Il est difficile de se placer du côté des méchants qui critiquent un jeu autrement considéré comme culte, mais pourtant cela sera bel et bien ma position aujourd'hui. Deus Ex Human Revolution n'aura été pour moi, à ma grande surprise, qu'une gigantesque déception.


La tradition veut qu'au début de chaque critique du jeu on avoue si oui ou non on a déjà joué à Deus Ex premier du nom... eh bien ce n'est pas mon cas. Je n'y ai jamais joué, donc je n'attendais pas ce Deus Ex 3 comme un messie ou comme une renaissance. J'imaginais qu'il serait bon, certes, au vu des notes dythirambiques que l'on trouve sur le net. Mais je n'avais pas d'attentes "démesurées"... et pourtant je n'ai pas aimé. Laissez moi vous conter pourquoi.



1/ Le choc graphique



Alors là vous vous attendez peut-être à ce que je descende le jeu en hurlant "cé tro moch !" avec des postillons et tout le tralala, mais dans les faits je ne pense pas que tout soit à jeter, loin de là. Globalement j'ai apprécié la direction artistique du jeu, ainsi que le look des personnages. Même les cinématiques, un peu vieillottes, ne m'ont pas choqué. Alors qu'est-ce qui cloche ?
Tout d'abord, on regrettera une optimisation dégueulasse sur xbox 360, parce que le jeu... rame. C'est une chose très très rare pour un jeu sur console de salon, mais je suis catégorique : le jeu lag quand on se promène en ville ou dans Sarif industries ! La guerre des 1080p/60 FPS m'importe peu, mais par contre descendre en dessous des 30 fps, ça craint des fesses.
Autre conséquence de ce manque d'optimisation : faites faire un tour complet au personnage principal, et observez les décors. Je n'ai vu personne d'autre mentionner ce problème, mais... ça manque de "fluidité". C'est peut-être un problème de rafraîchissement, ou de motion blur, je n'en sais rien, mais en tout cas une chose est sûre : à la fin de ma première session je souffrais de mal de tête.


Outre ces problèmes assez graves pour le confort du joueur, on pourra également regretter
- une synchronisation labiale aux fraises pendant les dialogues. Ca ne m'a pas "trop" dérangé mais ça ne fait quand même pas très sérieux.
- des villes trop ternes, où ne sont pas indiqués clairement dans quel batiment on peut entrer. Le problème c'est que cela nous fait rater des boutiques pourtant très importantes.


C'est tout pour la partie graphique. Avouez que ça ne commence pas très bien. Globalement le jeu n'est pas moche à regarder. Les bureaux sont bien modélisés, et comme les décors sont essentiellement constitués de bureaux, forcément ça aide. Mais les problèmes de fluidité minent véritablement le plaisir du joueur à ce niveau.



2/ Une bande son beaucoup plus intéressante



Côté sonore, le jeu fait quasiment un sans faute.
Tout d'abord j'ai trouvé le doublage français très correct, à quelques exceptions près. il m'arrivait en effet que la voix du héros soit trop forte et résonnante (comme s'il parlait dans une caverne métallique), et il m'est aussi arrivé de constater une mauvaise prise de son, avec un dialogue où le son crachotait désagréablement. Mais à part ça les acteurs jouent globalement bien leur rôle et donc le doublage passe très bien.


Les musiques sont quant à elles vraiment bonnes et donnent bien le ton. J'aime particulièrement celle du menu principal, on quand on appuie sur Start cela provoque un son qui s'intègre parfaitement dans la mélodie (au moins dans l'Edition Augmentée).


Bref passons maintenant au gameplay.



3/ Le FPS de la misère



Deus Ex est avant tout un FPS. Quand vous êtes à couvert, la vue bascule en mode TPS. Mais c'est aussi un jeu d"infiltration.


La partie FPS, tout d'abord, est à mon sens complètement ratée.


Cela commence dès le tutoriel, où on "omet" de nous dire certaines choses. On ne vous dira jamais que vous pouvez VISER (c'est pourtant une fonction importante), et comme la visée n'est pas sur une gachette mais en cliquant sur le stick droit, il est facile de passer à travers l'information. D'ailleurs... je suis justement passé à travers. Heureusement la commande était indiquée dans les options du jeu, mais le problème n'est pas que cela soit mal expliqué ; c'est qu'on nous explique tout SAUF ça, ce qui laisse sous entendre que la fonction n'existe pas.


La roue des armes principales fonctionne bien, mais j'ai eu de nombreux problèmes avec les armes secondaires. Il m'est arrivé de boire par erreur des bières au milieu d'un combat (ce qui rend la vision floue) au lieu de jeter des grenades, et inversement de jeter des grenades en boite de nuit.


Au delà de ça, la visée est pénible quand les ennemis sont en mouvement, et c'est d'autant plus problématique que les ennemis, eux, visent vachement bien. Et qu'Adam est SUPER fragile. C'est bien simple : quand une alarme sonne, le jeu devient ridiculement difficile surtout si vous essayez d'être le moins violent possible. Et si vous essayez d'affronter les ennemis de front, préparez vous à souffrir. Dans ces cas là, la seule chose à faire, c'est d'abuser de l'IA ennemie, peut-être la plus handicapée jamais vue dans le monde des FPS.


