La même chose mais en pareil
Si vous vous demandez "pourquoi devrais-je acheter Modern Warfare 3 ?", vous êtes un cas à part. Principalement car les personnes intéressées sont déjà toutes en possession du jeu, histoire de booster leur K/D ratio, et les personnes désintéressées sont déjà toutes en train de déverser leur caca virtuel sur les premières, histoire de booster leur ego. Cette critique est pour vous, qui n'avez cure de ces querelles de clocher et cherchez avant tout à savoir si le dernier Call of Duty est un bon ou mauvais titre avant de sortir vos biftons pour y jouer (attention, spoilers).
La réponse est très simple : Modern Warfare 3, c'est la même chose en pareil. La campagne solo mélange sans grand génie des recettes éprouvées lors des deux premiers épisodes, et si ce n'est plus très original, on pourra toujours compter sur des séquences ridiculement remplies de n'importe quoi pour faire le job. On se demande d'ailleurs à chaque séquence a priori lambda (disons un détournement d'avion) comment les développeurs vont-ils se débrouiller pour en foutre plein la gueule au joueur (réponse : faire s'écraser l'avion bien sûr, mais avant cela le faire partir en chute libre avant de le découper en deux morceaux façon Lost ; évidemment, le personnage est à l'intérieur du-dit avion, assiste même à sa déchirure et atterrit avec juste quelques côtes fêlées, pas de doute, c'est un Russe). Comme pour un gros nanar patriote ou un film de Michael Bay, le principal intérêt du solo de Modern Warfare 3 reste de constater, impuissant, au crétinisme insondable des créateurs, qui se contentent de balancer un bukkake d'explosions en guise de plot points, tout en hurlant "AMERICA§§§" à tout bout de champ.
Pour les joueurs bien fournis en second degré, capables de supporter toute cette débilité latente, l'aventure vaut le détour. Absolument tout y passe : intrigue incompréhensible (les russes envahissent l'Europe alors que leur président vient de se faire enlever par un terroriste international ? Ils mettent quoi dans leur vodka ?), interventionnisme primaire (rien de mieux qu'un SAS anglais et un Delta américain pour aller sauver un président russe et sa fille), complexe de la Seconde Guerre (notamment lors cette hilarante mission à Paris où la Delta force débarque pour sauver les miches d'une petite escouade du GIGN, raser la place de l'Etoile à coup d'AC-130, et bien évidemment faire péter la Tour Eiffel ; Problem, France ?), syndrome du 9/11, patriotisme ambigu, manichéisme de bas étage, you name it. Outre l'obscénité d'un scénario présentant les Etats-Unis comme sauveurs du monde libre et où le moindre problème peut-être réglé en faisant sauter un bâtiment civil (mais c'est cool, vu que les méchants le font aussi de toute façon), on s'attardera aussi sur cette morale pudibonde et ces séquences "choc" vides de sens et d'émotion (golden facepalm de l'année pour cette scène à la subtilité éléphantesque présentant une famille en vacances à Londres avant qu'un camion piégé ne leur explose à la figure, encore plus inutile que la séquences de massacre de l'aéroport du 2). Aussi subtil que Pearl Harbor et Independence Day réunis, le scénario de Modern Warfare 3 ferait passer le premier pour un Nobel à côté, c'est dire.
Concernant le gameplay, et bien là aussi il me semble qu'à quelques approximations près, c'est plus ou moins... Non, ne tournons pas autour du pot, c'est strictement la même chose. On fait caca derrière des caisses, on sort sa tête pour manger de la confiture de pruneaux (même qu'on en met partout sur l'écran), on vise les méchants avec un autolock aimanté sur leur tête, on suit les ordres du patron ("Ouvre cette porte !" "Tue ce mec !" "Va me chercher un café !"), et puis à la fin de la mission on rentre dans un véhicule pour une séquence de rail shooting (carrément anxyogène quand le véhicule en question n'a pas d'arme). Pour varier les plaisirs il y a aussi des séquences d'infiltration affreusement scriptées (donc inintéressantes), ou des pièces à sécuriser au ralenti pendant que vos équipiers se branlent la nouille à vos côtés. Même le level design est repompé des précédents épisodes, zéro prise de risque. En même temps c'était plus ou moins prévisible, vu que la série est rapidement devenue la pompe à lait privilégiée de Activision.
