Baldur's Gate III
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Baldur's Gate III

Jeu de Larian Studios (2023PC)

Pas mal, mais pas à la hauteur de ses ancêtres.

[AVERTISSEMENT: CONTIENT DES SPOILERS]


Après trois ans à le snober sur Steam (je ne touche pas aux machins pas finis), j'ai finalement acheté le jeu et terminé mon premier run après un peu plus de 80 heures.


On en a pour son argent : c'est beau, bien fichu, bien écrit, tout à fait dans le lore des Royaumes Oubliés et on y passe un temps fou, surtout si on veut tout bien explorer. Le monde regorge de quêtes et l'histoire est prenante, convoquant tout ce qu'on aime dans Donjons et Dragons : des créatures uniques (ici les illithids et les githyankis, qui ont un grand rôle dans l'histoire), des méchants charismatiques, un scénario sans (trop de) trous, des compagnons ayant chacun leur personnalité, leurs réactions à nos actions, leurs banters (ie les vannes qu'ils se lancent dans la tête pendant qu'on crapahute dans la cambrousse), et la fanfare intégrale des temples perdus, donjons lugubres, Outreterre emplie de champignons, de drows et de duergars et, en clou du spectacle, la ville (basse uniquement, dommage) qui donne son nom au jeu, la Porte de Baldur elle-même.


Côté retrouvailles, quand on est un vieux qui a poncé les deux premiers volets, on a la joie de retrouver Jaheira et Minsc (et Bouh), qui peuvent (re)devenir nos compagnons de route. Un peu dommage de ne pas pouvoir les recruter plus tôt (fin acte 2 pour la première, acte 3 pour le second), cela donne un sentiment de trop peu, comme si le jeu voulait nous pousser à nous attacher aux nouveaux compagnons avant de retrouver les anciens. Peut-être pour créer un dilemme ? Dans mon cas, aucun scrupule : j'ai dégagé manu militari les nouveaux pour faire de la place aux vieux. Et j'ai plutôt eu la sensation de retrouver ma team de l'époque, ce qui était (très) plaisant.


Et puis il y a les deux autres. Et... Pfff...


Car oui, deux autres anciens personnages viennent faire du fan service (hors Elminster et Volo, qui apparaissent évidemment et sont égaux à eux-mêmes). On assiste d'abord à l'apparition surprise et un peu déceptive de Sarevok (qui sert uniquement de gros méchant greugreu, sans forme ni nuance, alors que son développement dans Throne of Bhaal en avait fait un personnage bien plus subtil).


Puis vient le naufrage absolu, l'échec sur toute la ligne pour la quatrième briscarde rejaillie des précédents opus, j'ai nommé Viconia DeVir, notre elfe noire préférée... Jusqu'ici, du moins. Dans BG1, elle était naïve et découvrait avec stupeur et inquiétude la surface, tandis que BG2 lui faisait prendre un peu de maturité et (surtout pour les gens qui ont eu le bon goût de la romancer) beaucoup, beaucoup de profondeur. Dans BG3, exit la drow luttant contre les réflexes de sa propre culture et peinant à comprendre ce qui l'entoure, finie la prêtresse intelligente et subtile finissant par créer une forme d'amitié vache avec certains des compagnons de route et le personnage joueur, terminé le combat contre les (nombreux) traumatismes vécus à la surface qui en font une survivante avec une certaine fragilité que le PJ parvient peu à peu à extraire de sa carapace.


Ici, Viconia est une harpie maléfique et fanatique dévouée à sa déesse jusqu'à la bêtise.


Et... C'est tout.


Immense déception dans le traitement de ce qui était mon personnage préféré de toute la franchise.


C'est l'une des trois raisons qui font perdre des points au titre à mes yeux : le massacre de certains personnages. Sarevok et Viconia, sans conteste, mais aussi Karlach, dont la fin est très décevante, et Orin, l'une des trois grandes méchantes, certes charismatique mais avec la subtilité d'un marteau-piqueur monté sur un bulldozer (voulue psychopathe inquiétante et folle à lier, mais finalement grotesque au possible en puisant dans tous les clichés disponibles).


Ah, et en parlant des personnages : ça aurait été bien que TOUS les compagnons n'essaient pas de se glisser dans le lit de notre héros cinq minutes après le début de l'histoire. Se faire draguer par littéralement TOUT LE MONDE juste parce qu'on est sympa avec eux et se manger avance scabreuse sur avance scabreuse (quand ce n'est pas du rentre-dedans, coucou Lae'zel), au bout d'un moment, ça saoule.


Moins un point pour les personnages foirés, donc.


