Broken Age: Acte 1 par JipéF
En 1993, j'avais une vingtaine d'année, et je ne jurais que par l'Amiga, mon micro-ordinateur et ma machine de jeu préférée. Mais à cette époque, le PC commençait à monter sérieusement en puissance chez les gamers, et quelques jeux valables commençaient à pointer le bout de leur nez. Pour m'en convaincre, mon pote Hubert m'avait invité chez lui pour m'en faire la démonstration. Il me montre alors l'intro d'un titre hilarant, techniquement incroyable, aussi beau qu'un dessin animé mais aussi et surtout doté d'un humour ravageur. On y voyait un tentacule pourpre y gagner deux bras et l'envie dévorante de conquérir le monde. J'étais mort de rire et super impressionné à la fois, et pour la première fois dans ma petite tête, l'Amiga vacillait sur son trône de machine de jeu ultime. Ce jeu, c'était Day of tentacle, et je crois que c'est à dater de ce jour je suis tombé amoureux des créations de Tim Schafer. Par la suite, j'ai joué et fini presque toutes les oeuvres du maitre, et il ne m'a jamais déçu. Ce n'est pas avec Broken Age que cela commencera.
Evidemment, Broken Age a un background bien particulier. C'est le projet qui a lancé la grande vague des financements participatifs de jeux sur Kickstarter. Maintenant que sont passées les premières euphories libertaires, 2014 est l'année du bilan : les studios ont travaillé, et les premiers jeux de cette vague aboutissent enfin, avec leur cortège de désillusions potentielles. Mais Broken Age est l'initiateur, le précurseur, il n'a pas le droit à l'erreur, surtout en étant vendu comme un point'n click issu de l'écurie de sieur Schafer en personne.
Alors pour être sur de son coup, ce dernier a donné le meilleur de lui même. Il a commencé par pondre une histoire bicéphale vraiment géniale, à la fois absurde, drôle et cruelle. Il a ensuite su s'entourer d'une équipe artistique et technique de premier ordre : tout, absolument tout est superbe et pertinent dans Broken Age. Pas de 3D lisse et sans âme ici, chaque scène est un tableau qui semble peint et animé à la main accompagné par une bande son orchestrale de très haute volée. A ce niveau, le jeu soutient quasiment sans rougir la comparaison avec un long métrage animé. Enfin, le gameplay est celui que l'on attend : un jeu d'aventure pointé-cliqué dans lequel on progresse en résolvant des énigmes, plutôt bien équilibrées pour le coup. Bien sur, elle ne résisteront pas longtemps aux vieux briscards rompus au genre, mais elles sont suffisamment tordues pour que le commun des mortels sèche un peu sans être trop frustré.
Pour les inconditionnels, difficile donc d'être déçu par le jeu, sauf peut être par son découpage en deux épisodes qui rend cet acte un bien (trop) court, 5 ou 6 heures grand maximum pour en voir le bout. Pour les autre en revanche, il reste agréable à jouer mais ses mécaniques de jeu, on ne peut plus classiques, peuvent sembler un peu datées. Dans ce dernier cas de figure, il ne restera donc qu'une direction artistique fabuleuse pour espérer accrocher le joueur lambda, et il n'est pas sur que cela suffise à assurer le succès et la rentabilité du titre. Mais qu'importe, les fans ont gagné, ce beau projet a vu le jour et il est des plus réussis. C'est en soi une bonne raison pour Double Fine d'être fier de leur démarche et du chemin accompli.
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