"Criez si vous êtes morts"
Binary Domain est un incompris du jeu d'action nippon qui, sans révolutionner le genre (loin de là), propose une aventure tout à fait solide et bien plus captivante que laisse présager le premier chapitre, lourdaud au possible.
D'abord, Binary Domain, c'est une histoire de plagiat éhonté et même pas masqué. Sega a pompé le concept de Gears of War jusqu'à la moelle et l'assume totalement. En fait, Sega s'est arrangé pour y ajouter deux éléments de gameplay, pour faire bonne figure. Sauf que malheureusement, ces petit trucs qui étaient censés faire l'originalité du jeu sont en fait une belle gamelle. En effet, le système de reconnaissance vocale avait de quoi laisser rêveur (si l'on kiffe gueuler des ordres devant son écran à des militaires de pixels), mais il est loin de fonctionner correctement. Et si l'on décide de laisser tomber ce gadget, on se rend compte qu'il est parfaitement dispensable. Fail.
Ensuite, l'autre originalité, c'est le système de confiance entre le joueur et ses coéquipiers. Là aussi, il y avait de l'idée, mais encore une fois, c'est un concept qu'il aurait fallu travailler pour le rendre plus ludique. Non seulement il est assez inutile, mais en plus il est assez difficile à gérer du fait que nos coéquipiers sont assez exigeants ("Dan, t'es vraiment un bon à rien") et assez cons. Du coup, il ne sera pas rare de voir baisser la jauge de confiance à cause d'une balle perdue, par exemple (parce qu'ils ont l'air d'adorer se jeter sous les balles de leurs alliés). Refail.
Conclusion ? Gameplay de Binary Domain = Gameplay de Gears of War. Voilà.
Mais est-ce une raison de bouder ce jeu ? Bien sûr que non ! Le gamepay de GoW fonctionne très bien et fonctionne toujours aussi bien dans Binary Domain. Bon évidemment, le level-design est un poil moins bon et l'action a tendance à s'enfoncer dans la monotonie alors même que le jeu s'échine à varier les phases de gameplay.
En fait, le charme de Binary Domain tient surtout à son univers, son style visuel et ses personnages. Oui, vous avez bien lu, SES PERSONNAGES !
Binary Domain se déroule dans un futur assez proche où le climat terrien a fait déborder les océans qui ont envahi les continents et englouti le gros de la population mondiale. Le reste de l'humanité a décidé de survivre en construisant des villes en hauteur, par-dessus les anciennes villes. Mais pour cela il faut de la main-d'œuvre et quoi de mieux que de bon vieux robots en apparence dociles et potentiellement dangereux pour la pérennité de l'espèce humaine ? Tout allait pour le mieux jusqu'au jour où un robot à l'apparence humaine est découvert et lève le voile sur un complot orchestré par une mystérieuse société japonaise spécialisée dans la robotique.
Mais non, c'est pas vu et revu... Ou alors juste un peu.
Cependant les apparences sont trompeuses et le scénario se révèle suffisamment profond pour remettre en question l'éthique concernant la robotiques et les intelligences artificielles. Un robot ressemblant exactement à un être humain aussi bien physiquement que émotionnellement, qui peut même donner la vie et avoir des besoins primaires peut-il encore être considéré comme un robot ? A aucun moment le jeu n'apporte d'éléments de réponse, mais il arrive à donner une dimension humaine aux problèmes et se montre visionnaire sans être trop caricatural.
En parlant de caricature, les personnages en sont de belles et c'est peu dire. Sega s'est amusé à mettre en scène des militaires venus de plusieurs pays (USA, Angleterre, Chine, France, Japon), leur a appliqué scrupuleusement tous les clichés qui caractérisent ces ethnies et les a confronté. Le moins que l'on puisse dire c'est que c'est parfaitement maîtrisé. A aucun moment on ne se sent lassé de les voir s'engueuler sur leur style de combat. Les Anglais diront toujours que les Américains sont trop bruyants et grande gueule, le Français se comportera en véritable Dom Juan et maître de la rhétorique (alors qu'il n'est qu'un robot !). C'est drôle, pas forcément fin, mais ça a le mérité de distraire entre deux gunfights. De plus, cela n'est pas néfaste sur la qualité intrinsèque des personnages. Leurs personnalités sont bien définies et ils en arrivent même à devenir attachant, tous autant qu'ils sont (sauf peut-être Rachel, notamment à cause de son design raté). Même Kurosawa, le flic japonais, bien que très secondaire, dégage un certain charisme.
Cependant, si avoir de bons personnages c'est important, les environnements dans lesquels ils évoluent le sont tout autant. Dans Binary Domain, l'esthétique se rapproche du cyberpunk, à quelques exceptions près, et n'est en apparence pas très fouillée. Pourtant, les décors dégagent une ambiance pas désagréable qui rappelle certains films de science fiction futuristes et/ou post-apocalyptiques. De plus, les environnements sont assez variés, ce qu'il est important de souligner dans un jeu se terminant en 5 à 6 heures en difficulté normale. Le design des robots est plutôt intéressant, surtout pour les boss et autres grands mechas.
D'ailleurs tient, en parlant des robots et des boss, il est à noter que Binary Domain bénéficie d'un moteur physique assez sympa qui permet de rendre les batailles encore plus jouissives. Les ennemis partent littéralement en morceaux sous nos tirs et c'est un véritable plaisir de les détruire bout par bout jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Les robots ont aussi un comportement crédible et réagiront différemment selon la partie de leur corps que l'on éclate (ils peuvent vivre et se battre avec deux jambes et un bras sectionnés !). De ce fait, les boss sont assez cool. Par exemple, il conviendra de détruire une à une les pattes de l'araignée mecha afin de la faire tomber. Les combats n'en sont que plus épiques et c'est tant mieux !
Finalement, Binary Domain c'est un jeu plus que correct qui aurait mérité d'être encore plus fignolé pour que ses principaux atouts soient à la hauteur de nos attentes. Si le scénario est sympathique, il est loin de l'excellence de Blade Runner. Quant au gameplay, il a du mal à se détacher de son modèle et ne s'en écarte que ponctuellement.
Binary Domain souffre très certainement d'un manque d'ambition de la part de Sega à cause d'un manque de confiance. Attaquer de front l'industrie occidentale vidéoludique avec un TPS très formaté, c'était très risqué. Ils ont joué et commercialement, ils ont perdu. La faute également à une communication autour du jeu assez pitoyable et qui, en France, n'a fait qu'enfoncer le clou avec des bandes-annonces maladroites mettant en relief la médiocrité des doublages (qui ne concerne pas tous les personnages). C'est assez triste que le public français n'ait retenu que cet aspect du jeu, mais Sega est tout autant responsable de cet échec commercial. Ils le savent pourtant que les Français aiment les productions nippones, ils auraient dû tout faire pour les séduire. Mais bon, les voies du marketing sont impénétrables...
Tout ça pour dire que, malgré les apparences, Binary Domain est un bon jeu, qu'il serait idiot de bouder et qui présente les atouts nécessaires pour plaire aux férus de jeux d'action et même aux fans de SF. Binary Domain, ce n'est pas le jeu de cette génération, mais c'est au moins un agréable moment que, personnellement, je n'hésite pas à renouveler de temps en temps, quand l'envie de bourriner de la ferraille me prend.