Drôle d'oiseau que ce Bioshock Infinite. Quand je l'ai finit, au bout d'une grosse quinzaine d'heures de jeu, je suis resté sur une excellente impression concernant le scénario, mais plutôt mitigé concernant le reste. Gameplay, level design... Par contre j'ai compris l'engouement pour ce titre, tout droit issu d'une nouvelle vague de jeux, qui donnent une place de choix au scénario.
Je vais donc y aller franchement. Après la forte impression laissée par la fin du jeu et son histoire qui vous immerge (noie serait plus exacte, tellement elle est réussie) à fond, j'ai un peu déchanté.
Oui, l'histoire laisse une très bonne impression. Oui, on a une trame de haut vol.
Mais c'est l'arbre qui cache la forêt. Car quand on a la franchise et le recul nécessaire, on voit un fait incontestable. Il y a un vrai déséquilibre entre l'expérience de jeu et l'expérience de spectateur. Et on dirait qu'elle est largement assumée, car de nombreux points sont récurrents et vous mettent la puce à l'oreille.
Le premier réside dans les nombreux passages explicatifs et narratifs de l'histoire, comme l'arrivée à Columbia, qui est l'air de rien une longue - longue introduction, ou l'arrivée dans la baie du cuirassé.
Il n'y a rien à faire à part avancer et écouter les dialogues entre Personnages Non Joueurs (PNJ) et entre Dewitt et Elisabeth, en ramassant éventuellement quelques piécettes dans le décors.
Ce qui m'amène au deuxième point contestable. Le Gameplay et le level design, que j'englobe dans le même élément technique mitigé.
Ce jeu manque franchement de finesse. Outre le peu de libertés accordées au joueur, Bioshock Infinite est en grande partie ce que l'on pourrait reprocher à un Final Fantasy XIII: un bon gros couloir avec de jolie couleurs, mais dans le cas présent, plutôt baveuses. Par contre, on a le côté fun et défouloir en plus, on ne tombe quand même pas aussi bas. Et l'histoire, je le redis encore une fois, est excellente, à la différence de cette infecte bouse de FFXIII.
C'est pourtant assez incompréhensible. Un tel manque de finesse dans le jeu surprend, surtout quand on fait le rapprochement avec certains titres similaires.
Sortit plus d'un an après Dishonored, qui reprend une grosse partie de cette ambiance, du moteur de jeu, ou de certaines mécaniques de jeu, fortes d'anachronismes saisissants et de mélanges improbables, (entre magie, mysticisme, Gunfights et corps à corps nerveux...) Bioshock apparaît comme assez vide de ce point de vue.
Car les deux jeux diffèrent sur un point essentiel: la subtilité. Là où Dishonored permet une approche presque totalement libre des combats au joueur, (furtivité, snipe, bourrinage, esquive pure et simple, ou mélange des genres) Bioshock Infinite ne vous permet qu'une seule possibilité. Défourailler dans le tas jusqu'au combat final, véritable point d'orgue de ce jeu.
Et au début, je n'ai pas pu m'en plaindre, car le défouloir est de qualité. Les combats sont nerveux, certains esquivables, mais surtout franchement dynamiques. Les armes sont variées, fun, et les “Magies“, plutôt efficaces dans l'ensemble. En revanche certaines sont complètement inutiles, sans rapport avec votre style de jeu. Elle ne servent purement simplement à rien.
Donc après cinq ou six heures de jeu, on commence à sentir une certaine lassitude dans les combats, qui avec le recul s'avèrent quasiment identiques dans la mesure où l'IA est plutôt limitée. Le challenge consistera donc plutôt à avancer sans trop se faire shooter pour ne pas perdre trop d'argent en ressuscitant (particularité locale) et ainsi faire évoluer le plus possible vos armes et magies.
Le fait que j'utilise le terme “Magie“ est volontaire. N'en déplaise au puriste, je me suis plus facilement immergé dans l'histoire que dans ses à côtés. Là où j'ai jubilé avec les runes et charmes d'os de Dishonored, j'ai déjà complètement oublié le terme dans Bioshock, et à la limite, je m'en fout.
