Si la fermeture d'Irrational Games a été une désagréable surprise, il est difficile de ne pas croire que Ken Levine avait déjà en tête la fin de son illustre studio en créant son dernier apport à la saga Bioshock. Car ce Tombeau Sous Marin n'est ni plus ni moins que le testament identitaire de la saga, venant définitivement clore l'univers de Bioshock tel que nous le connaissions. Venant à la fois apporter des réponses aux dernières zones d'ombres du Bioshock originel tout en apportant une conclusion directe à la trame de Bioshock Infinite, le message de ce DLC est clair : Bioshock va peut être perdurer dans d'autres univers mais ce ne sera plus jamais comme avant. Et c'est à la fois la principale force de cette conclusion...et sa première faiblesse.
Car c'est un sentiment de frustration et de gêne qui domine durant cette dernière aventure crépusculaire, des émotions similaires au torrent de rage qui avait découlé du dénouement de Mass Effect. L'écriture trop misérabiliste du personnage d'Elizabeth était déjà une faille narrative de Bioshock Infinite, voulant trop explicitement provoquer l'empathie du joueur à son égard mais dans le cas présent ce défaut est tellement amplifié qu'il plombe l'expérience interactive. En constante position de souffrance physique et émotionnelle, Elizabeth témoigne de surcroit d'une résignation et d'une passivité exaspérantes face aux évènements, les rebondissements tragiques de l'intrigue sont prévisibles à des kilomètres, l’héroïne elle même en est consciente et pourtant ne donne pas l'impression de vouloir y changer quelque chose.
"L'homme choisit, l'esclave obéit". On en revient bien là au bout du compte mais si ce procédé était magnifié dans le premier Bioshock par un héros coquille vide et la mise en abime du jeu vidéo qu'il entrainait, il devient beaucoup plus gênant avec un véritable personnage bien plus marqué émotionnellement. Encore une fois c'est bien un sentiment frustrant d'impuissance qui veut être transmis au joueur, un sentiment certainement familier pour les membres d'Irrational Games obligés de changer d'horizon. Mais il est regrettable de finir sur un tel sentiment l'expérience émotionnelle de Bioshock Infinite et en dépit de ses qualités réelles, ce DLC vient ainsi davantage ternir l'expérience d'Infinite que l'embellir.
Il reste toutefois une direction artistique toujours aussi grandiose même si elle ne retrouve jamais à mon sens la maestria visuelle du premier opus et souffre d'une technique clairement inférieure à Infinite, facilement explicable par la fermeture du studio en parallèle de sa finition. Comme dans le premier épisode, le fan service y est habilement exploité et vous fera dire à maintes reprises "ah mais putain au fait c'est comme ça que..."
Le gameplay ne mérite pas vraiment qu'on s'y attarde dessus. Disons simplement qu'après le premier DLC qui offrait un mauvais mélange entre action et infiltration, l'infiltration est ici totalement privilégiée avec système de camouflage et élimination silencieuse qui vont avec. Mais en l'état actuel des choses, le gameplay n'est ici qu'un Dishonored du pauvre à cause d'une IA catastrophique et d'une simplicité totale à berner.
Bref bien des lacunes qui empêchent ce Tombeau Sous Marin de respecter l’exigence qualitative des Bioshock mais n'empêche pas d'apprécier l'expérience seulement dans le cas où vous appréciez les FPS narratifs et être davantage dans la peau d'un personnage consistant que d'un simple tireur.
Toutes les pièces du puzzle sont maintenant en place mais face à tant d'amertume, c'est à se demander s'il n'était pas préférable de laisser l'imagination du joueur s'approprier cet univers et ses personnages plutôt que lui imposer un tableau d'une tristesse absolue. Elizabeth méritait mieux, Bioshock méritait mieux.