Goûte qui a fait débordé le vase qui déjà laissait quelques gouttes s'échappaient, Assassin's Creed Syndicate a cette douloureuse image de "c'est le jeu qui a poussé Ubisoft a faire une pause dans la série". Par un hasard des choses, je me retrouve toujours à faire les Assassin's Creed à minimum "année +1" après leur sortie. Après le goût amer que m'a laissé Rogue (cf ma critique), j'ai lancé Syndicate, hâte de jouer à un jeu de la série récent pour effacer le mauvais souvenir de Rogue. Cela et le fait que je n'ai pas lancé le jeu avec le ras-le-bol général dans lequel il est sorti, j'ai commencé cet opus en étant serein et même curieux de voir ce qui m'attendait.
Tout d'abord les graphismes qui sont, sans être moches, un peu laborieux. Le jeu souffrait de quelques textures baveuses et de bords qui partaient un peu en vrille. En même temps, c'est le premier Assassin's Creed que je fais sur console depuis le troisième alors cela m'a peut être choqué plus que de raison. Après, soyons honnêtes, dans les feux de l'action, le jeu reste joli.
Côtés sons, les musiques, agaçantes au début, se révèlent parfaitement raccords à l'ambiance et univers du jeu. Finalement, quand on est emprunt de ces éléments, les musiques sont plutôt agréables. Les accords très vifs des violons, presque crissants, sont parfaits. Ce n'est pas une bande-originale que j'irai écouter sur un coup de tête mais dans l'expérience de jeu, elle est très convaincante. Par contre, les voix sont un véritable délice. Je pense qu'en France, on a une appréciation particulière pour l'accent "british" (en tout cas moi j'en ai une) et ce jeu nous fait énormément plaisir à ce niveau-là. De plus, le doublage du héros, Jacob, es assuré par Paul Amos, un acteur que j'apprécie tout particulièrement. Les bruitages sont quant à eux, bons, sans plus.
Rentrons maintenant un peu plus dans le détail. Je vais commencer par parler ce qui fait pour moi le force du jeu : le duo de héros, les jumeaux Jacob et Evie Frye.
Un petit aparté pour corriger quelque chose que je vois un peu partout. Rappelons nous qu'Ubisoft a subi une polémique -mérité- quand ils ont annoncé que dans Unity, malgré un aspect très fort de la personnalisation des héros et de la coopération, il serait impossible d'incarner une femme. Aveline de Granpré et Shao Jun rongent donc leur frein en attendant de voir enfin unE assassinE dans la série principale. Il serait facile de croire qu'Evie Frye serait donc là comme excuse, une manière pour Ubisoft de se faire pardonner en disant "regardez, une femme comme héroïne d'Assassin's Creed !" et c'est ce que beaucoup semble croire. Sauf que, nous savons que les développements des Assassin's Creed se chevauchent si bien que celui de Syndicate était déjà entamé quand Unity n'était pas encore sortis. Alors impossible de valider la théorie qu'Evie soit une excuse de la part d'Ubisoft. Non, Evie est là depuis le début, totalement légitime dans la volonté artistique de Syndicate et faute d'être l'héroïne unique d'un jeu, il serait incomplet si elle n'était pas là.
Parce qu'Evie et Jacob, c'est quand même un sacré numéro. Assassins par tradition paternelle, on les découvre au début du jeu, rebelles, agacé-e de ne pas opérer dans une Londres qui tombe chaque jour un peu plus aux mains des Templiers. Alors, à la fin d'une énième mission qu'ils considèrent inutiles, mais qui sert de tuto, ils font un pied de nez à leur mentor et prennent en marche le train, littéralement. Ayant leur discussion au bord d'un chemin de fer, ils décident sur un coup de tête et dans une scène que j'ai beaucoup aimé, de sauter sur un train qui passait par-là, se rendant à Londres.
