Brink
5.4
Brink

Jeu de Splash Damage et Bethesda Softworks (2011Xbox 360)

Mise à jour du test : Une semaine après la sortie du jeu, toujours pas de patch correctif permettant de jouer en ligne dans de bonnes conditions (sur Xbox 360). Un suivi de merde qui n'est guère étonnant et qui entérine l'avis général à propos des versions console de Brink : avec un résultat aussi médiocre, Splash Damage aurait pu se passer de le sortir sur consoles et concentrer ses efforts sur la version PC. Brink sur Xbox 360 est un horrible portage d'un jeu bon mais sans plus, c'est le jeu multijoueur du moment faute de mieux. Le jeu est un paradoxe de tous les instants, poussant le joueur à s'investir à fond sur une classe dans le menu de personnalisation, et l'encourageant ensuite à changer de classe toutes les cinq minutes en pleine partie; se voulant accessible dans son approche tout en se révélant terriblement opaque dans ses mécaniques de jeu. Brink, c'était le jeu qui, avec l'héritage d'Enemy Territory, voulait procurer l'expérience multi "parfaite", à même de plaire à la fois au grand public et aux élitistes du jeu en équipe, mais à en voir les parties actuelles (même sur PC), il a totalement raté la marche du grand public en cours de route. Seuls les élitistes pardonneront tout à ce jeu, qui a le mérite d'arriver dans une période notoire de disette. Les autres seront confrontés à une immense frustration face aux énormes incohérences qui pourrissent les fondations-mêmes du jeu.

On en a tous eu un dans notre classe. Un petit malin pas très beau, pas très intelligent, qui compensait en faisant rire tous ses camarades. Pas très sûr de lui, il entretenait tant bien que mal sa côte de popularité en défiant l'autorité et la bienséance. Dans une ultime bravade au professeur, il s'amusait à faire les choses les plus dégoûtantes en classe. Comme péter par exemple. Il adorait péter. Mieux encore, il adorait péter le plus fort possible, afin de faire entrer ses déjections gazeuses à la postérité. Peu lui importaient les heures de colle, tout ce qui comptait pour ce petit grassouillet était d'avoir l'aval de ces camarades, d'avoir le sentiment d'exister dans leur esprit, quand bien même cela aura été comme le porcin dégoûtant qui mettait ses crottes de nez sous la table.

Un jour, alors que ses petits camarades, qui avaient bien remarqués son jeu, commençaient à se lasser de son comportement, il décida de réagir en lançant un ultime défi à la classe. Pinacle de sa carrière, Petit Porcin avait décidé qu'il balancerait le plus gros, le plus immonde, le plus sonore de tous les pets jamais ressentis au sein de l'école, voire même de la ville. Il avait en effet l'intention d'entrer dans les annales avec un déchargement de diazote si bruyant qu'il serait entendu non seulement au sein de la classe, mais aussi dans tout le pâté de maisons environnant.

Pour cela, Petit Porcin suivit un régime draconien. Il pouvait reprendre des oeufs durs et du chou-fleur le soir au dîner, mais seulement à condition d'avoir bien englouti ses trois assiettes de flageolets le midi. Le lendemain matin, il tremperait ses tartines de lentilles dans son lait, avant d'emmener son casse-croûte cassoulet-asperges à l'école. Aguerri par des années d'insanités, il était capable de contrôler ses pets plusieurs jours durant, ce qui lui permit d'adopter un régime à base de pizzas-tagliatelles carbonara pendant trois jours, avant de revenir à l'école, empli (c'est le cas de le dire) d'une faim de reconnaissance et de postérité.

Le jour-J, à l'heure-H (comme la bombe), Porcin se leva avec détermination et se dressa sur une table au milieu de la classe. Le professeur, qui avait eu vent de ce dégoûtant défi, interrompit son cours afin de laisser la parole au jeune enfant, et préparait en parallèle son calendrier des heures de retenues à venir pour les trois prochaines années. L'instant était insoutenable de suspens et de solennité. En abaissant légèrement son slip (afin d'optimiser l'aérodynamisme et l'acoustique de ce qui s'annonçait comme le Nagazaki de Mizou-Mizou), le jeune garçon était fébrile intérieurement. Et si ce pet tant attendu n'arrivait pas finalement? Ou bien arriverait-il, mais en-deçà de ses prévisions sonores? Cela serait fâcheux, mais Petit Porcin ne pouvait plus reculer désormais, sa réputation était en jeu et celle-ci comptait plus que tout, plus que sa propre vie même.

Peu importe, alea jacta est après tout. A l'instant-T, le dégoûtant écolier serra les dents et évacua de toutes ses forces son contenu gastrique. L'espace de quelques secondes, la Terre s'était arrêtée de tourner. Tout était incroyablement silencieux, les voitures s'étaient arrêtées au milieu de la chaussée, les usines ne tournaient plus, même les oiseaux s'étaient tus afin de laisser la place à cette ignoble déjection sonore.

