Up in the space where the dead men go
Quand j'étais petit, je voulais être astronaute. Je rêvais de sortir dans l'espace, sans gravité, et commencer à réparer des trucs très précis, avec pour seul regard celui de l'infini, par-dessus l'épaule. Et la Terre, sous moi, qui s'étendait, dans toute son humilité. Le silence, l'absence de toute vie humaine, l'écran noir qui me faisait face, en reflet obscur des origines de l'existence. Il y avait quelque chose d'onirique dans la façon dont je m'imaginais le ballet spatial. Quelque chose que j'ai finalement retrouvé dans 2001, l'Odyssée de l'espace. Mais déjà, cela me fascinait moins : Alien était passé par là. Il fallait se rendre à l'évidence : l'espace, c'est pas un endroit cool pour l'être humain. Déjà, on voit finalement rarement les splendeurs de l'immensité sans limites... souvent, c'est du couloir étroit et humide qui occupe les journées. Et le pire, ça reste quand même la compagnie, tout en dent, mauvaise humeur et appétit vorace. C'est pourtant bien là qu'on va traîner ses guêtres, dans Dead Space ! Mais bon, voyager dans le vide, retrouver ses petits rêves d'enfant tout en galopant dans des coursives enténébrées, ça ne fait pas forcément un jeu. Est-ce que Dead Space s'en sort ?
Quand chaque nouveau jeu qui tombe n'est que la pâle copie de son prédécesseur, il faut avouer qu'un brin de nouveauté est le bienvenu. Force est de constater qu'à la sortie de Dead Space, les survival-horrors connaissaient un déclin douloureux. Ah, douloureux, je peux le dire, avant de me lancer dans Dead Space, j'ai bouclé Resident Evil 5, dans la souffrance (et les éclats de rire, parce qu'oser pondre un scénario pareil, ça tient du délire !).
Dead Space marque le retour à une SF qu'on aime. Savant mélange d'un vaisseau aux dimensions de Nostromo, avec des créatures qui rappellent sans honte The Thing, l'ambiance de Dead Space hérite des meilleurs parents. La direction artistique, comme dit précédemment, est vraiment bonne : Isaac jouit d'armure complètement étrange, les créatures sont plutôt dégoutantes dans le bon sens du terme. Un petit regret pour les pnjs (certes rares), mais qui ne semblent pas avoir retenu autant d'attention : donc, un ingénieur, ça a des armures qui déchirent, mais les laborantins, on s'en fout ! Ils ont retenu l'exemple du Professeur Freeman : refilez une combinaison prototypale à un scientifique et il détruit le monde ! Les décors sont à la hauteur : ils suintent quelque chose qui met mal à l'aise, rappelle que ce vaisseau est un vaste dédale inhumain, une machine titanesque dont l'on foule les entrailles. Par ailleurs, ce n'est pas plus mal : le jeu utilise quand même une quantité astronomique de couloirs pour élaborer son level design, qui ne montre sa subtilité que dans les phases de g-zéro.
Le scénario s'arrête, quant à lui, assez rapidement sur un monolithe qui provoque des monstres et un délire tout à fait christique, qu'on nomme ici « unitologie », qui alourdit complètement l'histoire jusqu'aux derniers chapitres où cela devient intéressant, un peu plus. Étrange, quand même, ces démences religieuses... Cela résonne à mes oreilles comme un raccourci du scénario, mais je n'en dirais rien !
Au final, pourquoi je traîne la patte pour dire que j'apprécie alors que j'ai dressé une liste plutôt bonne des qualités de Dead Space ? Dans un univers où tous les jeux seraient le fruit d'un développement propice aux réflexions, à l'intelligence et au désir de créer quelque chose d'unique, je dirai que Dead Space serait tout juste dans la moyenne. Malheureusement, ce monde-là n'existe pas, tout le monde turbine pour copier Call of Duty et chaque année, on a droit à l'itération nouvelle des aventures d'un héros déjà très occupé. Cela m'énerve de me dire qu'avec le potentiel en gestation ici, on aurait pu avoir un jeu bien meilleur encore, moins répétitif, plus flippant, mieux maîtrisé dans sa narration et qu'au lieu de cela, on se contente d'un produit de très bonne facture, mais auquel il manque le petit grain de folie qui fait d'un objet bien ouvragé une œuvre d'art. Mais si l'on ne commence pas à féliciter les créateurs qui vont dans ce sens, même timidement, nous n'avancerons pas...