Aussi punchy que Mohamed Ali après deux tasses de café, Cuphead nous envoie d’entrée un crochet dans la rétine. Assommé par une beauté indéniable, difficile de reprendre pleinement ses esprits tant chaque nouveau boss viendra nous chatouiller les globes oculaires. Ne perdez pas l’œil pour autant car dans ce festival d’animations diaboliques, le moindre élément de décor est à surveiller comme la théière sur le feu, surtout si vous aimez boire votre café en binôme. Pensez tout de même à consulter votre ophtalmo avant de prendre place sur le manège, les attractions sont tellement nombreuses qu’on ne sait parfois plus où donner de la tête. La sublimité qui nuit à la lisibilité, le revers de la cuillère.
Direction artistique admirable, chara-design imparable, animation incroyable, le tout fruit d’un travail colossale et surtout artisanal. A l’heure du tout numérique, visiblement pas la tasse de thé des développeurs du Studio MDHR, les frères Moldenhauer se lancent un défi fou et ressortent du papier et des crayons. Pari réussi, chapeau les mecs. Vous rêviez d’être un héros de dessin animé, pas la peine de donner votre âme au diable votre vœu est exaucé. Élèves de l’ancienne école, celle des Run & Gun et Shmups en tout genre, les deux frangins connaissent leurs classiques et mettent les petits plats dans les grands pour proposer un assortiment de Boss riche et varié. En dessert, quelques niveaux Run & Gun au level design pas toujours dans son assiette, mais complétement optionnels ne faisons pas la fine bouche.
Alors oui pas de bol le jeu ne se fini pas en un claquement de doigt, mais ne jetez pas l’éponge avant d’avoir terminé la vaisselle. Les dés ne sont pas pipés, ne gardez pas vos pièces en poche, un petit tour chez l’ami tête de cochon pour s’assurer d’avoir les bonnes cartes en main, et en avant la musique. La chance sourit aux audacieux, le jackpot tombe rarement du premier coup, il faut multiplier les tentatives pour atteindre le triple 7, et pour une fois ce n’est pas le casino qui gagne à la fin. Les cartoons des 30’ c’était des gags, de la bonne humeur mais aussi du vice, de la fourberie, des coups en traitre et surtout du Swing, CQFD.
Pas anodin que ce bon vieux Cab Calloway prête ses traits à cette crapule de Mr King Dice, l’occasion de porter un toast à la BO, jazzy à souhait, et de se relancer The Blue Brothers de John Landis, Hi-de-ho ! Niveau référence, le jeu sort l’argenterie en porcelaine, se servant tant dans les archives de l’animation que celle des jeux vidéo, attention à ne pas boire la tasse. Les friandises sont nombreuses mais c'est toujours un plaisir de les repérer tant il y en a pour toutes les générations. J'avoue pour ma part que se casser les dents sur une couille de mammouth, c'est un vrai bol de nostalgie. Popeye, Koko le clown, Betty Boop, c’est aussi boire du petit lait que de voir les Fleischer Studios autant représenté et honoré. Comment ça il n’y a pas que Disney dans la vie ?
Au final, pas la peine de se demander si la tasse est à moitié vide ou à moitié pleine, le jeu confirme avec classe, l’importance et l’excellence atteinte par la scène indépendante ces dernières années. Et si certaines grandes productions aseptisées souhaitent réviser les notions de gameplay et de direction artistique, asseyez-vous, cette fois, c’est Cuphead qui rince.