Ceci dit, le solo importe peu finalement. Torché en 5 petites heures, on le mettra rapidement de côté (pour le sortir lors des soirées déconne et biture entre potes) au profit du multijoueur, la même chose que Modern Warfare 2 mais en pareil. Des maps très inégales, des armes déséquilibrées, un mauvais goût ostentatoire (les billets qui volent quand on se venge ?), et une putasserie poussée dans ses derniers retranchements avec des milliards de trucs à débloquer pour appâter le joueur (Tu veux un deuxième poumon ? Alors cours 10kms avec le premier ou envoie Poumon au 89333). Heureusement, malgré cela le mode reste très sympathique à appréhender avec des amis, mais forcément ça ne ressemble guère qu'à un gros add-on des précédents Modern Warfare. On appréciera tout de même les petites nouveautés (notamment au niveau des killstreaks et des modes de jeu) qui tendent à favoriser le jeu en équipe et pas juste la performance personnelle, mais comparé au monstre Battlefield, ça ne reste pas grand-chose. Le mode Spec Ops est quant à lui de retour et s'avère toujours très plaisant, surtout affublé d'un nouveau mode Survie simpliste mais sympathique.
Techniquement parlant, c'est la même chose qu'en 2007, peut-être légèrement améliorée, histoire de dire. Les environnements sont plus grands, ils paraissent moins "couloirisés", et les effets de particules et de destruction ont été boostés, mais cela reste extrêmement léger, surtout avec Battlefield 3 en face. Au moins le jeu est toujours extrêmement fluide (encore heureux), mais il serait temps de penser à changer de moteur.
Bref, Modern Warfare 3 c'est Modern Warfare 2 avec un 3 à la place du 2 à la fin. N'attendez rien de celui-ci si vous n'avez pas aimé le précédent, mais la recette fonctionne encore un peu malgré la flagornerie évidente des développeurs. Pas d'évolution (ou presque), des graphismes limites (ce n'est pas affreusement laid, heureusement), et un multijoueur globalement similaire aux précédents font de cet épisode un produit pour fan pur et dur (Activision ne s'en cache pas d'ailleurs). A un tel niveau de stagnation, je soupçonne la série d'atteindre le degré zéro du jeu vidéo d'ici les trois prochaines années (peut-être un peu plus si l'éditeur arrive toujours à graisser la patte des rédactions d'ici-là), mais ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Ce qu'il faut bien prendre en compte, c'est que même si le jeu n'évolue pas d'un poil par rapport à ses aînés, la formule reste tout de même efficace. Si ce n'est pas cassé, inutile de le réparer, comme on dit. On laissera le soin aux prochains épisodes de s'engouffrer dans des abysses de platitude et de se confronter au désintérêt grandissant du public (qui se souvient des Fifa du début des années 2000 ?), en attendant ce Modern Warfare 3, aussi fainéant soit-il, a tout de même le bon goût de partir d'une base solide (qui commence à sérieusement montrer ses limites, certes). C'est un jeu qui, de manière assez dingue, ne mérite ni les éloges, ni les critiques à son sujet.
Retour à la problématique initiale : si vous ne faites pas partie des lovers (ou haters) de la série, difficile tout de même de vous recommander cet épisode. Si vous avez joué aux précédents et attendez quelque chose de plus de celui-ci, passez votre chemin, mais si vous voulez faire vos armes sur le multijoueur, c'est une alternative viable (sur consoles du moins, parce que sur PC...). Reste le solo, furieusement drôle et débile, mais à 60€ ça fait cher l'heure d'hilarité.