Et pourtant, rien ne se fit entendre. Pendant de longues et insupportables secondes, les écoliers dévisageaient Petit Porcin, attendant avec impatience le moment où enfin il passerait à l'action. Mais Petit Porcin le savait déjà, le pet du siècle ne serait pas pour aujourd'hui, et il avait beau se démener, aucun son ne sortait de son trombone potelé. Il essaya de maintenir l'illusion quelques secondes de plus, quand une de ses camarades de classe (la petite Cerise, de laquelle il était tombé follement amoureux) poussa un cri strident, avant de se réfugier en larmes à l'autre bout de la salle. Les écoliers accoururent, intrigués, voir ce qui avait pu occasionner une telle terreur chez leur camarade, et ne furent pas déçu du voyage : l'arrière de Petit Porcin était entièrement boueux, et son slip laissait entrevoir une immense trace de frein particulièrement disgracieuse.

Petit Porcin n'entra pas dans les annales, ou du moins pas de la manière dont il l'avait espéré. En lieu et place d'heures de retenue, il fut expulsé de son école pour avoir traumatisé durablement plusieurs de ses compagnons, et ses parents, poursuivis par la honte que leur scatophile de fils leur a occasionné, ont été contraints de changer de département et de laisser Petit Porcin aux bon soins d'un pensionnat. Petit Porcin lui aussi n'est plus le même. Poursuivi par ce secret honteux qui le hante, il tente de se construire une nouvelle vie auprès de ses nouveaux camarades. La vie n'est pas évidente tous les jours, mais le jeune garçon s'en remet doucement, et surtout apprend de ses erreurs. En effet, il saura pour la prochaine que si l'on veut faire un pet sec et bruyant, il ne faut surtout pas manger de choux ou d'asperges.










Voilà, si je vous ai conté cette fable, c'est parce que Brink c'est un peu la même chose : c'est l'histoire d'un jeu qui voulait péter plus haut que son cul. C'est l'histoire d'un jeu qui avait un système de jeu en équipe incroyable, mais manquait d'assurance à ce sujet, et qui préféra se concentrer sur un tas de détails superficiels censés plaire au plus grand nombre. La customisation du personnage, des compétences, des armes, une direction artistique atypique, le dynamisme des mouvements avec une touche permettant de faire de folles cabrioles, voilà ce qu'on a bouffé pendant de longs mois de promotion. Mais, aussi alléchants (et réussis, dans une certaine mesure) soient ces détails particuliers du jeu, ils n'arrivent pas à camoufler le travail trop léger qui a été effectué sur les fondations.

L'intérêt d'un jeu multijoueur en équipe, c'est aussi (et surtout) de bosser en équipe pour la victoire. Or très peu de jeux encouragent ce type de comportement. Même dans un Battlefield, à condition d'être sévèrement burné (ou de faire face à une équipe de bras cassés), on peut mener à bien une guerre tout seul. Brink lui sur ce point est excellent car il annonce la couleur dès le départ : sans teamplay, point de salut. Cela se voit dès la première mission où un goulet d'étranglement particulièrement retors peut s'avérer être un véritable cauchemar pour l'équipe attaquante si celle-ci n'est pas suffisamment coordonnée. Se sortir d'une situation pareille peut être extrêmement gratifiant pour les assaillants, sauf que cela n'arrive pas très souvent.

La faute a un jeu marqué par une volonté d'accessibilité par rapport à Quake Wars, mais qui ne prend même pas la peine d'accompagner les joueurs dans la découverte des mécaniques de jeu. Une vidéo inintéressante où une voix-off nous dit qu'on est les méchants et qu'on doit tuer les gentils (et vice-versa), et hop, nous voilà parachutés en pleine bataille, totalement vierges de la moindre subtilité de jeu. C'est une habitude chez Splash Damage, certes, mais là encore la volonté affichée est de s'éloigner du teamplay hardcore d'Enemy Territory, la moindre des choses serait donc de présenter un peu plus en détail certains points du jeu afin d'éviter de se retrouver sur des serveurs où 90% des joueurs se contentent bêtement de tuer à tout va.

Si encore il n'y avait que ce petit problème mineur, le jeu serait tout de même excellent, mais malheureusement c'est toute la structure des parties qui en est ébranlée. En de nombreux points, Brink me rappelle l'ancien Shadowrun, qui lui aussi nécessitait une coopération parfaite des joueurs, mais ne les encourageait jamais vraiment dans ce sens. Et autant que cela puisse me désoler de le dire, les joueurs console sont pour la plupart des idiots qui n'ont aucune idée de la notion de travail POUR l'équipe, à la différence du travail en équipe (Call of Duty et Gears of War sont à pointer d'un énorme doigt pour le coup). Sur ce point, le jeu montre tout de même une volonté de bien faire en proposant au joueur de multiples objectifs à accomplir en fonction de la situation, sauf que pris individuellement ces objectifs ne semblent pas peser bien lourd dans le résultat final de la partie. Éventuellement, on se contente de les remplir surtout pour obtenir les bonus d'expérience qui y sont rattachés, ce qui amène des dérives typiques où par exemple la moitié des joueurs foncera sur un objectif, laissant un trou béant dans les défenses à un autre point de la map. Autre problème, à force de placer des objectifs un peu partout, impossible de distinguer une véritable ligne de front. On se contente de rusher au combat, mourir, et revenir au combat.

