[P1] Le Point & Click, Tim sait faire.
Broken Age n'est pas seulement un Point & Click réalisé par un père fondateur du genre, c'est également le jeu qui a mis en lumière le système de crowdfunding vidéoludique via la plateforme Kickstarter. Pour réaliser le Point & Click de ses rêves, Tim Schafer demandait aux amoureux de ce genre tombé en désuétude de le financer à hauteur de 300k$ et au final c'est 3,3millions de dollars que son studio de développement Double Fine a récolté ! Autant dire que les joueurs-backers étaient en droit d'espérer LE Point & Click ultime qui ferait souffler un vent de fraîcheur sur le spectre des anciennes productions LucasArt. Deux ans après la campagne Kickstarter, c'est l'heure du verdict. Enfin, de l'avant-gout du verdict car seule la première partie de Broken Age est disponible...Mais je vais y revenir plus tard.
Broken Age c'est deux histoires distinctes. Celle de Vella, une jeune fille qui doit être sacrifiée à un monstre légendaire et celle de Shay, un jeune garçon qui erre dans son vaisseau spatial à la recherche d'aventures à vivre. Je n'en dirai pas plus concernant le scénario pour la simple et bonne raison que l'écriture est de qualité et qu'il serait dommage qu'un petit spoil vienne vous la gâcher. A tout moment de l'aventure, vous pouvez passer d'un protagoniste à l'autre mais contrairement à Day of the Tentacle ce n'est pas dans le but de résoudre des énigmes car je le répète; les deux histoires n'ont rien à voir entre elles mais quoi qu'il arrive vous serez malgré tout invités à vivre les deux aventures. C'est une excellente chose car cela permet de profiter de deux univers radicalement différents mais totalement maîtrisés dans leur registre respectif.
Ainsi, Shay évolue dans un univers futuriste qui fera la part belle aux références cinématographiques de la SF quand Vella visite des environnements oniriques et totalement fantaisistes. Mais que ce soit l'un ou l'autre, les univers sont travaillés et jouissent d'un design purement singulier même si celui de la jeune fille gagne la palme de l'inventivité tant il est original, bariolé et dépaysant. Pour ce qui est du moteur graphique qui a connu bien des discussions au sein des équipes Double Fine, il est indéniablement réussi. Les personnages de Broken Age ont tous un design singulier et atypique. Imaginez des personnages en pâte à modeler dessinés en 2D dans un style crayonné avec des effets 3D pour insuffler du relief et vous aurez une petite (mais vague) idée du rendu final. C'est original et très agréable à l'oeil surtout que les animations sont de bonne facture.
Mais quid du jeu ? Papa de softs mythiques comme Maniac Manson, Full Throttle ou encore Grim Fandango, Tim Schafer était attendu au tournant dans le microcosme du Point & Click et force de reconnaître qu'en ce qui me concerne je suis un poil déçu. L'écriture et l'humour sont indéniablement réussis mais les énigmes me laissent un gout amer. Elles sont trop simples. Trop accessibles. Trop logiques. Elles sont logiques au sens "logique" du terme et pas au sens de LucasArt, c'est à dire qu'elles ne sont pas tirées par les cheveux et ça ça me déçoit car c'est ce que j'attendais d'un pilier comme T. Schafer. Lors de cette première partie je n'ai pas été accroché par les énigmes et leurs solutions apparaissent toujours comme étant trop évidentes. J'ai donc mis un peu plus de 3h30 pour finir cette première partie de Broken Age et je trouve que c'est un peu court pour un jeu financé il y a 2ans....
Car oui, je suis quand même obligé de parler du financement. Broken Age est considéré comme le fer de lance du financement participatif dans le jeu vidéo et quand il obtient plus de 10 fois la somme demandée pour sa réalisation, scinder le jeu en deux partie pour potentiellement accroitre les fonds via une vente au public de la première partie (début février) a de quoi laisser perplexe. Tim Schafer argue qu'il a trop de choses à dire pour tout faire tenir dans cette première partie mais au final cette dernière, aussi réussie soit-elle, est très courte et a fortiori très accessible/simple. Faux-pas dans la communication ? Probablement. En tout cas cela n'enlève rien aux qualités intrinsèques du titre; design atypique, histoire prenante et bien écrite, humour savamment distillé, une B.O. signée par Peter McConnell et un doublage de qualité assuré, entre autres, par Elijah Wood et Jack Black. A noter que le jeu est intégralement sous-titré en français.
Cette première partie de Broken Age fut donc brève mais indéniablement réussie. Les deux histoires s'achèvent sur un twist des plus intrigants et en ce qui me concerne je suis impatient de mettre la main sur la seconde et dernière partie. D'ici 15 jours la première partie sera disponible sur Steam pour tout le monde et si vous l'achetez, vous bénéficierez d'office de la suite quand elle sera disponible à la manière des jeux épisodiques démocratisés par Telltale. Est-ce que je vous conseille Broken Age ? Si vous aimez les Point & Click et les histoires atypiques alors foncez. Mais comprenez bien que cette incursion dans l'univers de Broken Age n'est qu'une mise en bouche de l'aventure finale et que si, comme moi, vous accrochez alors l'attente sera longue. En ce qui me concerne j'ai une confiance totale en Tim Schafer et je suis sûr qu'une fois achevé, Broken Age tiendra toutes ses promesses. Les joueurs comptent sur toi Tim, ne les déçois pas.