Depuis sa sortie en accès anticipé en 2014, j'avais les yeux sur Darkwood et attendais patiemment la fin de son développement avant de pouvoir m'y atteler.
Quatre années plus tard, en août 2017, j'ai finalement acheté le jeu à sa sortie officielle et me suis retrouvé totalement conquis par un prologue magistral qui m'a fait entré directement dans l'ambiance si particulière du jeu. Malheureusement, les remous de la vie m'ont obligé à mettre le jeu de côté et ce n'est qu'un an plus tard que je trouve l'occasion de me remettre dessus et enfin atteindre la fin...
Le jeu peut se définir comme un subtil mélange de survival-horror et de survie open-world, avec quelques éléments de RPG et de Rogue-like. Ce mélange peut paraître assez surprenant, mais il fonctionne à merveille et offre un gameplay très riche en possibilités. Avec sa caméra située en hauteur et ses décors en 2D, Darkwood a un charme très old-school qui se retrouve également dans la prise en main du personnage qui demande un petit temps d'adaptation, surtout pour les combats ... Imaginez une sorte de Hotline Miami, mais beaucoup plus lent.
Découpé en deux phases distinctes, le jeu alterne un cycle jour/nuit qui met le joueur dans un stress permanent. En effet, durant la journée vous êtres libre d'explorer les environs comme bon vous semble, mais il est nécessaire de ramasser les ressources nécessaires qui vous permettront de tenir face aux dangers qui s'annoncent. Lorsque le soleil se couche sur les bois lugubres, il faut rapidement regagner la relative sécurité de votre abris de fortune sous peine de connaitre un destin funeste. Nul repos pour votre personnage, car c'est dans le noir le plus total que vous allez devoir tenir toute la nuit durant face à des monstres qui ne cherchent qu'à se repaître de votre carcasse...
Si vous réussissez à survivre jusqu'au petit matin, vous pourrez enfin profiter d'un moment de répit appelé le "time freeze" où il vous sera possible d'échanger quelques objets avec un PNJ et de préparer votre abris en prévision de la nuit suivante.
Et ainsi de suite ...
À cela, vient s'ajouter la quête principale, et d'autres objectifs secondaires qui s'obtiendront en rencontrant divers personnages. Vous êtes d'ailleurs libre de vos choix et il existe de nombreux moyens d'atteindre la fin, suivant les décisions que vous prendrez au long du jeu.
Gérer son temps et ses ressources est donc un élément essentiel de la progression dans les trois parties distinctes des bois qui constituent la zone jouable du premier chapitre. Sous peine de perdre un temps précieux, cette situation oblige le joueur à toujours rester en alerte face aux dangers qui le menace dans les ténèbres de la forêt ...
La peur s'instille donc progressivement dans l'esprit du joueur, renforcé par un environnement malsain, remplis de phénomènes qui dépassent la compréhension des habitants de la forêt, comme celle du joueur. Le visuel dérangé est porté par des graphismes simples et efficaces qui, couplés à un environnement sonore proche de la perfection ajoutent une part importante dans l'immersion du joueur et au processus horrifique.
Darkwood est la preuve que pour effrayé le joueur, nul besoin d'avoir recourt à une avalanche de gore ou autres "jumpscares" putassiers ...
On retrouve donc parfois ce sentiment de malaise subtil qui s'installe sur la durée, propre aux bons survival-horror, Silent Hill en tête. Nul doute que le choix d'avoir une visibilité réduite sous forme de cône, un nombre de ressources limités, et la difficulté des combats, forment un tout qui influent sur l'état d'esprit du joueur, en lui rappelant constamment son extrême fragilité face aux monstruosité qui peuplent la forêt.
Une chose qu'il est important de noté, c'est la volonté des développeurs de livrer le joueur à lui-même dans un univers qu'il ne comprend pas. Dans Darkwood, la moindre erreur ne pardonne pas, et c'est par l'échec que vous apprendrez.
Mourir à plusieurs reprises lors de votre première partie est tout à fait normal, voir même recommandé pour comprendre comment faire face efficacement. Ce type d'apprentissage à l'aveugle, qui nous ramène deux décennies en arrière, ou plus récemment à des titres comme Dark Souls, peut être parfois assez décourageant quand il vient accompagné d'une difficulté sans cesse croissante.
Frustration, incompréhension, les raisons peuvent être nombreuses de lâcher l'affaire tout en maudissant le nom d'Acid Wizard Studio... J'ai également du faire face à cette réaction de rejet vers la fin du chapitre 1, pensant ne jamais réussir à maîtriser les subtilités du jeu.
Mais finalement, ce qui m'aura permit de tenir face à mes nombreux échecs - la troisième zone du chapitre 1 à un gap de difficulté assez conséquent - c'est cette univers riche et intriguant dans lequel le joueur est plongé : plus j'avançais, plus je voulais connaitre la suite de l'histoire.
En effet, Darkwood possède un monde à part, à la fois sombre et intriguant. Presque hypnotisant.
Oscillant entre le post-apocalyptique et l'horreur pur, il puise énormément dans les légendes d'Europe de l'est pour construire sa propre mythologie.
Les inspirations à d'autres oeuvres sont nombreuses, les développeurs ayant cité Stalker Pique-nique au bord du chemin, roman des Strougatski, comme une de leur référence principale. Le jeu partage donc quelques similitudes de base avec le splendide fps ukrainien STALKER : Shadow of Chernobyl, qui s'inspire également du roman des frères russes.
Selon moi, l'un des plus gros point forts de ce titre c'est de ne jamais donner aucune réponse toute faite aux nombreuses questions que vous vous poserez en jouant.
Les réponses sont bien là, mais elles sont habilement disséminés dans les paroles d'un PNJ, un élément de décor, ou encore avec un objet ramassable qui doit être remis dans son contexte...
Faisant office de puzzle gigantesque, l'univers de Darkwood ne se livrera qu'à ceux qui veulent bien se donner la peine d'explorer, observer et réfléchir. Faire le lien est parfois difficile et il est plutôt conseillé de se concentrer sur la maîtrise du gameplay lors de votre première partie.
Une fois le jeu terminé, la fin vous donnera un contexte qui vous permettra de mieux comprendre cet univers si intriguant lors de votre deuxième partie.
D'ailleurs, l'épilogue est mémorable, et la manière d'atteindre la "vraie fin" est d'une rare subtilité dans l'univers du jeu-vidéo...
En conclusion, Darkwood aura été pour moi une grande expérience vidéo-ludique.
Grand amateur de survival-horror et de jeux aux univers dérangés, j'ai eu des sensations que je n'avais pas connu depuis longtemps sur des titres récents.
Vers la fin du jeu, ayant enfin réussis à maîtriser les ressorts du gameplay malgré les nombreuses difficultés auxquels j'ai du faire face, j'ai connu un sentiment de fierté qui m'a rappelé mes première expériences de gaming, lorsque qu'encore enfant je me confrontais aux Resident Evil ou autres Silent Hill.
Cette fierté, c'est celle d'avoir su faire face à un jeu qui ne tente pas de prendre le joueur par la main, celle d'avoir réussi à déduire quelques morceaux de vérité d'un monde qui ne livre pas ses secrets si facilement...
Encore une fois, Darkwood prouve que la scène indépendante, qui porte en elle l'héritage des jeux rétro, permet d'explorer des horizons vers lesquels les "triples A" ne daignent guère plus s'aventurer.
Et dans le domaine du jeu d'horreur, croyez-moi, ça fait un bien fou !