C'est assez incroyable à quel point Bioshock Infinite prend des distances par rapport aux premiers opus, tout en gardant l'âme et l'essence de ses grands frères.
Exit l'aspect exploration, avec des niveaux gigantesques et un level-design de grande qualité, exit l'aspect oppressant de Rapture, exit la structure "un ennemi principal/monde", exit les Big Daddy et les petites soeurs, et bienvenue à Columbia. Certains de ces choix m'ont personnellement assez choqué, mais après tout, Bioshock Infinite est un jeu différent, et il serait injuste de lui reprocher de ne pas être assez comme ses ancêtres.
Mais on garde quand même la direction artistique de haut vol, la narration à base d'enregistrements audio, le gameplay mélangeant les armes et les pouvoirs, et on retrouve donc au final les sensations de jeu des premiers épisodes.
Emmené par un scénario prodigieux, un univers d'une cohérence remarquable et des paysages de toute beauté, Bioshock Infinite n'est pourtant pas irréprochable. La structure de Columbia et le lien logique entre les différentes parties de la ville ne sont pas aussi claires que dans Rapture, la faute peut-être à l'absence de carte ou au côté trop linéaire. Parce que oui, même les séquences qui demandent un peu au joueur de tourner au rond sont d'une linéarité incroyable et rares sont les fois où le joueur aura droit à ne serait-ce qu'un chemin qui se sépare en deux. Le manque de variété des ennemis finira aussi par lasser un peu, même si le système de combats est désormais bien plus riche en possibilités qu'auparavant, grâce à la skyline qui permet une mobillité bien plus grande, et aux éléments de décor "invocables" à tout moment. Le jeu ne connait pourtant pas le coup de mou de ses prédécesseurs passé la moitié du jeu, mais à un moment on se rend compte qu'il a déjà tout donné en termes de gameplay, et qu'il n'a plus rien à proposer de ce point de vue là. Et c'est justement à ce moment que le scénario prend très bien le relais, en passant directement au premier plan pour motiver le joueur à boucler le jeu. Donc, en soi,le rythme est plutôt bien géré.
Aussi, la relation DeWitte/Elizabeth, développée, intéressante et touchante, éclipse un peu trop les opposants, et même des antagonistes majeurs comme Fitzroy ou Comstock ne sont pas vraiment développés, et leur mort n'aura au final rien de bien marquant, alors que tout gamer se rappelle forcément de la scène de la mort d'Andrew Ryan. Un peu dommage, mais c'était une implication logique du développement du héros.
Et en dehors des personnages, il manque aussi au jeu des ennemis marquants, tels que pouvaient l'être les Big Daddy. Oui, les Handyman ou les Patriotes motorisés sont assez costauds, et m'ont personnellement procuré pas mal de Game Over, mais ils ne sont pas assez inscrits dans le background du jeu, on ne connait pas vraiment leurs motivations, la manière dont ils ont été crée, on ne les perçoit pas vraiment comme des rivaux, mais plutôt comme de simples ennemis plus forts que la moyenne. Dommage, parce que l’opposition entre le héros et les Big Daddy était clairement l'un des points forts du premier opus, et l'évolution du rapport de force entre les deux était clairement grisante. Et plus globalement, dans Infinite, le joueur ne sentira jamais aussi surpuissant qu'à la fin de Bioshock 1/2. Une bonne chose peut-être pour le challenge, mais c'est quelque chose que j'ai un peu regretté.
Enfin, les changements liés au système de soin et aux armes sont tout à fait compréhensibles. Le retrait du système qui permettait de se soigner tout seul en gardant un stock important de médikits est une excellente idée, pour le challenge, mais aussi pour le stress procuré et il faut clairement s'adapter plus aux situations, en restant vraiment mobiles : c'est un choix qui guide le gameplay, et une très bonne chose. Le système d'armes va un peu dans le même sens, mais je le trouve nettement plus regrettable, dans la mesure où il n'est pas aussi bien calibré. Il est très difficile de tomber à court de munitions, et on peut donc garder ses armes préférées en permanence sur soi. Pire, le système d'upgrades (assez chères) incite le joueur à conserver toujours les 3-4 mêmes armes sur lui, puisque celles-ci deviennent alors vraiment plus puissantes que les autres. Et au final, on passe tout le jeu avec un shotgun, une carabine, un sniper quand il le faut et un lance-roquette pour dégommer de l'ennemi lourd, alors qu'il y a une quinzaine d'armes disponibles. Vraiment dommage, et une des forces du premier opus, c'était clairement de jouer sur le manque de munitions pour pousser le joueur à utiliser tout son arsenal. L'absence des modes spéciaux sur les armes est aussi assez regrettable, puisque celles-ci sont au final un peu trop classiques, et manquent de folie. Clairement dommage.
Mais Bioshock Infinite, c'est aussi un jeu excellent et passionnant, et malgré tous les défauts pré-cités, je l'ai (presque) fini d'une traite, parce que les sensations de jeu étaient bonnes, que chaque décor me faisait pousser des waw d'admiration, que le scénario extrêmement intrigant et complexe a débouché sur quelque chose de cohérent et surprenant et que j'aime juste profondément ce "feeling" Bioshock, qui consiste à se promener dans des décors retro en écoutant des enregistrements audio tout en pillant toutes les poubelles d'une zone. C'est le genre de plaisirs simples qui font que j'aime le jeu vidéo, et que j'aime ce jeu et cette série. Malgré ses défauts, ses lourdeurs et ses carences par rapport au mythique Bioshock 1.