Moins un point pour les combats au tour par tour : à vouloir imiter scrupuleusement une partie de JdR sur table, on oublie qu'on est dans un jeu vidéo. C'est donc lent, chiant, ça donne envie de recharger dès qu'on foire son premier jet d'initiative parce qu'on SAIT que notre mage va mourir s'il n'a pas le temps de lancer un sort pour s'éloigner/se protéger, et quand il y a plus de trois ou quatre ennemis et/ou alliés, on passe notre temps à attendre qu'il se passe un truc. L'assaut des Tours de Hautelune en fin d'acte 2, notamment : un calvaire absolu.


On se demande pourquoi Larian n'a pas jugé utile d'au moins PROPOSER l'option du temps réel avec pause active (comme dans les deux premiers opus donc, ou comme les jeux Pathfinder d'Owlcat Games, que je considère comme de bien meilleurs héritiers).


Parfois, j'admets que le côté tour par tour est intéressant et rigolo (par exemple quand on dispose d'un nombre de tours limité, ce qui force à l'économie d'action, l'ingéniosité et l'audace). Et parfois, c'est juste pénible, au point qu'il m'est arrivé de recharger au déclenchement d'un combat pour voir s'il n'y avait pas plutôt moyen de l'éviter par les dialogues...


Et puisqu'on en parle, moins un point pour les jets de compétences, du coup. Le système est chouette, compréhensible, clair, permet d'ajouter les bonus facilement sans fouiller l'inventaire à la recherche de tel ou tel parchemin, potion ou sort (d'autant que l'inventaire est un ENFER, puisque Larian nous permet comme d'habitude de ramasser 14974616 merdes au lieu de seulement les objets importants). Le hasard joue forcément un rôle, un échec critique, même pour une compétence qu'on maîtrise, est un échec. Ce qui est à la fois marrant et très frustrant, et pousse (aussi) à recharger quand on se loupe.


Le problème de ce système, c'est qu'il est OMNIPRÉSENT. On ne peut littéralement pas prononcer deux phrases sans qu'il y ait besoin d'un jet de dés, parfois sur des scores ridicules que les compétences acquises dépassent largement. J'aurais aimé que certaines compétences fonctionnent par paliers, ou au minimum, qu'on s'épargne l'effroyable animation des dés qui roulent et qui donnent le résultat. Dans Pathfinder, les dés roulent en fond, et on n'a que les résultats. Ici, on doit se farcir TOUS les jets de TOUTES les compétences utilisées en dialogue (avec cependant la possibilité de relancer si on se foire et qu'on a accompli suffisamment d'objectifs secondaires, ce qui n'est pas désagréable).


J'ajoute qu'il est extrêmement frustrant de prévoir une équipe équilibrée avec une "face" compétente en charisme, un sage qui s'y connaît en histoire, religion et magie, un bourrin qui gère l'athlétisme, un voleur qui s'occupe des pièges et de faire les poches des gens, etc. ...et qu'il ne soit pas possible de CHANGER DE PERSONNAGE lors d'un dialogue alors que TOUT LE GROUPE EST LÀ, ni même parfois de décider à qui parle le personnage à la fin du combat.


Pourquoi le sage ne peut-il pas intervenir quand le sujet dérive sur l'histoire? Ou le bourrin quand il s'agit de foutre un coup de boule ? Mystère.


La seule solution est donc d'avoir un personnage qui gère à la fois le charisme, l'intelligence et la sagesse (au minimum) pour pouvoir s'en sortir sans trop de casse côté dialogues, et espérer qu'il ne soit pas trop loin quand une cinématique se lance (sinon le PNJ parle au premier personnage qu'il chope, et tant pis si c'est la barbare avec 4 en INT).


Bref, un concept sympa mais qui ne donne pas l'impression d'avoir été réfléchi jusqu'au bout.

Au final, un jeu très cool, qui à certains égards (la plus grande partie de l'écriture notamment) est une digne suite de ses prestigieux ancêtres... et à d'autres, oublie complètement que Baldur's Gate est une série de jeux vidéo, et pas unre retranscription sur écran d'une session de JdR.


Je l'ai dit plus haut : si vous voulez retrouver l'ambiance des anciens jeux BG, visez plutôt les jeux Pathfinder : Kingmaker et Pathfinder : Wrath of the Righteous. Ici, j'ai plutôt eu l'impression (et les NOMBREUSES autoréférences n'ont pas aidé) de jouer à Original Sin 3, édition Royaumes Oubliés. Et c'est un peu dommage.


Les + : graphismes au top, quêtes bien écrites, scénario prenant, compagnons attachants, énorme durée de vie, exploration très chouette.


Les - : quelques gros échecs scénaristiques notamment sur certains personnages (Viconia en tête), une caméra parfois aux fraises, un inventaire épouvantable (comme souvent chez Larian), des combats qui à la longue finissent par être pénibles et nous détachent de l'action, des tests de compétences omniprésents et mal branlés.

Adrien_Tomas
7
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le 31 août 2023

Critique lue 91 fois

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Adrien Tomas

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