Baldur's Gate III
9.1
Baldur's Gate III

Jeu de Larian Studios (2023PC)

Chacun sait que les RPG vidéoludiques trouvent leur inspiration première des jeux de rôle papier, et donc de Donjons et Dragons, dont le premier pic de popularité coïncide avec le développement des premiers jeux vidéos RPG populaires (années 80). Pour ma part, ayant grandi dans les années 2000-2010, ma première expérience avec le jeu de rôle fut au travers des jeux vidéos avant de m’immerger dans « l’expérience papier ». Beaucoup de ces jeux vidéos ont fini par trouver leur propre formule, quitte à simplifier et adapter.

Et puis est arrivé Baldur’s Gate 3. Comment le décrire autrement, sinon comme étant la plus pure expérience « jdr papier », traduite en jeu vidéo ? Ici les jets de dé sont cruciaux et constituent le cœur de l’expérience tout autant que les combats au tour par tout stratégique. De même, la narration immersive enrichit l’aventure à merveille.

Mais là où Baldur’s Gate 3 écrase la concurrence, c’est en évitant soigneusement leurs erreurs. Déjà il réussit à proposer une épopée durant au moins une centaine d’heures, sans omettre la grande rejouabilité, dépourvue (ou presque) de la moindre quête fedex pour gonfler artificiellement la durée de vie. Quête principale, quêtes des compagnons et quêtes « secondaires » s’imbriquent en parfaite cohérence, si bien que les parties optionnelles s’adjoignent en bonus bienvenus. Deux parties, même avec des choix similaires, ne pourront jamais être identiques. Beaucoup d’autre jeux, y compris ceux que j’aime bien, auront deux ou trois chemins principaux, souvent suivant l’alignement « gentil » ou « méchant ». Ici les possibilités d’alignement s’ajoutent aux variantes sur la race et classe jouées, les options de romance, et l’ordre et la manière dont les quêtes sont accomplies. Le jeu offre une grande liberté malgré son format « semi-ouvert », qui pourtant n’était pas un principal argument de vente par rapport à d’autres jeux ! Il n’y a jamais une unique manière de résoudre une situation. Mieux encore, Baldur’s Gate 3 récompense joueuses et joueurs attentifs au travers de bonus ou de morceaux d’histoire unique, exigeant lorsqu’il le faut mais jamais frustrant.

D’ailleurs j’aimerais aussi complimenter le système de combat. Bien que Donjons et Dragons constitue le pinacle du jeu de rôle occidental, c’est chez les JRPG que le tour par tour est la norme, là où les occidentaux préfèrent l’action direct. Incarner chaque personnage, compagnon et parfois allié au tour par tour apparaît donc rafraîchissant. J’apprécie particulièrement leur aspect stratégique. Qualité a été préférée à quantité ! Certains affrontements dépassent la demi-heure (voire l’heure), et il peut être frustrant de recommencer du début. Les essais peuvent être cependant vus comme gratifiants. Joueuses et joueurs doivent planifier, comprendre le pattern des ennemis, et utiliser à bon escient les sorts dont certains ne se rechargent qu’après un long repos. Il peut y avoir un côté stressant, mais jamais à outre mesure puisque les réflexes ne sont pas sollicités.

Mais surtout, Baldur’s Gate 3 excelle par son écriture, qui je trouve surpasse même d’autres RPG fantasy dont c’est la force, comme Dragon Age et The Witcher 3. Le jeu suit une trame qui pourrait être considérée comme manichéenne. Jamais l’histoire ne minimise les aspects fantasy comme ce fut la mode lors de la décennie précédentes, avec de la fantasy « sombre » et « réaliste ». Au contraire, Baldur’s Gate 3 mêle astucieusement les codes du genre et les éléments « magiques » pour raconter un récit prenant, épique et émotionnel.

Je pourrais citer plusieurs exemples m’ayant marqué. La quête d’Ombrecoeur où, dans mon playthrough, elle s’aperçoit qu’elle a été manipulée par le culte de Shar. Cette quête s’assemble elle-même avec celle de la traque de Chantenuit, révélée être Dame Aylin, qui est indispensable pour vaincre son propre beau-père Ketheric Thorn à la fin de l’acte 2. Ou bien je pourrais citer la quête de Gale qui convoite la couronne de Karsus. Elle se mêle à l’histoire d’un des antagonistes, Raphaël, ambitionnant de la récupérer, et au marteau d’Orpheys qui est nécessaire pour libérer le prince, afin de libérer Lae’zel et son peuple githyanki de la tyrannie de Vlaakith. Sans parler de la manière dont les différentes divinités (Shar, Bhaal, Myrkur, Baine, Mystra, …) interviennent dans le récit et interagissent avec leurs avatars/élus et autres mortels. Et je pourrais citer tant d’autres exemples…

Comment mentionner l’écriture sans les compagnons ? Grand fan de Mass Effect, que j’ai refait encore et encore, je n’aurais jamais imaginé jouer à un jeu avec des compagnons aussi bien écrits (Dragon Age et KOTOR, eux aussi de Bioware, s’en rapprochaient le plus). J’avais tort ! Baldur’s Gate 3 propose des compagnons extrêmement attachants, complexes, et à l’évolution bien pensée. S’ils ont des traits marqués dès leur apparition (Karlach a une personnalité en or, Wyll est vertueux, Ombrecoeur a un côté « edgy » comme Astarion et tous deux incarnent des nuances de cynisme, Lae’zel est dure et forte, Gayle est inquiet et tourmenté), ils surprennent par leur parcours quels que soient les choix. De surcroît, leurs interactions régulières (et non pas seulement avec notre protagoniste) rend le jeu vivant et dynamique, et renforcent les enjeux.

En fait, si je devrais attribuer un défaut au jeu (outre les indications parfois vagues), c’est que la porte de Baldur en elle-même, le cœur de l’histoire… m’a parue un peu générique. « Affreusement banal », pour citer notre amie Lae’zel. Des villes comme Nilfgaard dans The Witcher 3, Solitude dans Skyrim et même Kirkwall dans Dragon Age 2 avaient une identité assez unique. Ici j’ai eu l’impression que la porte de Baldur servait avant tout de décor pour les quêtes, extrêmement bien ficelées certes, mais au vu des efforts consacrés au reste du jeu je pense qu’un « petit plus » aurait été faisable.

Je pourrais encore m’étaler longtemps sur Baldur’s Gate 3, mais d’autres l’ont fait avant et mieux que moi. Il y a un soin immense apporté à chaque détail, une rejouabilité inégalée, une écriture magistrale. C’est une lettre d’amour aux fans de jeux de rôle, aux fans de fantasy, voire même au-delà, qui a reçu des prix totalement mérités. J’ai ressenti l’agréable impression que ce jeu a été conçu pour moi. En tout cas, une chose est certaine : il se hisse sans hésiter parmi mes jeux vidéos favoris.

Saidor
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le 2 janv. 2024

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