Brothers : A Tale of Two Sons, c'est l'une des plus belles aventures qu'on peut vivre avec le jeu vidéo. Onirique, simple et naïf, ce récit initiatique émeut. Le tout derrière un gameplay solide et original, qui transcende véritablement l'expérience.
On contrôle deux frères, un grand brun costaud et un petit blond plus souple, et toute l'originalité du jeu tient dans ses contrôles : tandis qu'on dirige l'un avec le stick et la gâchette gauche, on dirige l'autre avec le stick droit et sa gâchette associée. Et quelle humiliation pour le joueur de voir qu'il ne sait de prime abord pas faire 10 mètres sans que les personnages n'aillent dans tous les sens. Et tout au long du jeu, Brothers jouera avec ce principe, en l'affinant, en le corsant, en rendant les interrelations entre les deux frères de plus en plus complexes et poignantes. Et si au début le jeu n'a pas fière allure, les deux héros semblant être contrôlés un peu hasard, avec le temps, on réussit à maîtriser son cerveau et à accorder les deux commandes pour que tout s’enchaîne avec une fluidité exemplaire.Là réside le premier éclat de la beauté du jeu. C'est d'ailleurs l'un des rares jeux qui n'a aucun intérêt à être regardé jouer (interdisez-vous toute vidéo de gameplay du coup).
Pour autant, celui-ci n'est pas bien dur, la progression n'est d'ailleurs jamais hachée plus de deux minutes par les énigmes, et toute la "difficulté" du soft tient donc dans l'harmonie requise par les deux personnages. Les différents puzzles seront vite résolus, et serviront surtout à mettre en évidence la beauté du concept, en proposant à chaque fois des nouvelles idées pour surprendre, ou émerveiller.
Émerveillement, le mot qui décrit peut-être le mieux l'oeuvre au final, puisqu'on progresse rapidement, traversant de nombreux paysages bucoliques aux tons oscillant entre l'ocre et l'olive et rencontrant nombre de créatures fantastiques, telles les géants ou les ogres. Et pourtant, (presque) jamais on ne tuera : les deux adolescents accomplissent surtout un voyage, une quête dont on finit par oublier le but et ils ne sont pas des guerriers. Juste des enfants d'un village nordique partant à l'aventure, et dialoguant avec les paysans qu'ils rencontreront, dans leur langue obscure.
C'est aussi l'une des plus belles idées du soft : les personnages parlent, mais on ne comprend jamais ce qu'ils disent, de sorte que l'histoire se raconte plutôt avec des actions, des paysages et des rencontres plutôt qu'avec des mots ou des cinématiques. Et pourtant, contrairement à un Journey, Brothers a quelque chose à raconter, il n'est pas qu'un trip contemplatif, il a un univers, des personnages, une quête, des péripéties variées et marquantes et même des ... quêtes annexes, au sens le plus strict du terme. Parfois en effet, et sans récompense aucune, le joueur pourra faire quelques petits détours pour aider des animaux ou personnages, pour le simple plaisir d'avoir contribué à ce monde. Ce qui forge d'autant plus le lien entre le joueur et ces deux frères qu'il contrôle.
Périple au sein d'un pays nordique fantastique, Brothers est une odyssée au sens le plus ulysséen du terme : des rencontres magiques, des randonnées en montagne à dos de bouquetin, l'exploration d'une maison de géant ou un voyage en barque sur les flots glacés ; un jeu qui se raconte plus avec l'expérience et les péripéties vécues qu'avec des constats techniques sur la durée de vie, les graphismes, la difficulté ou la profondeur du gameplay. Une claque magistrale, tout simplement, et la preuve que jeu vidéo poétique ne rime pas toujours avec prétention.