Digimon World
6.1
Digimon World

Jeu de Bandai (2000PlayStation)

Digimon World fait partie des jeux auxquels j'ai énormément joué quand j'étais enfant. Cela ne veut pas dire que je l'ai fini autant de fois, loin de là ! Je jouais un peu, pendant quelques jours, jusqu'à ce que le jeu me lasse, puis je recommençais une partie quand j'avais à nouveau envie de parcourir l'île des fichiers binaires.
Il y a quelques jours, en pleine période Digimon, j'ai décidé de reprendre ce jeu que je n'avais pas touché depuis très longtemps. Mais cette fois, j'avais en tête de le finir. J'ai pu prétendre à la victoire finale aujourd'hui, et j'aimerais consacrer ma première critique sur ce site à ce jeu, pour faire comprendre à mes potentiels lecteurs à quel point ce jeu possède un charme irrésistible et unique.
Malheureusement, une énorme tâche d'encre bien noire vient salir la poésie que constitue ce jeu, un peu comme un enfant qui gribouillerait sur une œuvre d'art en la prenant pour un dessin quelconque. Cette critique couvrira également cette tâche.



Partir de rien



Le début


L'introduction au jeu est simple et efficace : on vous demande quel est votre nom, quel est le nom de votre Digimon et on vous pose deux questions pour déterminer avec quelle sorte de Digimon vous débuterez votre aventure, parmi deux possibles. A noter que cette introduction avait un sens bien particulier à l'époque, au Japon, puisque les joueurs possédaient potentiellement le Digimon original, appelé Digivice chez nous, une sorte de Tamagotchi qui pouvait évoluer et combattre. Par sa cinématique d'introduction, le jeu faisait donc comprendre au joueur qu'il se faisait aspirer dans son propre Digivice et qu'il partait à l'aventure en compagnie de son propre Digimon.


Propulsé dans ce nouveau monde, vous apprenez immédiatement que vous avez été appelé pour sauver l'île : les Digimon civilisés qui peuplaient la capitale ont été frappés d'amnésie du jour au lendemain et se sont éparpillés. Votre devoir est de les rassembler afin de reconstruire la capitale, qui n'est plus qu'une place presque complètement vide.
Et en à peine deux minutes, vous voici prêt à jouer, en compagnie de votre Digimon.


L'aspect Tamagotchi


Digimon World n'a rien oublié de ses origines, le "virtual pet", qui est au centre du système de jeu. Votre Digimon partenaire est unique et vous allez devoir vous en occuper comme un véritable petit animal : le nourrir quand il a faim, l'emmener aux toilettes pour qu'il puisse faire ses besoins sans salir partout, le soigner quand il est malade, le féliciter ou le gronder selon son comportement et j'en passe. Mais vous allez également devoir l'entraîner et le faire combattre !
Pour le faire évoluer, un certain nombre de paramètres devront être respectés, et ces paramètres se complexifieront au plus le stade d'évolution de votre Digimon augmentera. Puis, quand ce Digimon aura fini sa vie, il laissera derrière lui un œuf, duquel éclora un nouveau Digimon qui prendra sans doute une voie différente de son prédécesseur. Le tableau des Digimon élevés qui se trouve dans votre profil se complétera ainsi petit à petit, à la façon d'un Pokédex plus réduit.


Cet aspect du jeu aurait dû, selon moi, être la signature des jeux de la série Digimon World. On peut ne pas accrocher, mais cette mécanique fonctionne très bien et aurait pu évoluer et se parfaire de plus en plus.
Entraîner son Digimon et le voir évoluer constitue une grande part du plaisir de jeu, et j'ai constaté que j'avais toujours la même appréhension, lors de la transformation de mon partenaire, que lorsque j'étais enfant, de peur de me retrouver avec un nouveau Numemon, ce truc vert dégoulinant qui nous rappelle à quel point on est mauvais.
Alors le jeu est franchement trop sévère sur les paramètres requis pour la digivolution. Non seulement pour accéder au dernier stade, Ultime, mais aussi tout simplement pour obtenir tout la variété de Champions présents dans le jeu ! On n'a aucun moyen de connaître quels sont les différents paramètres à atteindre. Je pense qu'ajouter des petits indices dans le jeu, en restant aussi vague que des simples "Pour obtenir un nouveau Digimon, essaie de monter l'offensive et la vélocité la prochaine fois !" n'auraient pas baissé drastiquement la difficulté et auraient cependant diminué la grande frustration que peuvent provoquer ces évolutions. Le tableau des Digimon obtenus est très sympathique certes, mais ça n'aurait pas non plus été de refus qu'il dévoile les paramètres requis en cliquant sur le Digimon convoité. Mais ce n'est pas le cas, si bien que même si on parvient à obtenir un Digimon que l'on aime, on n'a aucune garantie qu'on pourra le retrouver par la suite, car le nombre de paramètres est tellement grand qu'il faut un sacré courage pour comprendre lequel a été décisif.
Cela aurait pu être moins ennuyeux si le jeu était faisable avec un Digimon de niveau Champion, mais étant donné les boss qu'on est amené à affronter, j'ai un gros doute là-dessus.
Bref, le concept est intéressant et donne vraiment envie de tester différentes façons d'élever, mais n'est pas assez peaufiné et on se retrouve à avoir souvent les mêmes Digimon car on ne préfère pas prendre trop de risques pour ne pas se faire punir violemment par le jeu.


