Question à six sous : Le fait qu'un concept soit intéressant doit-il rendre notre jugement sur le produit fini plus clément ? Comme qui dirait "C'est l'intention qui compte.", quand bien même la dite intention est facturée à neuf euros sur Steam pour une durée de vie quelque peu limitée ? C'est tout le problème que me pose l'assez étrange Cibele.
On ne peut nier à Cibele la volonté de développer une idée intelligente de narration, mettre le joueur dans la peau quotidienne d'une jeune joueuse de MMORPG afin de partager ce qui semble être une expérience personnelle. On peut assez facilement faire le lien avec l'assez populaire "Emily is away". La comparaison se renforce par certains thèmes abordés ainsi qu'une évidente nostalgie.
Mais à la différence de ce jeu, Cibele est un projet plus ambitieux, doté d'un travail artistique plus poussé ainsi que d'un support gameplay plus présent. Je te vois remuer ton popotin en te disant qu'Emily is away en plus "jeu", c'est forcément mieux. Non, enfin, si. Enfin, je t'explique.
Ces dernières années ont rendu des jeux au gameplay minimaliste très populaires, aussi, des titres tels que Journey ou Stanley Parable ont su trouver des amateurs, le jeu presque exclusivement devient de plus en plus tolérable, laissant la voie à certains créateurs. Sauf que même si le gameplay peut se permettre d'être minimal, voir inexistant, il ne doit pas pour autant se permettre d'être désagréable.
Aussi léger soit-il, le gameplay est l'outil qui va permettre au joueur de lire et comprendre ton histoire, louper ça rendra forcément la lecture moins plaisante à suivre et malheureusement, Cibele est un échec sur ce plan. Les parties "jouées", qui pourtant ne sont présentes que pour servir la narration sont d'une incroyable rigidité et réussissent à être frustrantes à cause d'un pathfinding très mal codé et d'un level design mal fichu.
Il est assez étrange qu'une joueuse de MMORPG ( Ce qu'est Nina Freeman. ) ne se soit pas dit que dans n'importe quel MMO', une telle interface ne serait que frustration et agacement. Devoir passer sans arrêt vers une boîte de MP ( Un non sens dans un jeu en ligne qui provoquerait probablement tous les wipes possibles. ) est simplement désagréable et redondant.
Maintenant, non, personne d'un peu informé ne jouera à Cibele pour son gameplay, mais pour son écriture, son propos, peut-être ses personnages ?
Autant dire qu'à moins d'avoir la fibre nostalgique et d'être au fait des problèmes relationnels que l'on retrouve dans les jeux en ligne, vous risquez de passer à côté. Ce n'est pas un défaut, mais l'histoire que l'on nous raconte ici n'a rien d'universel et est assez spécifique à l'univers du jeu sur internet.
Mais est-ce qu'elle fonctionne ? Est-ce qu'elle touchera sa cible ? Peut-être. Mais difficilement. Cela demandera une certaine tolérance aux personnalités assez problématiques de nos deux protagonistes, Nina et Ichi. Ce n'est pas tant qu'ils soient inintéressants qu'ils ont la possibilité d'être fort désagréables.
En particulier, Ichi. Comment peut-on trouver un semblant d'intérêt à leur relation quand intérieurement, vous hurlez "Punaise, sauve-toi ! Ce gars ne mérite pas même l'affection de son chien !". J'exagère. Tout le monde mérite l'affection d'un chien, mais tout de même, j'en suis rapidement arrivé à la conclusion que pour le bien de Nina, quelque chose devait mal se passer.
Mais pour l'histoire... Etant donné le contexte spécifique, les personnages et le caractère qui paraîtra au final, très anecdotiques à ceux équipés d'un cœur de marbre, comment peut-on se laisser à aller à sympathiser ou empathiser ? C'est pourtant les deux seuls possibilités pour vraiment s'investir dans ce récit, s'y sentir lié, que ce soit par son expérience ou celle d'un ou d'une proche.
C'est banal. Des événements banals peuvent être très touchants, ou magnifiquement racontés, mais étant donné les divers obstacles, je pense que rares seront ceux à se sentir concernés. Et je pense que, plus que le gameplay, plus que les bugs ou la maladresse de certaines scènes filmées, c'est là le grand défaut de Cibele, que ce soit en parlant à notre expérience ou à notre imagination, on nous retire beaucoup trop d’accroche.
Je pense que je dresse un portrait très désagréable, je suis loin d'avoir détesté ce jeu et il a su par moment me toucher, et j'ai apprécié la mise en évidence de certains comportements désagréables dans les jeux en ligne, mais alors que je suis un aficionados des jeux narratifs, j'en reste avec un goût d'inachevé, d'incomplet.
Pour autant, en humble bundle ou avec une très forte réduction, je pense que c'est un titre qui mérite d'au moins être essayé, pour ce qu'il a essayé de faire et de partager. Et si je reste sceptique quand au résultat final, j'ai apprécié le concept et je suis curieux de ce que Nina Freeman proposera par la suite.
PS : Il existe une version avec l'OST. Une bande-son parfaitement honnête ( Artistiquement, le jeu n'est pas désagréable du tout. ), mais étant donné la durée du jeu, ne vous attendez pas à énormément de pistes.