux divers personnages rencontrés restant émouvants, mais l’ensemble souffre d’un rythme éclaté, presque asthmatique, balançant entre de chouettes séquences aventureuses et de longs échanges soporatifs. Il faut compter près de huit heures pour venir au bout de l’intrigue. Cumulé au temps de jeu nécessaire pour boucler Mémoires doubles, les joueurs peuvent donc envisager entre treize et seize heures pour tout compléter et mener Ashley au bout de ses aventures. Un temps raisonnable selon nous, malgré la présence de deux titres en un, mais qui souffre de nombreux allers-retours cherchant à gonfler artificiellement cette durée de vie et d’une rejouabilité inexistante propre au genre.

Bien que critiques à son égard, Another Code : Recollection a su nous emballer par sa volonté de proposer une approche différente des jeux d’origine. Une prise de risque certaine qui, dans l’éventualité d’un petit succès, pourrait peut-être mener à un nouvel opus corrigeant les quelques défauts énoncés dans notre test. Une jolie « victoire » pour les anciens de Cing désormais établis chez Arc System Works, comme Taisuke Kanasaki (character designer des jeux originaux officiant également sur le remake), lesquels peuvent continuer de faire vivre leur univers au moins encore une fois. On apprécie par ailleurs davantage les nouveaux artworks utilisés, plus épurés, lesquels n’hésitent pas à modifier complètement certains personnages pour apporter au cast davantage de diversité. La bande-son, sympathique, peinera toutefois toujours autant à marquer à le joueur. Plus futile, le DAS (Dual Another System), le couteau suisse technologique d’Ashley en jeu, ne prend plus la forme d’une Nintendo DS, mais d’une Nintendo Switch, nullifiant ainsi le petit clin d’œil de l’époque (DAS > DS / Dual Another System > Dual Screen).

Conclusion

Mitigés, voilà comment nous sommes ressortis d'Another Code : Recollection. Si on ne doute pas du potentiel attrait du titre pour des néophytes du genre ou les gros fans d'antan, difficile de recommander le remake au plus grand nombre. Il ne contentera ni les amateurs de puzzle avec ses énigmes particulièrement classiques et sa difficulté aux abonnés absents, ni les fervents lecteurs de visual novel avec son écriture quelconque, pour ne pas dire moyenne. Le premier opus reste définitivement le meilleur des deux, notamment aidé par un rythme maîtrisé et une atmosphère charmante, entre anticipation et fantastique. Pour tous deux, on salue la prise de risque tant la transposition d'énigmes ou la manière d'explorer les aires de jeu pouvait sembler casse gueule. Il n'empêche, le résultat final donne des titres plus convenus que leurs versions originales. Face à la horde de titres narratifs essentiellement venus de la sphère indépendante, la série peine à jouir de l'unicité dont elle disposait à l'époque. Pire encore : le voyage nous a semblé vain, alors que l'annonce du retour de la série avait su nous enthousiasmer tant il semblait improbable. Pour soixante euros et malgré tout le charme que possèdent les aventures modernisées d'Ashley, mieux vaut préconiser une mûre réflexion quant à l'achat du titre, même pour les plus nostalgiques.

Créée

le 17 janv. 2024

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Kalimari

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