En 2015, alors qu’Ubisoft Montréal était plongé dans la conception de Assassin’s Creed Origins, véritable révolution de la franchise avec son orientation RPG marquée, Ubisoft Québec s’attelait déjà à son successeur. L’ambition du studio québécois était de proposer une suite logique à cette renaissance tout en proposant un prequel, une plongée encore plus ancienne dans le temps pour explorer de nouvelles thématiques et un univers tout aussi riche.
Si Assassin’s Creed Origins nous transportait dans l’Égypte antique, avec ses pyramides grandioses et son Nil majestueux, cette suite nous entraîne au cœur de la Grèce antique, un monde baigné dans la mythologie et les luttes politiques complexes. Le choix de situer l’intrigue en - 431, pendant la guerre du Péloponnèse, témoigne d’un désir d’ancrer le récit dans une période historique foisonnante. Cette époque, marquée par les rivalités entre Athènes et Sparte, offre un terrain idéal pour mêler aventures personnelles et fresques historiques épiques. Une fois encore, Ubisoft n’a pas lésiné sur l’expertise : le studio a collaboré avec l’historienne Stéphanie-Anne Ruatta, spécialiste des langues et littératures anciennes, pour garantir une reconstitution fidèle et immersive de cette époque.
Plonger dans la Grèce antique, c’est s’immerger dans un monde où les Dieux côtoient les mortels, où les légendes des héros s’entrelacent avec les batailles bien réelles. Le jeu ne se contente pas de représenter la mythologie grecque comme un simple décor, mais en fait une partie intégrante de l’expérience. Entre les divinités du mont Olympe, les créatures mythologiques et les récits de grandeur, Ubisoft Québec parvient à capturer toute la richesse et la splendeur de cet univers fascinant. La précision des détails historiques et mythologiques témoigne d’un soin presque archéologique : les temples, les sanctuaires dédiés à Zeus ou Athéna, les îles qui évoquent les récits d’Homère… Chaque lieu respire l’histoire et le mythe.
En 2018, Assassin’s Creed Odyssey sort sur PlayStation 4, Xbox One et PC et marque un moment clé pour la franchise : ce n’est pas seulement un jeu, mais une odyssée, une invitation à naviguer entre les récits légendaires et les réalités historiques d’un monde qui continue de captiver l’imaginaire collectif.
D’un point de vue mécanique, le jeu reprend l’ossature établie par son prédécesseur, Assassin’s Creed Origins. On retrouve les éléments qui ont marqué le renouveau de la franchise : l’exploration dans un vaste monde ouvert, l’infiltration, les combats fluides et dynamiques, les énigmes dissimulées sur des tablettes, et l’utilisation de votre aigle pour marquer cibles et points d’intérêt. Le personnage, qu’il s’agisse d’Alexios ou de Kassandra, bénéficie cependant d’une plus grande vivacité dans ses déplacements, rendant les affrontements et l’exploration encore plus plaisants.
Mais Ubisoft Québec a ajouté deux nouveautés notables qui enrichissent considérablement l’expérience.
Pour la première fois dans la série, vous n’êtes plus simple spectateur, mais acteur de l’histoire. Ce système de choix transforme votre aventure en une odyssée personnalisée, où vos décisions influencent non seulement les quêtes secondaires, mais également les relations, les romances, et même votre réputation au fil de votre progression. Parfois, une conversation anodine peut révéler les conséquences de vos actes passés, ce qui renforce l’immersion et la cohérence de ce monde mythologique. Les choix ne sont pas toujours aussi cruciaux qu’ils le laissent croire, certains menant inévitablement au même dénouement, mais ils offrent une illusion maîtrisée de liberté. Et avec neuf fins différentes, chaque joueur peut véritablement modeler son propre destin, tel un héros façonné par les dieux.
La deuxième grande nouveauté, les Batailles de conquête, propose des affrontements sanglants entre Athènes et Sparte. Ces combats épiques, bien qu’un peu désordonnés, permettent au joueur de choisir un camp et d’influencer la situation politique locale. Ces batailles, bien qu’intenses, manquent parfois de la mise en scène grandiose qui aurait sublimé leur aspect épique. Elles n’en restent pas moins une manière efficace de gagner du loot et de l’expérience.
Malgré ces ajouts bienvenus, le jeu reste fondamentalement un Assassin’s Creed Origins transposé dans un nouveau décor. Cependant, ce décor est une étoile à part entière.
Comme le jeu précédent magnifiait l’Égypte antique, celui-ci sublime la Grèce antique. Cette péninsule et ses innombrables îles constituent le plus vaste monde jamais créé dans la franchise. Et quelle merveille ! Chaque recoin du jeu est un tableau vivant, une invitation à l’exploration. On passe des forêts aux teintes automnales aux plages paradisiaques, des sommets enneigés aux volcans menaçants. Les temples majestueux, parfois réduits à l’état de ruines rongées par le temps, et les épaves englouties par des coraux éclatants rappellent la richesse d’un passé millénaire. Ubisoft Québec a su recréer une ambiance mythologique unique où chaque lieu respire l’histoire et les légendes.
Mais ce n’est pas tout : le jeu va là où son prédécesseur hésitait. Les créatures mythologiques, comme Méduse, le Minotaure ou le Cyclope, font partie intégrante du voyage. Pour atteindre la fin véritable du jeu, vous devrez les affronter, une idée bienvenue qui plonge le joueur à pieds joints dans les récits de la mythologie grecque. Ce mélange d’histoire et de fiction légendaire est renforcé par la possibilité de revêtir des tenues iconiques, comme celles d’Achille, Thésée ou même de Kratos. Ces touches subtiles renforcent l’immersion dans un monde où les récits homériques et les exploits des héros se mêlent à l’aventure.
L’immersion dans la Grèce antique est aussi portée par la bande originale, composée par Mike Georgiades et le duo The Flight. Les morceaux, tantôt épiques, tantôt mélancoliques, évoquent l’atmosphère mystique et dramatique des tragédies grecques. La musique, véritable muse, accompagne chaque pas du joueur et sublime l’expérience d’un bout à l’autre du jeu.
Cependant, ce n’est pas un jeu à prendre à la légère. Avec au moins 60 heures de durée de vie pour la quête principale et un contenu annexe abondant, le jeu exige une réelle implication. La structure narrative complexe peut parfois perdre les joueurs, notamment lorsque plusieurs quêtes principales ou secondaires se chevauchent. Il faut également prendre garde à ne pas quitter l’aventure prématurément : l’histoire ne se conclut pas après le duel fratricide ou l’élimination du Culte. Il faut pousser jusqu’aux révélations finales avec Pythagore pour découvrir la conclusion complète. Une épopée digne d’un héros mythologique !
Avec Assassin’s Creed Odyssey, Ubisoft Québec signe une œuvre magistrale, où le gameplay, le scénario et l’univers convergent pour offrir une expérience immersive. Bien que le jeu souffre parfois d’une répétition dans ses mécaniques par rapport à son prédécesseur, il compense largement par son système de choix, ses batailles de conquête et l’intégration magistrale de la mythologie grecque. Et surtout, il réussit à capturer l’essence même de la Grèce antique, une terre de Dieux, de héros et de légendes. Pour les amateurs d’histoire et de mythologie, Assassin’s Creed Odyssey est une invitation à devenir l’auteur de sa propre épopée.