J'aimerais vous dire que le reste de l'histoire du jeu est aussi cool mais malheureusement, ce n'est pas du tout le cas. Pire, il y a même des choses que je dirais "mauvaises". Par exemple, en arrivant à Londres, les jumeaux rencontre le "chef" de la section des Assassins à Londres, Henry Green, en attente de renfort de la Confrérie pour tenir tête aux Templiers. Il voit en l'arrivée des jumeaux ces renforts qu'ils espèrent tant. Problème, ce n'est pas le cas et malgré le mensonge de Jacob pour avoir la sympathie d'Henry, il n'y aura jamais de conséquence à ce mensonge. Pas de prise de conscience de lui qui plus est, du style : "Vous m'avez menti !". En même temps, cela aurait été attendu donc je ne sais pas ce qu'est mieux. Henry Green qui est le "love interrest" inutile du jeu, avec Evie. Si, je suis mauvaise langue : l'autre intérêt d'Henry Green est qu'il est indien, en direct des colonies. Ce qu donnerie lieu à une mission ou deux traitant de cette question. Malheureusement, cela reste Ubisoft donc il ne faut pas s'attendre à beaucoup de critique et de politique dans ces missions. Cependant, cela fait dans sens dans l'expérience Assassin's Creed qui veut toujours faire référence à plus des faits historiques pour attiser la curiosité du joueur. Pour en revenir à l'histoire, il y a aussi ces passages un peu étranges, je pense notamment à
cette histoire d'amour entre Jacob et la meuf qui se révèle être une Templière. Elle sort de nul part et est complètement artificielle.
Sans continuer le spoil, on sent parfois que les rouages qui font avancer l'histoire sont un peu trop gros, sont forcés. Cela affecte l'appréciation qu'on a de l'histoire par moment ; on ne comprend pas toujours le lien logique et c'est dommage. Surtout que, finalement, l'histoire n'est qu'une énième course au fragment d'Eden contre les méchants Templiers qui veulent "juste" avoir le contrôle pour un monde meilleur. Je ne me permettrai même pas de parler de l'histoire qui se déroule dans le présent même si c'était rigolo de retrouver des protagonistes de Rogue, cette fois dans le camp des "méchants".
Mais alors, qu'est-ce qui nous fait avancer dans Syndicate ? Et bah, je vous le donne dans le mille : les jumeaux Frye. Ils sont vraiment très bien écrits, drôles, attachants au bout de quelques cinématiques. Mais ce qui est très bien trouvé de la part d'Ubisoft, c'est que leur relation va être à l'origine de la structure narrative du jeu. Assez tôt dans le jeu, une dispute éclate entre les deux jumeaux ; Jacob veut affronter les Templiers par les rues, Evie par la quête du fragment d'Eden. Dès lors, si les missions secondaires sont jouables librement par l'un ou l'autre (les deux intervenant dans les cinématiques d'introduction), les missions principales sont liés à un des deux jumeaux. On se retrouve alors avec une narration et progression proche d'un GTA et bien que pas client de la série, là, il faut reconnaître que ça marche... presque.
Le seul bémol que je mets à tout cela est le manque de clarté dans la chronologie et sur le commencement d'une séquence : j'ai eu l'impression de pouvoir faire le jeu dans le désordre. Dans l'absolu néanmoins, rien de grave.
Mais l'écriture et la narration ne sont pas les seuls points forts apportés par les jumeaux : leur gameplay est pratiquement le même. Vous pouvez croire que c'est un défaut mais en réalité, je vois ça comme un point positif : mis à part l'équipement et quelques compétences, Jacob et Evie se jouent pareils et je trouve ça très bien. Pas de distinction du style "Evie sera forcément consignée aux missions d'infiltration et Jacob à la baston" ; les deux jumeaux feront tour à tour chaque style de mission. De plus, les activités libres sont jouables par celui que vous voulez donc cela aurait été compliqué de cantonner l'un ou l'autre à un style de gameplay très particulier. Cela reste donc mon petit plaisir d'enchaîner les défis de pugilat en explosant de gros mastodontes avec la "délicate" Evie Frye.
