[Critique qui contient des spoilers (très softs)]
Chère Esther,
Je ne te connais pas, et ne te connaîtrai jamais. Je ne sais pas qui tu es, d'où tu viens, où tu as vécu, ni ce que tu fais.
Je parcours une Ile inhabitée, britannique semble-t-il, et j'en explore les paysages magnifiques, guidé par la seule lueur rouge d'une station radio abandonnée, au loin, et qui clignote au rythme doucereux des vagues qui s'abîment sur les rochers en contrebas.
J'entends une voix triste, désabusée. Je ne sais pas qui parle, mais je sais qu'il s'agit d'une personne proche de toi. Des noms reviennent: Jakobson. Donnelly. Paul. Qui sont-ils ? Qu'ont-ils à voir avec moi ? A mesure que ma quête progresse, les questions se multiplient et les réponses s'amenuisent. Comme toi, elles m'apparaissent floues, disséminées dans les peintures que j'aperçois et dans les mots que j'entends, seule compagnie tangible sur une île envoutante mais déserte.
Le décors parfois fantomatique me laisse penser que ce qui m'entoure n'est pas entièrement réel: quelle beauté époustouflante... Au gré de mon errance, j'aperçois des peintures murales, symboles de chimie et phrases pieuses. J'aperçois aussi des pneus de voiture, des ruines de bâtiments et de navires, ainsi que quelques silhouettes immobiles... Elles semblent m'observer. L'indolence initiale laisse place à une curiosité grandissante que je n'arrive pas à purger, faute d'éléments nécessaires...
Je devine une histoire. Non, je ressens une histoire. Comment pourrait-il en être autrement, quand tout ce qui m'entoure me perturbe tant dans mes perceptions ? Invité d'un corps qui ne m'appartient pas et d'un esprit qui me sert de fenêtre sur un autre monde, j'essaye de comprendre, sans succès. Et pourtant, la tristesse me gagne lentement sans que je ne parvienne à me l'expliquer. Qui es-tu, Esther ?
Ma quête touche à sa fin et tu ne te dévoiles pas. Je comprends ce qu'il s'est passé et je sais enfin quelque chose de toi, peut être d'importance, certainement d'ailleurs pour celui qui me prête ses yeux, mais qui ne me permet pas d'appréhender le reste.
Doucement, lentement, j'émerge de ce monde féérique où je me suis envolé le temps d'un songe, et j'atterris dans ma réalité, celle que je saisis et que je connais.
De cette aventure, tout ce que tu me laisses est un ressenti.
Et je t'en remercie.