Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer

Ma critique arrive une dizaine d'années après la sortie de cette petite merveille, mais j'y ai rejoué récemment et je me suis dit que je devais écrire quelque chose sur l'une des deux seules œuvres notées 10/10 dans ma collection.
Dès sa sortie, Deus Ex est devenue la référence en matière de FPS/RPG (je préfère parler de jeu de rôle en vue subjective, mais je ne m'éterniserai pas là-dessus). Aujourd'hui, dix ans plus tard, je dois dire qu'il s'est plutôt bien conservé.

L'histoire du jeu se déroule dans un futur proche. Vous incarnez un agent de l'UNATCO, la cellule antiterrorisme de l'ONU, répondant au nom de code de JC Denton. Vous êtes doté d'améliorations nanotechnologiques dernier cri, et votre job va consister à enrayer les opérations de différents groupes extrémistes/révolutionnaires (gardez le mot qui vous semble le plus pertinent)... dans un premier temps seulement, car vous vous apercevrez bien vite que la réalité est loin d'être simple.
Je m'efforce de ne pas trop en dire. Sachez simplement que vous découvrirez de nombreux complots mis en exergue par un scénario impeccablement tissé, profond et riche, aussi bien en références contemporaines (lieux, agences, personnalités...) que religieuses (le Christ) et aussi bien en réflexions théologiques (désir de l'Homme d'être approuvé, jugé, observé...) que sociales (les dangers de la dématérialisation, du « cloud computing », des groupements ploutocrates...).

Fort d'une ambiance remarquablement immersive et d'une intrigue se déroulant dans un type d'univers peu exploité, le cyberpunk, et laissant sur le carreau la majeure partie des FPS scénarisés, de l'époque comme d'aujourd'hui, Deus Ex présente également la particularité d'avoir été l'un des premiers jeux vidéo à véritablement donner au joueur la possibilité d'appréhender un problème avec de multiples solutions, et de donner à ses choix un véritable impact sur le déroulement des événements. Le système de dialogue, selon les critères d'un rôliste pur et dur, est minimaliste mais suffisant.

Si la liberté de mouvement et d'action conférée au joueur reste cantonnée aux limites du scénario, le joueur a souvent la capacité d'explorer des zones subsidiaires et d'emprunter deux à quatre chemins possibles pour arriver à un objectif, chemins qui sont plutôt construits sous la forme d'un vaste réseau plutôt que de simples couloirs reliant une salle A à une salle B.
Par exemple, pour pénétrer dans une base militaire, vous avez le choix entre vous déplacer dans les égouts, ramper dans les circuits de ventilation, ou déambuler dans les couloirs : les égouts et le réseau de ventilation couvrent toute la base, et vous pouvez adapter votre plan comme vous le souhaitez.

L'évolution du personnage repose en partie sur un système de points d'expérience qui servent à améliorer les compétences de votre avatar, comme le maniement des fusils ou l'expertise en intrusion informatique.
Les concepteurs ont d'ailleurs eu la décence de ne pas récompenser le joueur à la moindre mort d'un ennemi, et ils ont tout fait pour ne pas favoriser les armes létales au détriment des autres.
JC Denton pourra modifier ses armes et sera également épaulé par ses « augmentations » nanotechnologiques. Chacun des quelques modules que vous trouverez au cours de vos missions vous donnera accès à deux « pouvoirs » que vous pourrez installer. Vous aurez donc à choisir entre l'un de ces pouvoirs, comme sauter plus haut ou courir sans faire de bruit, résister aux radiations ou respirer sous l'eau plus longtemps, bénéficier d'un œil à visée télescopique ou voir à travers les murs...
L'une des augmentations dont vous disposez dès le début de la partie est « l'infolink », une technologie vous permettant d'entendre un opérateur de l'UNATCO vous donner des indications alors que vous êtes sur le terrain. Un excellent élément d'immersion, d'autant plus que d'autres personnes seront amenées à vous contacter, voire à discuter entre eux par l'intermédiaire de vos axones.

