Des âmes, donnez moi des âmes !
Successeur spirituel de Demon's souls, Dark Souls a beaucoup fait parler de lui l'année dernière à cause de sa difficulté, soi disant très relevée. Couvert d'éloges et de critiques dithyrambiques sur console, le jeu est enfin sorti sur PC il y a quelques semaines, pour le plus grand plaisir des joueurs. Bon, sachant le passif de From Software sur PC, il y avait quand même de quoi flipper sévère. Alors, portage de chiotte d'un jeu bien trop surestimé, ou portage de chiotte d'un excellent jeu ? Voyons ça.
Si il y a bien un point qui ne fera pas débat, c'est malheureusement la qualité du portage. Le jeu étant déjà une catastrophe technique sur console (framerate très inconstant, ralentissements inexpliqués, textures crades, flou omniprésent, etc ...), beaucoup espéraient une version PC revue et corrigée. Déjà ça partait très mal avec l'intégration de cette saloperie de GFWL ... et pourtant j'ai envie de dire que le contrat est rempli en partie. Attention, le portage en lui même est bien pourri, digne d'un Capcom d'il y a quelques années. Outre le lock à 30 fps (qui en soit ne gêne pas trop, au moins c'est constant), il y a un surtout un lock de la résolution interne qui rend le jeu extrêmement flou et les textures baveuses. En l'état, c'est difficilement jouable, surtout dans les grosses résolutions que permet le jeu PC. Mais c'était sans compter le talent d'un amateur, qui a fait le boulot des développeurs en quelques heures, pour proposer un fix quasi miraculeux le jour même de sa sortie. Le lock de la réso interne envolé, le pointeur de la souris disparu, le jeu retrouve la tronche qu'il aurait dû avoir à la base.
Force est de constater qu'après avoir mis ses mains dans le cambouis, le jeu est beau. Oui j'ose le dire, le jeu est beau. Malgré quelques textures en forme d'hommage à la PS2, Dark Souls propose des panoramas parfois magnifiques, des textures dans l'ensemble plutôt fines (en particulier les personnages et les armures) et un framerate pas top mais qui a le mérite d'être stable. Tout cela grâce à ce fameux fix, sans lequel je n'aurais jamais acheté le jeu, au risque de devenir aveugle.
Mais la beauté de Dark Souls ne provient pas vraiment de sa technique, clairement dépassée et relatif point noir du jeu. Non, ce qui fait que Dark Souls est magnifique, c'est sa direction artistique. Pour un jeu japonais j'avoue avoir été sur le cul plus d'une fois. Les différents environnements sont d'une cohérence folle, d'une variété et d'un niveau de détails rarement atteint. On sent les limitations hardware à plusieurs endroits, mais l'effort est là et le jeu offre à bien des moments des panoramas digne d'une carte postale. On est souvent dans le classique, mais dans le classique bien exploité. Tout y passe, des catacombes pleines de squelettes et de nécromanciens, en passant par une ville mort vivante délabrée ou une somptueuse cité perchée, à l'inspiration clairement elfique.
Ce qui étonne surtout, au delà de la réussite visuelle et artistique des environnements proposés, c'est leurs variétés. J'ai rarement eu autant l'impression de voyager que dans Dark Souls. Il y a peu de redite, chaque univers étant bien spécifiques, la plupart ancrés autour d'un thème et d'un boss. Et tout cela sans chargement ou presque s'il vous plaît.
Visuellement impressionnant, le jeu l'est aussi par son level design, un modèle du genre. Tout en verticalité, le joueur peut fréquemment voir l'endroit qu'il atteindra quelques heures plus tard, le boss au loin n'attendant que d'être battu. Les maps regorgent de secrets, d'environnements optionnels (et pourtant long de plusieurs heures), de passages secrets, de raccourcis et de murs invisibles. Bref, c'est le paradis de l'explorateur et on pourrait presque parler là de Metroidvania 3D. Les niveaux brillent par une progression maîtrisée relativement linéaire sans que ce soit trop voyant. Il n'est pas rare en effet de revenir à tel ou tel endroit après avoir débloqué un raccourci auparavant inaccessible, comme une échelle à faire descendre ou une porte à déverrouiller de l'autre côté.
