Un des derniers RTS 2D, Blitzkrieg est un jeu extrêmement travaillé, au potentiel énorme bien que loin d'être exploité dans sa version de base. Comme son titre ne l'indique pas, il propose avant tout la gestion d'un groupe de blindés, l'infanterie et l'aviation jouant tous deux un rôle des plus ridicules du fait de leur fragilité, de leur lenteur et de leur faible puissance de feu. Élements stratégiques hautement dispensables pervertissant un titre pourtant tourné vers l'action conjointe des forces humaines, aériennes et motorisées.

Les trois campagnes disponibles - l'Allemagne nazie, les Alliés et l'URSS - sont chacune fragmentées en une dizaine de missions historiques cherchant la reconstitution d'une bataille décisive, en Europe comme en Afrique, chacune de ces missions étant séparée par des escarmouches de moindre ampleur, jouables à foison sur des cartes aléatoires afin d'obtenir des unités en récompense, soit des blindés d'une technologie plus récente, soit des éléments d'artillerie d'un calibre plus important. Et c'est malheureusement à ces deux unités que Blitzkrieg se résume, la meilleure stratégie étant bien souvent l'usage d'artillerie lourde en tir de contre-batterie, suivi d'une préparation d'artillerie avant l'assaut final des chars d'assaut. En effet, l'infanterie se fait décimer quel que soit l'objectif et ce qui devrait être un appui aérien ne sert qu'à contrer l'aviation ennemie. Étant donné qu'on ne peut appeler qu'un seul type d'aéronef à la fois, il est impossible de défendre ses bombardiers ou ses avions de reconnaissance des chasseurs ennemis, qui les réduisent en cendre d'une seule rafale en l'affaire de quelques secondes suivant l'appel initial.

Le level design intéressant bien que peu varié s'en voit donc appauvri par la restriction des choix tactiques, qui sont loin d'en exploiter les particularités, et si certaines bonnes idées viennent plaider en faveur du gameplay - le gain d'expérience des unités permanentes, les possibilités offertes par les sapeurs, etc -, les parties deviennent vite répétitives et peu enclines à solliciter votre fibre stratégique.

C'est là que les add-ons viennent changer la donne. Passons sur les titres développés en collaboration avec Nival, qui ne changent que peu l'expérience de jeu, se bornant pour la plupart à ajouter de nouvelles unités sur des théâtres d'opération différents, suivant par exemple les traces de Rommel (Burning Horizon) ou de Patton (Rolling Thunder). Venons-en directement à ce qui fait pour moi un usage parfait du matériau originel, les deux excellents Mission Barbarossa et Mission Kursk. Les modifications des mécanismes y sont parfois subtils, mais donnent le sentiment que leurs développeurs ont procédé à une dissection méthodique de Blitzkrieg pour aboutir à une reconstruction rigoureuse corrigeant ses défauts, bouchant ses cavités, multipliant ses possibilités. Ils parachèvent une esquisse, ils donnent enfin au jeu la stature qu'il méritait. Les unités sont grandement diversifiées, elles ont chacune un rôle à jouer et les blindés lourds ne sont désormais plus au coeur de la stratégie, révélant leurs défauts réels. L'infanterie est revalorisée, notamment au travers des missions d'observation et d'assaut de zones non-fortifiées. L'aviation n'a plus rien du ridicule, on peut faire à appel à de véritables escadrilles hétérogènes qui peuvent changer le cours d'une bataille. Les cartes, quant à elles, sont proprement immenses, et offrent un sentiment de liberté que le jeu original ne pouvait laisser imaginer, chaque élément du décor abritant désormais un potentiel tactique. Il est enfin possible de mener son armée en lançant l'assaut de différents types d'unités de manière conjointe sans assister à la destruction rapide et systématique de toute unité au blindage plus ténu que celui d'un Panzer III.

Le souffle réaliste de ces deux titres transcende littéralement le gameplay et l'ambiance, tant l'évidence d'une grande connaissance historique et d'un souci du détail vient frapper le joueur. Partis d'un jeu relativement grand public, on se retrouve devant des missions exigeantes et variées, demandant une préparation sérieuse et de réelles qualités d'organisation. La modélisation des unités et le sound-design n'est pas en reste, ils complètent parfaitement le travail de Nival en ajoutant des tonalités matérielles renforçant la plausibilité visuelle et sonore de l'ensemble. D'un jeu moyen, Active Gaming façonne une expérience prenante, qui reste dix ans après sa sortie un titre majeur de stratégie militaire historique.
Nahitsu
7
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le 3 févr. 2013

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