La mer, qu'on voit danser...
Dans le monde vidéoludique désormais dématérialisé a surgi une scène indépendante procurant aux joueurs des titres ayant un contenu bien plus large que certains blockbusters vendus comme des petits pains.
Aquaria fait partie de ces bonnes surprises.
On contrôle une créature sous-marine, nommée Naija, dotée de pouvoirs divers et variés, activables selon le chant requis. Naija ne connaît pas ses origines, ni elle-même. Ainsi, sa curiosité va l'emmener dans les quatre coins des océans, à la rencontre du monde qui l'entoure, ses secrets enfouis depuis des siècles et peut-être là où elle est née.
Premier constat : Naija ne peut pas se battre à mains nues. En premier lieu, il faudra ruser grâce à ses premières capacités à anéantir l'ennemi ou bien éviter le danger. A la manière de Metroid, l'exploration n'est pas strictement linéaire, parfois il faudra revenir sur ses pas avec de nouveaux chants (boules d'énergie, forme de poisson, lumière, etc.) pour entièrement dénicher les trésors. L'héroïne aquatique peut également confectionner des recettes qui la procurent un gain de vitesse, défense ou de soin, voire des hallucinations (une soupe aux champignons arc-en-ciel et vous pouvez mettre "White Rabbit" en fond sonore). Il existe de nombreuses combinaisons, parfois surprenantes, ce qui donne un mini-jeu plutôt prenant au vu de la pléthore d'ingrédients disponibles dans Aquaria.
L'une des forces du titre de Bit Blot réside dans les graphismes. Entièrement construit en 2D, la calligraphie s'avère époustouflante. Chaque niveau possède un jeu de couleurs particulier, allant du bleu accueillant au rouge sang angoissant. Lors de la visite de chaque panneau est décrite une vie aquatique en mouvement permanent : les dauphins qui virevoltent dans les airs, les pieuvres crachant leur encre aveuglante, les hippocampes chevauchant les forts courants d'eau ou encore les méduses luminescentes des abysses nageant près d'autres créatures terrifiantes.
La musique, plutôt répétitive, a été travaillée avec soin de sorte à ce que les oreilles du joueur ne soient pas assommées durant son voyage aquatique.
L'aspect saisissant d'Aquaria est souligné par la narration. Quasiment relatée par monologues, Naija commente dans les moments-clés les révélations visuelles et historiques du monde aquatique avec poésie. L'instant le plus fascinant reste le premier contact avec le monde de l'air. Un effet ralenti qui transmet une sensation de pénétrer un univers totalement autre, empli de curiosité, avec une certaine délectation. Naija effleure délicatement les nuages durant un court moment avec un bonheur naïf partagé par le joueur.
La durée de vie reste très honnête pour un jeu indépendant. Il faut compter entre quinze et vingt heures pour parcourir Aquaria en essayant de dénicher les nombreux trésors (quelques-uns s'avèrent bien cachés), les recettes et tous les pouvoirs. Les ennemis sont plutôt coriaces : un plein de recettes gouteuses avant d'affronter les boss est recommandé.
Au chapitre des défauts se trouvent une maniabilité assez délicate à contrôler avec la souris (le port de la manette est vivement conseillé pour profiter pleinement d'Aquaria) et une certaine confusion dans son exploration. Cependant, des tortues géantes, parsemées dans les océans, ramènent dans des lieux déjà visités avec rapidité.
Par sa crédibilité dans les graphismes et du monde dépeint, par une héroïne charismatique (ce n'est pas le joli bikini rouge qui fait pencher la balance) et le contenu considérable qui est offert à nos yeux, les développeurs de Bit Blot font mouche. Si vous avez envie d'incarner Lara Croft sous les mers, Aquaria est fait pour vous.
Une perle rare.