Je trouve qu'il n'y a pas forcément d'intérêt à retenir le background, car tout réside dans ce sublime scénario. J'ai d'ailleurs mis huit étoiles au départ. Mais comme je l'ai dit, j'ai plus été marqué par mon expérience de spectateur que de joueur, et si on avance avec avidité dans le jeu pour en connaître la fin, on n'a pas forcément envie de le recommencer pour en connaître les moindres recoins.
Avant dernier point.
Il n'y a pas de “recoins“ (coin coin). Il suffit d'avancer, éventuellement de refaire quelques pas en arrière pour ouvrir un coffre au contenu inutile. Mais tout est quasiment sous vos yeux et d'un intérêt limité.
Pas de quêtes annexes, pas de réelles énigmes ou de challenge à proprement parlé. Ce point a été complètement éludé. Les caches “secrètes“ de la Vox Populi suivent quasiment votre progression naturelle dans le jeu. Les infusions ? Quand elles ne sont pas dans les caches, elles ne sont pas loin.
Et ainsi de suite.
Je ne suis même pas médisant en disant qu'il suffit de mettre un pied devant l'autre, c'est un fait. Ni plus, ni moins.
Pourtant quand on y réfléchit, le jeu est ambitieux. Les développeurs ont préféré une orientation artistique au détriment d'une autre, plus classique. Et il ne faut pas forcément les condamner pour ça, d'autant que l'équilibre obtenu est étrange, atypique, à tel point qu'il est à mon sens une véritable curiosité. Le jeu utilise un moteur franchement daté, mais il le sublime, il n'y a pas d'autres mots. Il utilise également un scénario d'une qualité inhabituelle dans le milieu. Et si le Walking Dead de Telltale en est vraiment le fair de lance, un jeu comme Bioshock n'a pas à rougir de la comparaison, même si beaucoup n'ont vu que lui.
Jouez aux jeux indépendants !
Je finirai donc là-dessus: si je trouve la notation élevée du jeu franchement injustifiée pour toutes ces raisons, je trouve tout aussi limite de lui reprocher un scénario discutable, comme le prône Usul dans ses critiques Youtube.
Oui, il y a de grosses ficelles narratives. Oui, quand on y réfléchi, il y a aussi des lieux communs et les personnages sont assez stéréotypés. Oui.
Mais on ne peut pas comparer un jeu vidéo avec un film. On n'est pas du tout sur le même niveau d'immersion.
Le film n'a que son scénario, son ambiance, sa photographie et ses effets spéciaux pour vous faire rentrer dans l'histoire, à défaut de scénario, il peut cacher la misère avec ses effets spéciaux.
Le jeu offre une immersion plus variée, plus dense, vous permettant de vous forger votre propre expérience. Les armes sont multiples. Gameplay, level design, scénario, ambiance, transitions cinématiques, effets cinématographiques divers. Quand un des pôles est moyen, on peut facilement repêcher l'ensemble grâce au reste, ce qui est moins évident pour un film. Un Gameplay moyen peut donc facilement passer au travers de l'analyse critique d'un joueur grâce à un bon scénario.
Tiens, ce ne serait pas le cas ici ?
Bioshock est certes déséquilibré en la matière, mais il offre une histoire complexe et très immersive... Et sur une durée plus que conséquente. Seize heures dans mon cas ! Quel film pourrait prétendre en offrir autant ?
Le jeu doit à un moment où à un autre s'appuyer sur des valeurs sures pour pouvoir permettre une cohésion de l'ensemble et une immersion de qualité.
Ce qui est largement le cas ici.
Bioshock est donc tout cela à mes yeux. Un jeu moyen, aux graphismes beaux mais datés, avec un gros manque de subtilité et une expérience de jeu plutôt limitée. Mais il est surtout une révélation incontestable et un incontournable en terme de scénario. Une histoire riche, subtile, bien ficelée et en contraste permanent avec les mécaniques de jeu. Un jeu qui a un intérêt en soi. Mais pas forcément celui exposé un peu partout, au travers d'une notation compréhensible mais tendancieuse.