Est-il normal qu'un ennemi dont vous venez d'abattre le camarade abandonne les recherches 10 secondes plus tard parce que vous n'êtes plus à votre Dernière Position Connue ? Est-il normal qu'il reprenne sa ronde comme si de rien n'était en "s'habituant" à la vue du cadavre de son pote ? Je ne pense pas. De même si vous franchissez un niveau en déclenchant toutes les alarmes et que vous prenez un ascenseur pour descendre à l'étage inférieur : on ne vous attend pas. Les ennemis ne se parlent que quand ils sont dans la même pièce, et c'est extrêmement dérangeant niveau immersion. On n'y croit pas, et on se prend de plus en plus à exploiter les failles de l'IA pour avancer. On ne joue plus "à" un jeu, on joue "contre" le jeu et ses failles.
On ne mentionnera pas le fait que les ennemis sont bloqués par des boites en carton et que dans le commissariat vous pouvez voler des fusils à pompe sous le nez des policiers et allumer leur PC sans souci. Par contre, à la seconde où un piratage commence ils deviennent soudainement hostiles.


Bref, tout ça pour dire que si vous êtes repéré, il y a trois possibilités :
- ou vous faites face et vous mourrez parce que vous êtes en sucre .
- ou vous faites face en vous planquant et en alignant les head shots de loin. Vous êtes alors en mode TPS, et cette technique peut passer (même si ce n'est pas très crédible, et un peu longuet). L'autre inconvénient de cette tactique, c'est qu'elle bouffe des munitions, et que celles-ci sont rares. C'est encore pire pour les grenades qui sont quasiment des légendes urbaines.
- ou vous vous enfuyez et vous planquez derrière une porte quelques minutes pour vous faire oublier.



4/ Frustrante infiltration



Autant dire que le jeu pousse lourdement le joueur vers l'infiltration. Ce ne serait pas un problème si c'était un choix conscient du joueur, mais comme je l'ai dit la partie FPS est tellement ratée qu'on adopte ce style par défaut plus qu'autre chose.


Heureusement, l'infiltration est passable, même si elle est loin d'être parfaite. Il est vrai qu'il existe souvent des petits passages cachés qui vous facilitent la vie. Ce n'est pas toujours le cas, et il y a aussi beaucoup de passages et de pièces qui ne servent à rien, mais en général on finit par avancer.
Le mini-jeu de piratage est correct, moins répétitif que celui de Bioshock mais il reste néanmoins très random.
Par contre le héros a la manie de rester debout bien visible quand il pirate un terminal, et il est bien trop peu équipé pour s’infiltrer correctement. On possède certes un pistolet à fléchettes tranquillisantes dès le début de l'aventure, mais ses munitions sont rares, la portée est réduite, le tranquillisant n'agit pas tout de suite, et le rechargement prend du temps. Or c'est votre SEULE arme discrète pour peu que, comme moi, vous soyez passé à côté du silencieux pour pistolet. Celui-ci est (trop bien) planqué alors qu'il est indispensable pour qui veut la jouer discrètement ! J'ai été forcé d'utiliser des armes létales et bruyantes parce que je n'avais pas le choix.


Venons en aux augmentations d'Adam Jensen. En dépensant vos points d'expérience, vous pouvez améliorer vos compétences en piratage, vous camoufler, diminuer le bruit de vos pas, ... on peut aussi se servir d'exécutions au corps à corps pour se débarrasser discrètement d'ennemis isolés. Hélas, mesdames et messieurs : cela consomme des BATTERIES. Une des pires idées du jeu. Vous pouvez certes augmenter votre nombre de batteries, mais comme seule la première se recharge (en mode normal) c'est littéralement de l'argent gâché. En gros: vous ne pouvez pas vous camoufler ET exécuter quelqu'un, ou bien exécuter DEUX personnes à la suite, ce qui réduit grandement les possibilités tactiques, et surtout ce qui fait passer le héros pour un gros nullos. On est censé être un super soldat augmenté, mais on ne peut pas battre à mains nues deux troufions lambda d'affilée ? Pardon mais à côté, Sam Fisher est un dieu du combat rapproché.



5/ Les boss de la rage



Vous êtes peut-être au courant : parfois, dans Deus Ex Human Revolution, le joueur est confronté à des boss. Les boss sont fréquents dans l'univers du jeu vidéo (si si !), et ce qui les rend honnêtes, c'est que normalement tous les joueurs sont à armes égales pour y faire face.
Ce n'est pas le cas ici. Parce que les joueurs ne sont pas à égalité selon qu'ils ont choisi la voie de la discrétion ou de la violence.


Si par malheur vous êtes en mode "infiltration" (vous avez donc troqué les lance grenades et autre bazookas pour des tazers, pistolets silencieux, arbalètes,...), vous partez avec un ENORME désavantage par rapport à celui qui se la joue "bourrin". Les boss sont de vrais tanks qui peuvent encaisser des dizaines de coups de fusil à pompe sans broncher, alors que (je vous le rappelle) vous êtes en porcelaine. Bref, si on n'est pas bien préparé, si on n'a pas le bon setup, on meurt en boucle, et en boucle, et on rage comme pas permis.