Le gameplay, parlons-en. On hérite ici de la recette 2.0 des Assassin's Creed, initié avec Unity et terminé avec Syndicate puisqu'Origins créera une 3.0 un peu plus tard. Bref, globalement, c'est jouable en théorie sauf sur un point précis : les animations. Effectivement, les premières heures du jeu, j'ai trouvé le jeu très rapide à cause de ses animations. Autant cela rendait très bien dans les bagarres (la violence de certaines exécutions est exutoire), autant cela était étrange lors de fuite ou de courses hasardeuses. J'ai eu ma réponse à tout hasard de ma navigation sur internet : c'est l'une des têtes pensantes du jeu qui a confié que toutes les animations ont été accélérées quelque peu pour faire ressentir le côté "moderne" de l'époque du jeu. Cette époque où, grâce à la machine, tout s'accélère. Cette même pensée qui donnera lieu au mouvement du futurisme. Comme beaucoup de choses avec Syndicate, on trouve cela étrange au début puis on s'en accommode rapidement car elles font sens dans l'expérience globale que le jeu veut transmettre.
Je reviens au gameplay donc ; cela marche. Il y a suffisamment d'approches possibles d'une même situation, le jeu se contrôle bien (une fois la particularité des animations passée) et il est agréable d'évoluer dans Londres. On retrouve aussi la personnalisation de ses personnages au travers d'équipement et de compétences; rien de bien original mais c'est efficace. Personnalisation de l'expérience de jeu aussi puisqu'on peut améliorer différents aspects de son aventure : plus de membres de son gang, plus de rentrée d'argent, plus de caisses qu'on peut faire s'écraser sur ses ennemis (une nouveau bien vue du titre malheureusement trop artificielle et rare), etc. Également, Assassin's Creed oblige, une pléthore d'activités et d'objets à collectionner qui occuperont les maniaques du genre. J'avais personnellement arrêté depuis Black Flag mais il faut reconnaître que la ville de Londres est particulièrement agréable à parcourir alors je me suis laissé prendre au jeu un moment. On retrouve aussi agréablement le principe de zones à libérer aux travers de diverses missions. Les missions d'enquêtes, introduites avec Unity, sont ici reprises et largement améliorées ; je me suis beaucoup plus pris au jeu dans l'opus parisien.
En terme de nouveautés pures, il y a ces caisses à faire s'écrouler sur ses ennemis dont j'ai déjà parlé, le retour (mais c'est améliorée donc je considère ça comme une nouveauté) de la gestion de sa confrérie, symbolisée ici par le gang que gère Jacob, les missions à la Hitman, le grappin et les carrosses. On va tout de suite évacuer cette dernière ; elle n'est pas inutile et je dirai même qu'elle est plutôt bien foutue. Le fait de pouvoir grimper sur le toit en pleine course est assez grisant par moment et le fait de pouvoir y cacher des corps est stratégiquement cool. Sauf qu'on est dans un Assassin's Creed alors entre vagabonder sur les toits et prendre la voiture, bah je vagabonde. Argument sensiblement semblable pour le grappin. D'une pression sur la touche L1, votre personnage s'envole au point le plus haut qu'il peut ou, sur un point distant devant vous. D'aucun diront que ça dénature un jeu Assassin's Creed puisque tout le sel de ce jeu est son freerun. Oui mais voilà. Le monde d'Assassin's Creed évolue en même temps que l'époque : croyez-moi que vous serez bien content de pouvoir traverser cette grande avenue plutôt que de redescendre pour remonter quelques secondes plus tard. De plus, les bâtiments sont grands, bien plus grand que dans les premiers Asassin's Creed alors une petite aide quand vous en avez marre d'escalade c'est bien vu. Ma conclusion sur le grappin c'est qu'oui, ça fait un peu tâche dans un jeu comme ça mais dans les feux de l'action, son utilisation est transparente.
