Critiquer Beyond : Two Souls est un exercice complexe. Au final, il revient à résoudre l'interrogation suivante : "Pouvons-nous apprécier un jeu, nous y amuser, s'il est à peine interactif ?". Et je crois que chaque personne aura sa propre réponse. Il n'y en a d'ailleurs ni bonne ni mauvaise. Alors laissons de côté les opinions extrémistes qui ne convainc personne et découvrons juste notre réaction personnelle face à ce jeu qui sort véritablement des sentiers battus.
Car Beyond ne peut être "testé" comme un AAA ordinaire. Les musiques sont sublimes. Les graphismes sont incroyables. Le jeu est magnifique tant d'un point de vue technique (fini la Uncanny Valley, les visages sont vraiment bluffants et je ne parle pas de l'animation...) que d'un point de vue artistique. Mais je dirais presque que c'est la moindre des choses tant les environnements que l'on nous propose sont cloisonnés, à peine interactif. Se concentrer donc sur l'enveloppe de tout cela est bien plus simple qu'un jeu où le joueur peut vraiment influer sur son environnement. Beyond est avant tout une histoire, l'histoire d'une personne au destin exceptionnel et interprétée par la star Ellen Page (rajoutant par la même du professionnalisme et de la crédibilité à ce script, ce qui pouvait manquer à Heavy Rain par exemple). Jodie est constamment épaulée par Aiden, un spectre que l'on peut mouvoir "à notre guise" à travers les murs. Excellente idée, excellent concept, qui a malheureusement ses limites, mais cela fonctionne très bien. Certains passages nous permettent de découvrir des scènes d'un autre angle ou d'interagir "bêtement" avec l'environnement comme un gamin capricieux (Il nous apprend en fait le type de joueur que nous sommes).
Cette histoire nous est contée de manière elliptique. Les flash-backs et ellipses sont nombreux et permettent à l'auteur de nous faire découvrir Jodie comme il le désire. Jamais un jeu n'aura autant pris la main d'un joueur tant sur son gameplay que sur son histoire. C'est sans doute là le problème d'une bonne partie des gamers. Beyond serait-il plus un film qu'un jeu ? A chacun d'y aller de sa définition personnelle. Pour moi, Beyond améliore énormément les idées de Heavy Rain. Mais cacher les QTE (tant critiqués par la "masse") ou améliorer l'histoire donne l'impression que le joueur n'a plus ou peu d'influence. Heavy Rain donnait l'illusion (et c'est encore plus vrai pour Walking Dead) que nos choix avaient des répercussions. Beyond non. Alors est-ce mieux fait que les deux jeux précités ou est-ce surtout car le jeu n'a plus autant de choix qu'avant ? Je penche pour la seconde solution. D'ailleurs nous n'avons que très rarement la main sur les dialogues ou sur les actions de l'héroïne. Une façon pour le studio d'éviter les réactions "out of character" des joueurs les plus taquins, mais cela le coupe surtout d'un public plus "joueur" que "spectateur".
Cette génération a vu naître un nouveau débat qui va plus loin que "arcade ou simulation", "souris ou joypad"... Le jeu vidéo doit-il perdre en gameplay ce qu'il gagne en narration ? Deux écoles s'affrontent sur les forums à coup de troll en tous genres. Certains préfèrent une liberté totale sacrifiant la crédibilité de leur background et de leur personnage là où d'autres privilégient des story board et des univers riches plus à même de les captiver même si le challenge n'est plus du tout à la hauteur. Et dans ce débat, Beyond fera figure d'exemple pour un camp ou pour un autre. L'un le détestera et l'autre le prendre pour référence.
A chacun de trouver sa préférence ou de se dire qu'on peut voir au-delà de tout ça et aimer juste prendre du plaisir quelque soit l'expérience proposée.