Ce côté open world se retrouve dans l'ensemble du jeu. Après une courte intro, la première partie du jeu est centrée autour d'un point précis de la map, sorte de sanctuaire où le joueur peut souffler, et où certains PNJ vendeurs apparaissent au fur et à mesure de l'aventure. Une fois atteint, ce point sert de hub, et il est possible d'aller un peu partout. La seule limite, et elle est de taille, est la puissance des ennemis. Cette progression par l'échec se retrouve tout au long du jeu, du moins dans cette fameuse première partie. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, le joueur accède à de nouvelles zones, certaines étant volontairement trop difficiles, ce qui l'incite à y revenir après avoir pris du galon. C'est donc à lui de trouver quelles zones sont adaptées à son niveau, même si un joueur expérimenté peut tout à fait finir le jeu en restant au niveau 1, moyennant un peu de skill.
Quand on parle de jeu japonais, j'ai toujours une crainte personnellement, c'est le design des personnages. Mais comme la direction artistique, j'ai été impressionné par la cohérence et la beauté de l'ensemble. Evidemment, les devs n'ont pas pu s’empêcher de pondre quelques pnj ridicules, quelques monstres au design douteux, ou quelques armures horriblement moches, mais dans l'ensemble, c'est réussi. Les monstres en particulier bénéficient d'un grand soin. A l'image de la pléthore d'environnements que le joueur sera amené à traverser, le bestiaire est plus que varié : squelettes, hydres, insectes géants, monstres en tout genre, hommes champignons, et plus encore. Une belle galerie de saloperie qu'il faudra exterminer ... il n'y a pas cette touche too much présente dans quantité de J-RPG, mais au contraire une certaine sobriété et une classitude qui fait plaisir à voir. Même les boss, souvent démesurés, sont réussis visuellement.
Ce qui ressort après avoir joué à Dark Souls, c'est vraiment cette diversité dans le contenu, dans les maps traversées, dans les monstres affrontés, et une impression d'orgie de contenu, impression grandement renforcée par le côté exploration omniprésent et le nombre impressionnant de secrets à découvrir, souvent très bien planqués.
Qui dit monstre, dit aussi combat, et j'aborde ici le point où Dark Souls a le plus fait parler de lui, sa difficulté. Au début, j'avais un peu peur que cette difficulté soit totalement artificielle, crée par des problèmes de gameplay et de framerate, ou bien que ce soit la conséquence direct de la nullité légendaire des consoleux. Et j'aimerai dire que j'avais tort, vraiment, mais je n'avais tort qu'en partie.
Le jeu n'est pas vraiment difficile, il est surtout exigeant. Au contraire de la plupart des jeux actuels, chaque rencontre présente un challenge et exige patience et précision. Pourquoi ? Parce que chaque monstre croisé, surtout au début, est capable de nous tuer en quelques mandales bien placées, et qu'il est donc impératif de surveiller sa garde, connaitre ses différentes attaques, et faire attention à ce qu'il se passe tout autour de soi. A contre courant des prods actuelles, l'accent est mis sur la prudence et la réflexion (enfin si on veut). Au lieu de foncer dans le tas, il faudra dans Dark Souls faire preuve de patience et surtout connaitre ses ennemis. C'est peut être ça qui a surpris, et qui a donné l'illusion de la difficulté. Autrement, on est plus dans le die and retry pur et dur. Une fois les différentes attaques des ennemis connus, la plupart peuvent être vaincus facilement.
Je ne dis pas que le jeu est facile, loin de là, mais il n'y a rien d'insurmontable pour peu qu'on sache décrypter le moveset de nos adversaires. Certains ennemis (en particulier les boss) sont de toute façon très puissants et/ou blindés de pv, et même avec une connaissance parfaite de leurs attaques, présentent une certaine difficulté. Là il n'y a pas de secret, il faudra recommencer jusqu'à réussir, ou pour les plus faibles invoquer le fantôme d'un PNJ ou d'un joueur en renfort. Le gameplay quant à lui est parfait et n'appelle pas de critique particulière. Je reprocherai quand même un lock avec une portée trop faible, voir une caméra un peu pourri par moment, mais sinon c'est du tout bon. Ah, et n'essayer pas de jouer au clavier c'est pas la peine. Portage de chiotte oblige il faudra se contenter d'un pad. C'est aussi le genre qui veut ça ... même avec un mapping convenable je suis persuadé que le jeu aurait de toute façon été bien plus agréable avec un pad.
