Everybody's talking 'bout The Kid
Avec son look coloré et mignon, Bastion ressemble à une grosse friandise, le genre de celles posées bien en évidence derrière la vitrine du confiseur, qui vous appellent jusqu'à ce que vous craquiez et entriez prendre votre fix de sucre. Et le meilleur, c'est qu'une fois en bouche, l'effet escompté, quoique un peu différent, se révèle tout de même particulièrement ravageur.
On attendait le jeu sur sa direction artistique particulièrement léchée, avec sa 2D isométrique aux couleurs vives, gouachées, son design légèrement cartoonesque, ses décors qui apparaissent progressivement sous nos pieds. De ce côté-là c'est réussi, tant le jeu est somptueux. Les environnements se renouvellent régulièrement (bien qu'il n'y ait pas assez de décors semi-urbains à mon goût), et ont le bon goût de proposer un bestiaire finalement peu étoffé, mais tout de même très varié, puisque chaque ennemi nécessite une approche différente. Si l'ambiance visuelle est extrêmement efficace, combinée à l'ambiance sonore on confine à l'extraordinaire. La bande-son particulièrement envoûtante souligne avec justesse le climat de far-west aérien apocalyptique qui règne sur le titre.
On attendait aussi le jeu sur sa narration atypique, avec son narrateur décrivant les moindres faits et gestes du héros (le joueur en l'occurrence). De ce côté-là, même si l'ensemble est réussi, on ne s'empêcher de regretter qu'il ne soit pas plus abouti. La faute à un scénario un peu bancal et lacunaire, du fait qu'il soit raconté selon un unique point de vue. Le tout fonctionne très bien, et l'ambiance livre d'aventures apporte un plus non négligeable à l'atmosphère générale du titre, dommage que cela se fasse au détriment d'une histoire pas assez nuancée. D'autant que le jeu avait toutes les bases pour partir sur un scénario un peu moins simpliste, avec un background plutôt fouillé.
Ceci dit, c'est une goutte d'eau dans un océan de plaisir. Malgré un récit décousu, l'aventure se laisse suivre avec un large sourire de gamin aux lèvres et la fin plutôt ingénieuse (et très réussie) rattrape largement le tout. Évidemment, les joueurs qui s'attendaient à une histoire riche et une narration révolutionnaire seront certainement légèrement déçus, mais Bastion à d'autres atouts dans sa manche. C'est avant tout une fine alchimie entre une ambiance réussie et un gameplay aux petits oignons qui rend la chasse aux monstres épique et donc particulièrement addictive. Les niveaux et le jeu lui-même sont suffisamment courts pour éviter toute répétitivité, et l'on s'y replongera toujours avec plaisir pour se perfectionner au maniement d'une arme (via des petites arènes très bien conçues) ou débloquer des améliorations.
Le système de jeu est simple (deux armes, un bouclier, une aptitude spéciale, des roulades, des buffs permanents et des potions de vie), mais permet de nombreuses subtilités. Les combats sont dynamiques, parfois brouillons au début, mais dès que l'on trouve ses marques c'est un vrai plaisir. Dans la même veine, le système de difficulté inventif est très intéressant. De base, le jeu est assez facile, voire peut-être trop, mais le joueur a la possibilité d'activer une dizaine d'idoles (à débloquer) qui lui permettront de corser le challenge à la manière des crânes dans Halo. Chaque idole a un effet bien particulier, comme augmenter la puissance des ennemis ou améliorer leur résistance à certains types de coup, et apporte un bonus spécifique d'expérience et de cristaux (la monnaie locale), les têtes brûlées seront donc récompensées à activer quatre ou cinq statues d'un coup.
Certes, le jeu a des défauts (une histoire un peu décevante, une aventure assez courte finalement, même si la rejouabilité est assez grande pour le finir à 100%, de même notons parfois un ou deux décors visuellement chargés manquant de lisibilité, ou des difficultés de visée quand il y a un peu trop d'ennemis à l'écran), certes, il est malgré tout très classique, mais tel que je le vois, Bastion est avant tout une oeuvre de passionnés. Des amoureux du Jeu Vidéo (avec un grand JV) qui se sont inspirés de Braid, Castle Crashers, Story of Thor ou Sword of Mana et ont utilisé intelligemment ces références pour proposer un titre bien fignolé, qui ne manque pas de charme ni de personnalité. Dans des conditions, on lui pardonnera aisément ses menus défauts. Sur ce, j'y retourne.