Viennent les missions à la Hitman. Déjà esquissées dans Unity, ces missions sont celles d'assassinat de cible précise. Dans Assassin's Creed premier du nom, vous deviez faire une série de mission pour connaître les habitudes de la cible ; connaissances à ré-utiliser une fois la mission d'assassinat commencée. Dans Syndicate, ces informations vous sont données en cinématique d'intro avec une mise en scène pas originale mais toujours cool. Mais cette fois, comparé au premier Assassin's Creed et surtout comparé à Unity, ces leviers à actionner pour influencer la mission marchent vraiment. Vous avez en général 3 possibilités différentes (l'uen de ces 3 élimine peut éliminer une autre approche) et si vous interagissez avec cette solution, un nouveau passage s'ouvrira, des PNJ vous aideront -vraiment- ais-je envie de préciser, un assassinat unique se fera, digne d'Hitman. Par exemple, sans spoil, il est possible de se cacher dans un sac mortuaire et, au moment important, faire "coucou c'est moi pif la lame secrète dans le bide". C'est très bien mis en scène et très plaisant à jouer.
Avant de faire une conclusion, un dernier pan du jeu dont j'ai envie de vous parler mais il est un peu particulier. Je ne sais pas si c'est du spoil; ça ne gâche pas l'histoire principale du jeu. Cependant, c'est un élément dont je n'avais pas du tout entendu parler et j'ai beaucoup apprécié avoir la surprise en le découvrant moi-même. Pour cette raison, je le mets en spoil. Si vous n'avez pas peur de vous gâcher une des activités secondaires, vous pouvez lire, sinon on se retrouve tout de suite après.
De la même manière que dans Unity, on a de nouveaux des passages dans la seconde guerre mondiale. Sauf que cette fois, ça va un peu plus loin que de la course d'obstacles pas très folichonnes : c'est carrément une aire -réduite- de jeu, une Londres de 39-40 reconstitué qu'on peut explorer. On joue la petite fille de Jacob Frye, Lydia de son prénom, entraînée par son grand-père et sa grande-tante Evie. Plusieurs missions secondaires (presque tertiaires il faudrait dire) peuvent être faites une fois celle d'introduction effectué. On n'échappe pas au Churchill de rigueur et le tout reste très sympa à jouer.
J'ai l'impression d'avoir soufflé le chaud et le froid avec cette critique. Pendant son écriture, la note a oscillé entre 7 et 8 mais finalement, c'est bien le 8 qui va rester. Pourquoi ? Parce que, je le redis, mais les jumeaux Frye portent une grande partie du joue sans sourciller. Parce qu'avec tous les défauts qu'on lui connaît, j'apprécie (de manière critique comme vous pouvez le voir) la série Assassin's Creed et que la recette fonctionne encore ici. Parce que de la même manière que Rogue m'a donné à voir une époque et des évènements inconnus pour moi, Syndicate m'a mis le nez sur quelque chose qui a beau avoir inspiré un style d'art (le steampunk), reste inconnu pour moi avec cette Londres en pleine métamorphose. Le travail des enfants, la grande pauvreté, les premières inventions modernes (le télégraphe par exemple), etc. Non, Londres n'a jamais été une ville qui m'a attiré mais ce jeu me la fait connaître, apprécie même durant un temps, notamment grâce au travail d'ambiance que je trouve bien plus saisissant que dans Unity. Pourquoi 8 vous vous demandez encore ? Parce que l'aventure, bien qu'attendue sur de nombreux points, réserve quelques grands moments surtout vers la fin où tout s'enchaîne (la dernière mission est vraiment très cool). Parce que beaucoup de choses dans ce jeu demandent à être vu par un prisme un peu plus global, bien plus que d'habitude dans un jeu Ubisoft. Because fuckin' London !