Critique publiée dans un premier temps sur JeuxOnLine.
Les jeux de « puzzle-énigme » sont l'un de passe-temps favoris de votre humble serviteur. Et c'est avant tout par sa proposition narrative ambitieuse et sa direction artistique (aussi luxuriante que fortement connotée en symboles) que le titre du jeune studio Out of the Blue parvint à attirer mon attention. A l'heure où les territoires terrestres encore inexplorés se réduisent comme peau de chagrin, Call of the Sea propose en effet de raviver ce souvenir collectif d'un temps perdu : celui des grandes expéditions du 19ème siècle, empreintes de danger, d'héroïsme et de mysticisme. Comment, dès lors, résister à l'appel de pareil voyage ?
Manette en main, ledit voyage commence par nous plonger dans la peau d'une dénommée Nora, jeune professeure partie dans le Pacifique à la recherche de son époux disparu lors d'une expédition. Aussi vite que les plages ensoleillées s'estompent au profit d'un univers plus sombre, les raisons de cette expédition se précisent : découvrir la mystérieuse maladie dont souffre sa femme. Plus étrange encore, notre intrigante protagoniste se retrouve assaillie de cauchemars lovecraftiens mettant en scène les vestiges d'une civilisation perdue, faits de monstre et de temples à la gloire de dieux inconnus, et d'une substance noire à l'aspect dérangeant. Autant de thèmes qui jettent l'ancre dans notre imaginaire et s'attachent à retenir notre attention avec tout le génie dont les scénaristes disposent. Sans jamais, toutefois, basculer dans le « survival-horror » ou le macabre.
Plus prosaïquement, ces grands mystères se matérialisent sur six chapitres. Chacun d'eux comprenant son lot de petits puzzles, eux-mêmes imbriqués dans une plus grande énigme, dont la résolution trouvera une résonnance toute particulière avec la quête de Nora. En faisant la part belle à l'exploration, le jeu propose autant d'apprécier une relation amoureuse que l'on découvre au rythme de nos pérégrinations que de collectionner d'importants indices servant à la résolution des puzzles. Et à l'inverse d'un nombre -trop - important de jeux, l'exploration se révèle véritable agréablement : si les objets ne sont pas cachés avec une malice démoniaque, ils servent en outre bien moins à prolonger la durée de vie du titre qu'à enrichir l'histoire et à transformer nos présentiments en certitudes.
Bien que la direction artistique aux influences « steampunk » se révèle soignée, on peut néanmoins regretter que les plans fixes ne parviennent jamais entièrement à capturer toute la beauté des paysages. Même en tournant la tête plus que de raison, il faudra parfois se contenter d'une beauté suggérée, cachée derrière un FOV trop proche à mon goût. Si l'on excepte ce dernier point, Call of the Sea réussit son mélange des genres et son enchevêtrement intelligent sur plusieurs niveaux, entre son scénario riche en mystères et ses énigmes liées les unes aux autres, pour finalement nous mener jusqu'à un choix cornélien où la logique laisse place aux émotions. Un comble pour un jeu d'énigmes, non ?