A ce titre, le troisième boss, Namir, est sans doute l'un des plus frustrants que j'ai jamais affronté. Si jamais vous avez pris une certaine décision dans le scénario, vous partez avec un handicap supplémentaire (vous ne pouvez plus utiliser vos augmentations !) et là c'est la fête du slip. Namir est quasiment invincible. Je suis mort presque trente fois à essayer de le vaincre, et si j'y suis finalement parvenu, c'est seulement en exploitant un bug qui nous permet de lui coller une mandale fatale, un peu par hasard (alors que normalement les boss sont insensibles aux exécutions). C'est à un BUG que je dois d'avoir pu continuer le jeu ! Un comble.


De même le boss final nécessite de mourir de nombreuses fois avant de bien comprendre ce que le jeu attend de nous. Et même si ce n'est pas une phase de boss à proprement parler : bon courage pour sauver Malik avec vos petites fléchettes.


J'ai lu que les combats de boss avaient été sous-traités auprès d'une autre boite, eh bien ça a été une grossière erreur.
Heureusement ils ont été améliorés dans la Director's Cut car le joueur peut y vaincre les boss de manière plus discrète, mais nous parlons de la version Vanilla dans cette critique, celle à laquelle j'ai joué, et dans la version Vanilla : les boss sont de vraies purges.



6/ Un open world débile



Human Revolution fait également l'erreur de se prendre pour un "open world". Certaines villes sont en effet ouvertes, mais pas de bol : elles sont vides d'intérêt. Il y a très peu de missions secondaires, et celles-ci vous font passer sans relâche de zone en zone, si bien que vous passerez surtout votre temps à marcher et à admirer des écrans de chargement. Fun !


Ce simili open world permet d'installer une bonne ambiance et les conversations des passants sont plutôt intéressantes, mais il est autrement tellement inutile qu'on peut difficilement le qualifier d'autre chose que d'un " simple gimmick".



7/ Heureusement l'histoire permet au jeu de surnager



Au final, qu'est-ce qui pousse le joueur à supporter toute une partie de Deus Ex ? Le jeu est criblé de défauts fonctionnels. Mais, comme je l'ai déjà mentionné, la direction artistique est réussie. Il en va de même pour l'histoire, parfois inutilement tordue, mais qui se laisse néanmoins suivre. Les dialogues sont dynamiques, et les choix que le joueur peut faire sont moins binaires que dans Mass Effect (les bonnes réponses ne sont pas surlignées en vert) et sont donc d'autant plus captivant.


Il est un peu dommage que l'on n'aborde pas beaucoup les questions philosophiques inhérentes à l'Augmentation et qu'on se contente le plus souvent de manoeuvres politiques, mais le scénar fait le job. Disons qu'il ne casse pas des briques à un canard, mais il reste le point fort du jeu.
En revanche j'aurais préféré qu'ils appellent les "Illuminatis" autrement parce que ce sobriquet leur ôte à mon sens toute crédibilité.


Il est dommage aussi que les trois fins proposées ne prennent absolument pas en compte notre style de jeu pendant toutes les missions précédentes. Contrairement à un Dishonored, vous pouvez massacrer tout le monde ou bien traverser le jeu comme un fantome : cela n'a aucune récpercussion. Cela désamorce en partie l'intérêt des dialogues à embranchement où on essaye d'être "gentil" ou "agressif", puisque ces choix sont complètement vains.
La cinématique de fin dépendra donc de votre ultime décision, comme dans un Mass Effect 3. Les trois choix sont assez tranchés, et personnellement je ne me retrouvais dans aucun. Spoiler :


Soit l'espèce humaine abandonne toute technologie ce qui est une surréaction un peu idiote.
Soit elle laisse carte blanche aux entreprises pour que le progrès continue à un rythme débridé, ce qui est complètement irresponsable.
Soit on détruit la station pour que personne ne sache ce qu'il s'est passé et donc que le peuple décide par lui-même ce qui lui convient le mieux... mais pourquoi se laisser mourir avec ? Et c'est surtout l’assurance que les illuminatis pourront faire ce qu'ils veulent sans personne pour les arrêter.



CONCLUSION



En définitive, et cela me fait de la peine de dire ça, Deus Ex Human Revolution est un mauvais jeu que l'on se force à finir, soutenu à bout de bras par son scénario tout juste correct. Heureusement en ligne droite il n'est pas excessivement long... Mais je trouve ça inquiétant que la plupart des défauts que j'ai mentionnés n'apparaissent jamais dans les critiques majoritairement positives que reçoit le jeu, ne serait-ce que pour dire "qu'elles ne sont pas si gênantes". j'en viens même à me demander si j'ai joué au même jeu que tout le monde...


En attendant, si vous non plus n'avez pas aimé Deus Ex 3, sachez que vous n'êtes pas seul. Et pour jouer à un bon jeu qui mélange plus habilement infiltration et action, privilégiez Splinter Cell Conviction.

Samish
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le 21 août 2015

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Samish

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