La jouabilité du jeu est toujours aussi excellente. L'interface est un bel exemple de ce que peut être une interface parfaitement adaptée au PC : propre, claire, un raccourci clavier sur chaque bouton, avec la possibilité de changer l'échelle de l'interface...
Ne vous laissez pas tromper par la caméra en vue subjective en essayant de jouer à Deus Ex comme à n'importe quel FPS pan pan ; vous passeriez alors à côté de l'intérêt du jeu qui réside davantage dans l'infiltration que dans la distribution de roquettes. D'ailleurs, à propos de FPS, on remarquera la possibilité de se pencher sur le côté, le lean, élément en voie de disparition...

Un autre élément caractéristique du jeu est la grande panoplie d'interactions qu'il propose, qu'il s'agisse d'actions à priori inutiles (comme ouvrir un robinet, déplacer un pot de fleurs, lire les dernières infos sur un terminal public...) ou qu'il s'agisse d'actions produisant des résultats un peu plus concrets (comme « pirater » un distributeur bancaire, s'introduire dans un terminal pour désactiver les caméras et corrompre les tourelles automatiques, ou même lire la correspondance privée de vos supérieurs, alliés, ennemis...).
D'ailleurs, en parlant d'intrusion informatique, figurez-vous qu'il vous suffit d'un raccourci clavier ; oui, pas de rongeur à conduire au travers d'un labyrinthe ou d'actions stupides à réaliser en explosant le bouton gauche de votre souris. Voilà ! Un raccourci, et c'est marre ! Les mini-jeux, c'est-de-la-merde !

Revenons sur un ton un peu plus mature en abordant un des aspects du jeu qui risque d'en fâcher plus d'un : les graphismes. Personnellement, je trouve que le jeu d'ombres et de lumière était plutôt bien fait pour l'époque et que la direction artistique est au rendez-vous. Les personnages ont la classe, les robots l'ont encore plus, les mensurations féminines sont pour le moins canoniques, et leur visage un peu carré est même animé d'une synchronisation labiale. Toutefois, il faut bien reconnaître que certaines textures sont très floues et que les proportions du décor risquent d'être parfois propices à quelques railleries de la part de votre petit frère, celui qui a 14 ans et qui ne jure que par le HDR et le bloom. Mais, s'il vous plaît, ne jugez pas Deus Ex sur ce petit détail de rien du tout.

Néanmoins, quelqu'un de courageux a programmé un renderer Direct3D 10 qui permet de réduire les anomalies d'affichage et de profiter de toutes les résolutions d'écran actuelles, possibles et imaginables, et ceci, en copiant simplement quelques fichiers dans un des dossiers du jeu. On saluera le travail du bonhomme, ainsi que la modularité et la compatibilité descendante du moteur de jeu. Je connais un certain nombre de logiciels sortis durant la même période et qui ont maintenant de sérieux problèmes pour fonctionner sur les systèmes les plus récents. Le seul point noir de ce petit correctif, c'est qu'il semble « désynchroniser » le jeu : les répliques des personnages sont coupées et on a un peu l'impression de contrôler un sprinter traînant une patte folle.

Enfin, je n'aborderais pas le mode multijoueur du jeu qui me semble plus qu'anecdotique. Je doute qu'il y ait encore grand monde en ligne, mais qui sait ?
La campagne solo, quant à elle, est assez conséquente. Ma dernière partie aura duré environ vingt heures, mais je suis du genre à fouiller partout pour rafler le moindre truc.
Une adaptation a également vu le jour sur PlayStation 2. Pour résumer, la plupart des graphismes ont été refaits, la conception de certains niveaux a été améliorée (Castle Clinton, par exemple), mais je trouve qu'elle ne vaut pas le coup de se taper les multiples écrans de chargement que les développeurs ont dû implémenter pour que le jeu puisse tourner convenablement... en plus de devoir jouer avec un pad... brr, j'en frissonne !

Deus Ex n'est peut être pas un jeu parfait, mais j'estime que ses quelques défauts sont largement éclipsés par un scénario et un système de jeu exceptionnels, et par une musique de très grande qualité.
En plus, on pourra dire tout ce que l'on veut, mais les jeux vidéo qui se déroulent dans des univers cyberpunk, ça ne court pas les rues.
La suite parfaite, selon moi, reprendrait la même ambiance et le même type d'histoire en ajoutant un mode coopératif, un monde un peu plus ouvert, et un SDK.
Makks
10
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le 19 mai 2011

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Makks

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