Seul au bord du monde, je regarde le gouffre, et le gouffre me regarde aussi. Seul dans la nature, personne ne pourra vous aider, ni même vous entendre crier. Seul face à soi-même, son égo comme unique partenaire, sera-t-il mon pire ennemi ou mon meilleur allié. Comme tout hardcore platformer qui se respecte Celeste est un défi, une remise en question, une montagne que l’on pense infranchissable mais qui nous parait pourtant si petite une fois au sommet.
Un bon alpiniste vous dira qu’entreprendre une ascension sans cordage relève du suicide, et il aura raison. Une mauvaise chute en entraine une autre, la mort n’est pas la fin mais le début de l’apprentissage. Sauter, dasher, s’accrocher et grimper. Un champ d’action limité pour des possibilités pourtant nombreuses et un gameplay millimétré (par les créateurs de Towerfall, instant pub). De nouvelles idées à chaque chapitre, d’abord instruites de manière plutôt amicale puis ré-exploitées jusqu’à vous faire regretter l’absence de télésièges. A force de fouilles minutieuses, on découvre les Faces B, ces fameux remix de niveaux façon dark world de Super Meat Boy. Aguerri par son périple, tout joueur consciencieux s’y essaiera et tentera de gravir cet échelon si symbolique sur l’échelle du skill et du style. C’est ensuite qu’on découvre l’existence des Faces C... et là comment vous dire… je ne suis pas venu ici pour souffrir, ok ?
Mais Celeste n’est pas seulement une formidable publicité sur les dangers des massifs canado-américains (déplorons d’ailleurs au passage l’absence de caribous pixellisés au profit d’un bestiaire peu original). C’est aussi celle d’une introspection, pas celle du joueur (quoi que), mais celle de la jeune Madeline, héroïne aussi courageuse que peureuse, aussi angoissante qu’attachante. Bon, Madeline est aussi un peu bizarre et sujette aux crises d’angoisse mais qui peut la blâmer (les courses poursuites dans les platformers sur l’échelle de Holmes-Rahe, c’est combien ?). Pas là pour sucrer les fraises, son objectif est simple : monter, monter et toujours monter. Dans son ascension, des doutes, des peurs, des joies, des pleurs, et une rencontre, celle du sympathique Théo dont vous pouvez retrouver le compte instagram ici https://www.instagram.com/theounderstars/.
Mais plus que par son histoire, Celeste se démarque par sa vision. Une vision positive du genre à l’opposé du sadisme amusé d’un Edmund McMillen et d’un The End is Nigh pour ne citer que lui. Celeste est ce père bienveillant qui ne rit pas quand vous tombez à vélo, mais vous aide à remonter avec une tape dans le dos. « Ton compteur de morts est une fierté, il faut le chérir car c’est en tombant qu’on apprend » merci papa. Les collectibles vous font de l’œil mais vous n’arrivez pas les attraper (ou les trouver, c’est la première étape), un mode assisté existe dans les menus, c’est gratuit et ça économise même parfois les 50e d’une nouvelle manette. Bon ok, c’est un cheat code et un affront à la guilde des hardcores gamers, mais 2018 le jeu indé pour tous, toussa, et c’est fait sans la moindre condescendance, une vision positive je vous dis.
Et en même temps qui aurait besoin de ramasser autant de fraises à part une femme enceinte. A moins que… la fraise comme symbole de gourmandise… une satire de la collectionnite aigue des looters du monde entier… c’était donc ça le sens caché de Celeste… Aussi un prétexte pour faire étalage de son level design inspiré et nous inviter à refaire les niveaux pour écouter encore et encore la BO hypnotique de Lena Raine. Car quand la musique, le gameplay et le propos du jeu ne font plus qu’un, c’est à ce moment, et seulement à ce moment que l’on sait que le véritable sommet a été atteint. Celeste est une élévation, un cadeau venu du ciel recommandé à tous les gens de la terre.
And now. You feel a calming tranquility. You're filled with determination...