1789 : la Révolution sans Fraises.
Dire d'un titre pareil qu'il constitue une déception... nécessiterait une forme de capacité à l'optimisme en ce qui concerne Assassin's Creed dont je ne suis plus capable depuis des années. Ce n'est pas exactement de lassitude qu'il est question; mais bel et bien d'ennui. J'avais pourtant quelque espoir en m'attaquant à ce titre en particulier; j'ai toujours trouvé très intéressant le côté "cape et d'épée" de la série et sa tendance à vouloir placer son récit dans les crevasses de l'histoire a toujours eu une forme de charme à mes yeux. Mais faut se faire à l'évidence; ici, 1789, c'est la Révolution sans Fraises. Cette même période de l'histoire qui a marqué le XVIIIème siècle d'une mémorable maxime dont vous vous souvenez sans-doute et qui énonçait les bases d'une société nouvelle. Liberté. Égalité. Produits Fruitiers.
Chaque année, à la même saison, l'arbre à Assassin's Creed nous livre ses fruits. Ils sont assez similaire d'une année à l'autre. Un peu plus pirates quand le temps s'y prête. Un peu moins bien en temps de disette. Mais, comme le beaujolais, c'est toujours le même vin. Et c'est un peu là que s'arrête le pan critique de notre texte. Après tout, vous devez savoir si vous avez envie de jouer à l'énième itération sans charme des aventures d'Ezio. Vous êtes sans-doute assez éduqué pour comprendre que si la série ne s'est pas fondamentalement améliorée depuis 2007; c'est sans-doute qu'elle en est incapable. Par contre, je peux vous expliquer en quoi cet épisode intitulé Unity est symptomatique des techniques utilisées pour forcer cette récolte sempiternelle au détriment d'une série qui mérite bien mieux.
Sortir un jeu de cette ampleur sur un rythme annuel est encore et toujours - même à notre époque mondialisée - une entreprise pharaonique. Ne serait-ce que le simple fait d'imaginer entreprendre pareil exercice paralyserait d'effroi toute compagnie dotée d'un sens de la mesure. Et Ubisoft s'acquitte - assez mal - de l'exercice chaque année. Ils ne peuvent pas prendre le temps de faire évoluer leur formule; faut la garder assez proche de l'itération suivante qui est déjà en chantier que pour que l'ensemble reste cohésif. L'histoire? On s'en inspire, d'accord, mais on préfère faire oublier les révélations abracadabrantesques dont le scénario se nourrit. C'est, après tout, une série où des protagonistes interchangeables se connectent au passé par des machines capables de lire leur ADN afin de jouer aux Assassins - ou aux Templiers, hein - dans le but de récupérer des artefacts laissés sur terre par des aliens tout en se battant parfois à l'aide de sabres dotés de lasers. Rien que ça. Le tout mâtiné d'intrigues politiques pseudo-historiques dignes du meilleur du pire de la littérature populaire. Avec pareilles bases; on peut par leur en vouloir de juste s'acquitter d'un air déterminé - qui veut souvent dire "je fais semblant de savoir ce que je fais"- de la lourde tâche annuelle de construire des maquettes tridimensionnelles de capitales européennes disparues sous les flots du temps.
Non, porter une série d'une génération à l'autre de hardware jusqu'au point où il faut changer six millions de lignes de code pour permettre au protagoniste de s'accroupir n'était pas une bonne idée. Mais grâce à Assassin's Creed; on le sait. C'est une expérimentation dans le domaine du marketing. Jusqu'à quand peut-on vendre le même jeu? Mystère. Mais on va bientôt le savoir. Est-il possible de bluffer le consommateur chaque année en lui faisant miroiter un nouveau setting susceptible de le motiver à l'achat? Mystère. Mais on va bientôt le découvrir. En l'état, Unity reste similaire à ses aïeux : un titre sorti pas terminé, magnifique mais poussif, vaste mais vide. C'est l'Effet Assassin's Creed; une série vendue sur la promesse instillée dans votre imaginaire par le pouvoir du dollar vert. Et tout ce que l'on peut dire de ce titre à la fin de la journée; c'est que Paris n'est pas Florence et qu'Arno n'est pas Ezio. Et ils ont essayé, hein; mais ils étaient très fatigués.