J'avais envie d'une petite douceur récemment. Un petit retour en enfance coloré. Et même si Banjo et Kazooie n'est pas à proprement parler un très gros morceau de mon enfance ; la N64 n'ayant fait qu'une très brève apparition chez l'un de mes cousins ; le préféré qui avait toutes les consoles là ; j'en garde des souvenirs marquants. Même si un peu éparses : c'était fun, il y avait plein de choses à faire, Gruntilda faisait peur, le game over quand on souhaite quitter était terrifiant.
Avec le temps, j'y suis plusieurs fois retourné sur ce BK. En même temps, les collectathon, ça me parle. J'ai grandi avec les Mario, Spyro, Jak and Daxter, Sly, et autres pépites intemporelles. Ramasser des trucs à foison pour débloquer des portes, sauter partout, explorer les moindres recoins : j'aime ça. Il y a un côté relaxant dans cette approche du level design. Avec toujours cet éternel questionnement : 100 % ou pas 100% ? Un objectif souvent un peu distant, mais qui force à se surpasser, pour au final, toujours être récompensé. Quand c'est bien fait, on se l'entend. Mario Odyssey c'était trop pour moi. Mais c'est un autre débat.
Et comme collectathon, BK en est un excellent représentant. Il y a plusieurs mondes, au nombre de 9, dont chacun contient un ensemble de trucs à récupérer. En l’occurrence ici, pour les principaux, des notes de musiques et des pièces de puzzle (les fameux jiggies). Respectivement au nombre de 100 et 10 par niveaux. Les notes permettent de progresser dans le HUB, et les jiggies à débloquer de nouveaux mondes. C'est un système qui se complète plutôt bien. Les notes de musiques sont globalement les plus faciles à obtenir, puisqu'il suffit de se promener, et nous permettent donc parfois d'élargir nos horizons de mondes, dans l'éventualité où certains nous feraient plus de l’œil que d'autres. On se retrouve ainsi pendant toute une partie du jeu à faire son marché. Et c'est ce que j'aime dans les collectathons : on farfouille, on se lasse, on laisse infuser, on découvre d'autres trucs en attendant, puis on revient et on trouve enfin cette fichue pièce de puzzle qui nous manquait.
Après, bien évidemment, notre degré de farfouillage augmentera irrémédiablement à mesure que les seuils de notes et de jiggles à atteindre feront de même, nous forçant au final à tout de même explorer de fond en comble ce que l'on aurait parfois préféré évité. On peut voir ça comme une forme de deuxième courbe de difficulté qui se superposerait à la classique première, étant notre degré de maîtrise du plateforming. C'est le jeu qui veut ça, on s'y attendait, on ne va donc pas se plaindre. Et puis, au final, on a tout de même bien envie de les faire ces niveaux. Et ce, pour une raison assez simple : Banjo et Kazzoie reprend la si belle formule initiée par Super Mario 64 deux ans plus tôt. Les environnements sont condensés. Comprendre par là qu'ils semblent en apparence assez petits, mais plus on les explore, plus ils dévoilent leur richesse, leurs surprises, leurs secrets.
De toute façon, BK n'aurait jamais vu le jour sans Super Mario 64. L'histoire de Rare et les ressemblances flagrantes entre les deux plateformers parlent d'elles-même. Mais à travers cette comparaison facile se cache tout de même son lot de subtilités, qui vont au-delà du fait de mettre des pièces de puzzle à la place des étoiles, et de remplacer la princesse par la petite sœur.
Le gameplay tout d'abord. Super Mario 64 était en effet entre autre resté dans les mémoires pour sa palette de mouvements. Chaque étoile pouvait être atteinte très différemment suivant notre degré de maîtrise du gameplay, ce qui donnait vraiment une sensation de liberté folle, et par extension, une expérience très différente à mesure que l'on multipliait les runs.
BK de son côté, bien que disposant d'un moveset très honorable, est toutefois bien plus limité sur cet aspect-là. Mais ce qui aurait pu s'avérer un défaut devient au final, manette en main, une autre approche toute aussi intéressante. Une approche matérialisée par la différence fondamentale entre un Mario et un Banjo : on passe d'un pélo à deux zigotos. Et ça, ça change tout.
Deux approches nous sont donc proposés. Soit on prend uniquement Banjo, lourd, pataud, mais précis grâce à Kazooie qui peut tout rattraper d'un double saut bien dosé. Soit on fait tout (ou presque) à dos de Kazooie. Et c'est tentant, le bougre étant bien plus rapide que son poto, et les contraintes liées au collectathon nous poussant souvent à passer et repasser aux mêmes endroits, ce qui peut enjoindre à accélérer un peu la cadence. On fini d'ailleurs souvent par alterner entre les deux. Sauf si on est un expert, et que l'on a que faire de la très vieillissante et approximative caméra de la N64. Et de l'absence de double saut aussi, remplacé ici par un long jump, qui fait tout aussi bien le taff, mais qui est forcément plus risqué.
Pas de triple saut ou de saut en longueur donc, mais une liberté laissée au joueur tout de même. On se paie même le luxe de pouvoir s'envoler dans la plupart des niveaux, ce que Mario ne permettait qu'à de rares occasions. Cette feature est d'ailleurs bien pensée, puisque ni trop permissive, ni trop frustrante. Cette dernière étant tributaire de quelques rares déclencheurs planqués dans les niveaux, ainsi que de plumes rouges. Plumes qui nous permettent de reprendre de l'altitude, mais aussi d'avoir un boost (très approximatif) sous forme de piqué. Elles peuvent donc partir assez vite, même si les niveaux en sont généralement copieusement arrosés. Une feature bien équilibrée donc, vers laquelle on retournera régulièrement pour prendre un peu de hauteur, et mieux voir ce qu'on a pu laisser traîner sur notre chemin.