Non, vraiment, s'il n'y avait que ces problèmes (qui sont imputables aux joueurs plus qu'aux développeurs), je resterais sur cette idée que Brink est un bon petit jeu multi où l'on peut vivre des parties complètement folles à condition de jouer avec des amis qui collaborent en permanence. Et c'est sans doute ce que beaucoup de joueurs PC doivent vivre en ce moment. Mais pas sur Xbox. Pourquoi? Parce que je n'ai jamais vu une adaptation aussi honteuse (ah si, la dernière en date était Ennemy Territory : Quake Wars, comme quoi il n'y a pas de mystère). L'Id Tech 4, qui est un très bon moteur au demeurant, n'est définitivement pas pensé pour les consoles et leur mémoire vidéo rachitique. Il en résulte des textures dégueulasses, et un effet de flou outrancier pour cacher la misère (à moins que ce ne soit dû à la faible résolution), et malgré tout, le framerate arrive à toussoter régulièrement. Pour résumer, c'est pas beau et on ne profite absolument pas de la superbe direction artistique du jeu.

Le gameplay au pad est tout aussi infernal ceci dit, avec un autoaim aux fraises, et une visée qui ne tient pas compte de l'accélération des sticks (coucou Valve, vous faites des émules), bien heureux sera celui qui enchaînera les headshots au sniper. Le fameux système S.M.A.R.T., dont on nous rabâche les oreilles depuis des mois, est plombé par de nombreux bugs de collision et un intérêt somme tout assez limité (c'est dynamique, certes, mais on nous promettait Mirror's Edge, pas Killzone 3). Question d'habitude peut-être, mais ayant fait mes armes sur une tripotée de FPS console, je peux affirmer sans trop de doute que ce Brink est plus proche d'un Left 4 Dead que d'un Bad Company dans sa jouabilité, ce qui est bien évidemment problématique dans un FPS qui se veut nerveux.

Je pourrais continuer un bon moment (notamment sur l'idiotie la plus totale des bots -alliés, évidemment- ou sur cette VF proprement infâme qui me donne envie de me coller une balle chaque fois qu'un de mes coéquipiers m'appelle son frère), mais je vais m'attarder pour finir sur ce qui, pour moi, entérine ce jeu comme la suite spirituelle de Shadowrun (et pour autant que j'ai pu aimer jouer à ce jeu, ce n'est pas un compliment) : un mode en ligne inutilisable à deux jours de la sortie officielle (on ne peut même pas se rattraper sur le solo, il n'y en a pas vraiment), des serveurs déserts (bien tiens, tu m'étonnes), et un intérêt sur le long terme inexistant (une dizaine de maps et pas mal de trucs qui se débloquent en deux heures, même pour un jeu en ligne c'est du foutage de gueule, vive le DLC pour le coup).

Ceci dit comme pour Shadowrun, je vais laisser sa chance à Brink, d'une part parce que cet avis à chaud ne saurait nullement représenter objectivement les qualités et défauts réels du jeu, et d'autre part parce que certains griefs évoqués ici pourraient très probablement être réglés dans les jours à venir (et je pourrais alors très probablement prendre mon pied, je l'espère du moins). Alors on va mettre 5 pour le moment, et cette note sera susceptible de bien remonter si les développeurs se bougent le cul à temps, ou bien l'inverse si effectivement on se rend qu'on se fout de notre gueule sur consoles (évidemment, si je l'avais testé sur PC, je serais certainement beaucoup plus enthousiaste à l'heure qu'il est, mais je joue sur Xbox 360, alors je pense avoir le droit d'attendre quelque chose d'au moins aussi bien).

En attendant, Messieurs de chez Splash Damage, pour votre prochain jeu, avant de vous attarder sur des détails superficiels comme les millions de combinaisons uniques de personnages possibles, essayez déjà de bétonner les fondations pour ne pas que votre château s'envole au moindre coup de vent.





P.S. : ne cherchez pas, je ne suis pas Petit Porcin et il n'y a rien de personnel dans cette histoire

P.P.S. : si vous êtes arrivé ici sans avoir vraiment lu cette critique, ce n'est pas grave, je vous aime quand même, bisous
HarmonySly
5
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le 12 mai 2011

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HarmonySly

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