La première fois que j'ai fait l'effort de m'intéresser à DayZ, sur youtube, en 2013, j'ai vu des mecs qui marchaient dans des bois vides, traversaient une ville vide, puis qui fouillaient un gigantesque hangar vide avec un bonnet ridicule posé au milieu. Je ne comprenais pas du tout l'intérêt de ce jeu moche.
Puis il y a quelques mois, un ami m'a tanné pour tester, et là, vraiment, j'ai détesté. Profondément. Je savais que c'était une alpha, mais c'était vraiment codé avec le cul. Les hitboxes des zombies à deux mètres de leurs corps en mouvement, les bâtiments copiés-collés, la map vide. Une demi-heure de jeu m'avait alors suffi à le cataloguer comme "jeu pas fini pour pigeons".
Pourtant, cet ami m'a obligé à y rejouer, et finalement, j'ai vu la lumière, j'ai été initié. Une fois les bugs identifiés et apprivoisés, une fois le système d'inventaire et d'actions maîtrisé, DayZ est devenu l'une de mes expériences multijoueurs les plus mémorables et intenses.
DES COMBATS LÉGEREMENT AXÉS SIMULATION
Tout l'intérêt du jeu réside dans le PVP. Non pas que les combats en eux-même soient très originaux. Le gameplay des fusillades rappelle un peu des jeux comme Red Orchestra, où les soldats ont une grande inertie. Il y a quelques aspects simulation, il faut régler la distance sur son viseur, gérer sa respiration, utiliser des bipieds...
C'est globalement sympa, d'autant plus que dans cet open world immense, il suffit d'une petite équipe d'amis (même un seul) pour monter des opérations très intéressantes d'un point de vue stratégique. L'un reste en arrière avec son sniper, l'autre contourne sur les flancs avec sa kalashnikov, et... que fait le troisième ? IL FONCE DROIT SUR L'ENNEMI AVEC SON RIDICULE MAKAROV ! MAIS ARRÊTE ! MAIS ! MAIS ! Bon, OK, toute la base est nettoyée. Bravo chef.
QUITTE OU DOUBLE ?
C'est un détail, pas directement lié à la maniabilité mais essentiel, qui rend les combats véritablement exceptionnels. Un détail qui fait qu'un seul kill en vaut mille dans un Battlefield ou un Call of Duty.
Ce jeu arrive enfin à faire perdre à l'avatar son statut de chair à canon.
Non pas que notre perso ait la moindre histoire. Pas d'enfant ni de femme à rejoindre dans sa grande maison, au milieu de ses champs de maïs du Kentucky. Simplement, c'est un peu comme au poker : on mise parfois très gros. En deux séances, trois séances, quatre séances de jeu sans mourir, à looter la map en long (12 km) et en large (13km), à trouver du matériel et des armes rares (ce qui implique souvent de grosses prises de risque et de temps), la tension croit, petit à petit, jusqu'à devenir insoutenable.
On perd vite notre politesse du départ pour avoir peur de tout ce qui bouge, comme un militaire américain en Afghanistan. À l'idée de la mort, on pense à la semaine supplémentaire qu'il va falloir passer à looter et à farmer, de serveur en serveur, à tous nos efforts anéantis, aux armes qu'on n'a même pas eu le temps de tester. Chaque pas doit être mûrement réfléchi, chaque visite de ville ou de zone à gros loot doit être soigneusement planifiée. On ne reste jamais à découvert. On fait des détours invraisemblables pour être sûr de ne pas être vu. La paranoïa peut aller loin (et des centaines de joueurs sadiques se font un plaisir de l'entretenir).
Peut-être que tout le monde n'a pas mon manque de distance, mon immaturité, mais de mémoire de gamer, c'est le seul jeu où un combat m'a donné une vraie montée d'adrénaline comparable à celle d'un saut à l'élastique. Les mains moites, le coeur qui s'emballe, le corps qui tremble, des doigts qui se crispent.
CHAQUE PETIT COMBAT EST UNE GRANDE AVENTURE
Ce soir, j'étais à Berezino, avec un stuff monstrueux, une kalashnikov à chargeur tambour (rare). Une cible de choix, face à des gens qui n'ont rien à perdre, et qui peuvent arriver de n'importe où. On était quatre amis de circonstance. Et puis l'un d'entre eux s'est déconnecté, et les deux autres ont subitement été pris dans une fusillade.
Moi je suis alors à quelques mètres, caché lâchement derrière un muret, je me retrouve seul et encerclé. Je tire vaguement sur une silhouette à une trentaine de mètres, puis je me réfugie au rez-de-chaussée d'un immeuble. Une cuisine donnant sur la rue.
Je suis piégé. Les assaillants peuvent venir de deux côtés impossibles à couvrir en même temps. Je les entends manœuvrer, échafauder un plan en anglais. Probablement pour me prendre en tenaille. Puis j'entends des pas, ils viennent de la gauche. Le temps est long, très long, interminable. Mon index tremble au dessus du bouton gauche de la souris.
Quand un homme apparaît dans le cadre de la porte, je serre les dents et ma mitrailleuse se met à hurler. Je suis touché ? Il est touché ? Tout est confus. Et puis le calme revient. Son avatar se met à genoux et tombe. Raide mort.
Là, j'ai couru, foncé dans le couloir, rasé les murs, slalomé entre les maisons soviétiques. J'ai couru dans les champs, couru vers la liberté, en riant nerveusement. Un relâchement nerveux que je n'ai connu qu'après les moments les plus stressants de ma vie. Et c'est là que j'ai compris que malgré tous ces défauts horribles, tous ces bugs inadmissibles, j'étais devant un grand jeu. La seule fois où je m'étais senti comme ça derrière un PC, c'est en attendant les résultats du bac et de mes concours. Extraordinaire.