Avant de conclure j'aimerai aborder le côté online du jeu, qui parait un peu gadget a priori mais qui ne l'est en fait pas du tout. Au cours du jeu, vous verrez sans doute des marques oranges à terre. Ce sont des messages laissés par les autres joueurs. De vrais joueurs comme vous et moi, qui sont en train d'en chier, et qui ont voulu indiquer aux autres un passage secret, la faiblesse du boss, laisser un indice ou encore faire la pute (oui parce que des messages "Essayez saut" vous allez en bouffer sur toutes les corniches). Vous allez aussi croiser des ombres parcourant le monde, des fantômes d'autres joueurs aux différents feux (les checkpoints/saferoom du jeu), ou encore des tâches de sang qui vous permettront de revivre les derniers instants d'un joueur tombé au champ d'honneur. Par ces petites touches discrètes, le jeu prend un aspect communautaire qui apporte beaucoup, à mon sens du moins. L'impression de solitude est très forte dans Dark Souls (et c'est un de ses points forts), et associée à la difficulté du jeu (ou à son exigence, comme je l'ai dit plus haut), il y a de quoi déprimer. Mais avec ces messages ou ces petits indices visuelles, on sait qu'on est pas totalement seul, qu'il y a des milliers de joueurs quelque part qui sont en train d'en chier autant que nous, et qu'on finira bien par y arriver. Et quand on finit par défoncer ce satané boss qui nous retient depuis 1h, quel bonheur de placer un petit "J'ai réussi !" par terre. Oui ok, ça ne sert pas à grand chose, mais cet aspect communautaire apporte un peu plus à une ambiance déjà incroyablement réussi.
Voilà, je voulais parler de pleins de choses encore, comme la diversité des loots, les différentes possibilités offertes par les serments ou le PVP (et la coop), les interactions avec les pnj, la progression et le passage de niveau (et donc les builds et les différentes façon d'aborder le jeu), le farm, l'upgrade des armes et des armures selon différentes voies notamment, mais je me rend compte que cette critique est déjà trop longue et que personne ne la lira. Pourtant cette critique est aussi à l'image de Dark Souls : les possibilités sont si nombreuses, le contenu si imposant, que je ne peux pas tout aborder. En 80h je n'ai même pas encore fini le jeu, je dois en être au dernier quart. Je passe mon temps à traîner, à explorer et à aider d'autres joueurs, mais même en traçant le jeu est très long et très consistant.
Je vais quand même être honnête, le jeu n'est pas sans défaut. Bon il l'est presque en fait, même si ce sont de petits défauts qui n'entachent à mon avis en rien les nombreuses qualités du jeu. Passons sur les défauts inhérents à un portage console (utilisation obligatoire du pad, interface pas très discrètes, inventaire pas top par exemple). Tout d'abord, le jeu est tout simplement dépourvu de scénario. Les ennemis sont aussi dépourvu d'IA. Non je blague, mais disons qu'ils ont tendance à tomber dans le vide facilement. Il y a aussi GFWL qui casse les couilles, le système de serveur merdique qui empêche de retrouver un pote pour la coop, quelques ratés sur les animations et un manque d'explications sur tout un tas de choses (notamment certaines stats bien obscures ... mais heureusement il existe un wiki très complet). Plus gênant, la première partie est plus réussi que la deuxième. Sans rien spoiler, la première partie emprunte un cheminement tout à fait logique, cohérent et bien ficelé. Les environnements s’enchaînent avec fluidité. La seconde est plus haché, peut être moins travaillé. Certains ne le remarqueront même pas, et la qualité du jeu ne s'en trouve pas affecté, mais j'ai trouvé ça un peu dommage.
Au final, Dark Souls est un excellent jeu. Loin de mes craintes originelles, le jeu est beau, et même parfois impressionnant, grâce notamment à une identité visuelle très réussi aux accents baroques typique de la dark fantasy. La difficulté est également bien présente, même si on est loin de l'insurmontable. Pourtant ce n'est pas ce point purement marketing que je retiendrai, mais ce qu'il y a tout autour. Dark Souls est un grand A-RPG à l'occidental, qui mise beaucoup sur l'exploration, des combats exigeants et une évolution de son personnage gratifiante, et malgré le portage en demi teinte, je ne peux que remercier From Software d'avoir gratifié le PC d'un jeu aussi réussi.