Là où BK se différencie aussi un peu de son comparse moustachu, c'est par son ambiance. C'est d'ailleurs souvent elle qui a marqué au fer rouge toute une génération. Et même après une bonne vingtaine d'années, rien à redire, le charme opère toujours. La bande son est incroyable et nous transporte du début à la fin, avec des sonorités et instruments qui s'agencent élégamment suivant les situations et les biomes. L'humour est au poil : juste ce qu'il faut de sarcasme et de brisage du quatrième mur pour lui donner un cachet unique sous ses faux airs enfantin, sans pour autant trop en faire au risque d'être redondant (un travers dans lequel Yooka Laylee était malheureusement tombé). Les voix yaourt donnent une profondeur immédiate à n'importe quel personnage avec qui on tapera la causette. Gruntilda la première : un délice d'écriture avec ses rimes qui n'en finissent pas. Une énième sorcière générique en apparence, mais dont chaque taquinade semble toujours toucher juste, et parviennent à envelopper l'entièreté du jeu d'une aura déconnante si singulière.
Et enfin, le pinacle de toute cette ribambelle de vannes, d'anecdotes, de voix, de sonorités : un gigantesque quiz. L'une des plus merveilleuses idée qu'il m'ait été donné de voir dans un jeu vidéo, tellement elle s'intrique à la perfection avec notre expérience de jeu, passée à fouiller encore et encore, jusqu'à obtenir la dernière note nécessaire, la dernière pièce pour débloquer l'ultime monde. Une fascinante invitation à la remémoration, qui réussie en plus le pari d'être riche, avec mine de rien un sacré paquet de questions qui même après plusieurs essais, ne se répètent jamais trop. On pourra pester sur les impitoyables phases chronométrées, qui sont loin d'être les plus amusantes. Mais elles ne réussissent pas pour autant à décrocher le smile qui nous accompagne tout au long de cette si belle phase.
Après ce tableau très encenseur, j'avais tout de même deux remarques à faire à ce Banjo.
Pour la première, et la plus évidente : la perte de progression à chaque mort. Impitoyable. On a beau être à 90 notes, un moment d'inattention, une caméra un peu plus aux fraises que d'habitude et bam, on est bon à tout recommencer. Il s'agit heureusement d'une feature qui a été supprimée sur la version XBOX 360, mais pour la version originale, ça pique vraiment la première fois qu'on y est confronté. Et surtout, surtout les dernières. Rusty Bucket Bay avec ses précipices et Click Clock Wood avec ses ses allés retours (qui sont autant d'occasion de voir diminuer notre si précieuse barre de vie) étant de sacrées purges, qui peuvent clairement enjoindre à tâter de la savestate.
Mais ce qui me dérange surtout avec cette fonctionnalité, c'est qu'elle est complètement à contre-courant de ce que se doit d'être un collectathon, c'est à dire une invitation à l'exploration, à l'expression. Pourquoi diable devrais-je essayer de retourner dans cette zone dangereuse pour voir si je n'ai pas oublié une note, ou alors tenter ce saut un peu osé, alors que je risque bêtement de tomber et tout perdre ? Non, décidément, ça ne marche pas.
Deuxième gros point noir : l'après quiz.
Parce que oui, pour celles et ceux qui ne s'en souviendraient pas, la bougre, elle se taille après qu'on ait répondu à ses questions. Et elle a bien pris la peine de fermer toute une succession de portes bien moches derrière elle. Portes qui vont bien nous faire comprendre que si on veut le terminer le jeu, il va falloir viser le quasi 100%, tellement les curseurs de completion ont été mis à fond les ballons.
Et ça, ça m'a embêté. Ça m'a tellement embêté que j'ai lâché l'affaire. Si la volonté de Rare était de faire du combat contre Gruntilda une forme de true ending : grand bien leur en fasse. Mais moi, je trouve que ça tombe comme un cheveux sur la soupe. Je n'ai pas eu mon sentiment d'accomplissement. Ma petite invitation, mon amicale tape sur l'épaule, m'enjoignant à retourner obtenir ce que j'avais loupé.
Un Mario 64 s'en sortait bien de ce côté-là : 120 étoiles au total, 70 pour finir le jeu, et un Yoshi tout mimi qui fait coucou à la fin. BK lui, par volonté peut-être de faire une énième fois les choses différemment, fini par surtout juste nous faire une énième blague. La blague de trop, celle qui jette un froid, et un bon gros sentiment d'amertume au fond de la gorge.
Et c'est bien dommage, parce que j'aurais aimé aller au bout. Pouvoir dire que, moi aussi, j'en ai chié sur Grunti, mais que c'était bon au final tout ça. Bah non. J'ai vu la fin sur youtube, me suis dit que vraiment ça n'en valait pas la peine, que de toute façon les deux derniers niveau sans soluce ça m'aurait pris un temps fou, et puis c'est tout.
Une note finale désagréable donc, qui m'aura tout de même fait bouder quelques jours avant de prendre la plume pour me permettre de rappeler, aussi bien à vous qu'à moi, que BK, c'est tout de même plus que ça, à commencer par beaucoup de belles choses qui méritent de se relancer une énième run, avec en complément si possible, un bon chocolat chaud, un plaid, et surtout, plein de tendresse pour notre insouciante de jeunesse.