Après le décevant et surcoté Witcher 3, CD Projekt a enfin conçu sa chapelle sixtine. Le studio a su prendre le public à contrepied, avec un jeu qui ne va pas miser sur des effets tape-à-l'oeil, mais plutôt sur la profondeur du propos.
Le jeu sait ménager des plages contemplatives et introspectives. Hélas, trop de gens passeront sans doute à côté de son message politique et métaphysique. Inutile d'essayer d'expliquer à ces esprits médiocres que la présence récurrente de godemichés dans le décor est un commentaire sur la déshumanisation de la société et une allégorie de la lutte des classes au sens marcusien.
Quant aux soi-disants bugs, il est certain que beaucoup croiront qu'ils étaient involontaires, alors qu'ils réutilisent un processus brechtien classique : casser brutalement l'immersion, le contrat initial de la fiction, pour briser le quatrième mur et forcer le joueur à se rappeler qu'il est face à un spectacle, et l'obliger, le temps du reboot du jeu, à réfléchir au sens de sa propre vie. Mais cette réflexion en miroir, la plupart l'éviteront.
Par bêtise ? Par lâcheté ? Qui peut le dire ?