"La capitale s'agrandit !"


La plus grande force de ce jeu, à mon avis. Au cours de l'aventure, pour le bien du scénario, vous serez amené à recruter les Digimon qui avaient déserté la ville afin qu'ils y retournent. Presque chacun de ces Digimon recrutés commencera alors une nouvelle activité dans la capitale, activité qui facilitera votre progression dans le jeu. La ville entièrement vide se remplira alors d'une consigne, d'un magasin, d'un restaurant, d'une clinique, d'une arène, d'un taxi... plus vous avancerez dans le jeu, plus le jeu deviendra confortable, notamment en ce qui concerne l'entraînement pour parvenir aux niveaux de digivolution les plus élevés.


C'est un excellent système et si de nombreux jeux ont parfois une quête annexe similaire, dans Digimon World c'est au centre de l'intrigue et donc développé au maximum. C'est hyper satisfaisant de voir la capitale se reconstruire petit à petit et ça vous met directement face à vos efforts. Si seulement ce jeu n'avait pas eu les soucis de difficulté évoqués plus haut et les autres qui seront évoqués plus bas, je pense sincèrement que le système de la capitale en reconstruction aurait pu le propulser au rang de chef d’œuvre. Quoi qu'il en soit, c'est une mécanique exemplaire et intemporelle, qui aurait de quoi inspirer des jeux parmi les plus récents.


Un monde qui s'ouvre


J'aime beaucoup cette appellation pour désigner l'île des fichiers binaires, le monde de Digimon World. Une appellation qui se situe entre le monde linéaire et le monde ouvert.
Presque toute l'île est potentiellement accessible depuis le début du jeu. Potentiellement. Car pour débloquer certaines zones, vous allez devoir franchir certains obstacles. Mais ces obstacles sont complètement indépendants de l'avancement du scénario : il ne tient qu'à vous d'explorer les zones qui vous intéressent et comprendre comment les agrandir.
C'est assez difficile à expliquer tant j'ai l'impression que peu de jeux parviennent à saisir ce subtil entre-deux. Mais ce jeu a pourtant réussi à le faire, en 1999.
Ce n'est pas un monde linéaire, car on vous lâche en plein milieu de l'île au tout début sans obligation d'aller à un certain endroit (sans obligation d'aller où que ce soit, d'ailleurs), vous êtes le seul à décider où aller et vous pouvez aller partout où c'est possible.
Mais ce n'est pas non plus un monde ouvert, car vous allez d'abord devoir accéder aux requêtes de certains Digimon pour débloquer tous les environnements variés.


C'est un monde qui s'ouvre. Ou plutôt, un monde que vous ouvrez.



Un emballage mi-figue mi-raisin



La musique et l'aspect graphique du jeu suivent à peu de choses près le modèle des mécaniques dont on vient de parler : réussis, mais bizarrement exécutées parfois.
Le moteur graphique compte sur une modélisation en 3D des personnages, sur des environnements 2D. Le jeu joue assez habilement sur la position de la caméra pour donner l'illusion de se déplacer dans un monde complètement en 3D. Cela mène malheureusement à quelques inévitables problèmes : cette caméra est parfois très, très frustrante, puisqu'elle montre régulièrement le protagoniste, vu de dessus, en gros plan, et que les Digimon sauvages (qui sont aussi puissants que le vôtre) ne se gêneront pas pour autant pour vous foncer dessus.
Cela dit, le monde est plutôt joli, bien construit et varié.


Bon, les graphismes sont sympa', mais la caméra est anarchique. Est-ce qu'on peut espérer mieux en ce qui concerne la bande-son ?
Eh bien, oui et non.
Les musiques ne sont pas extraordinaires, mais assez réussies. On a droit à des musiques très tranquilles, voire des simples bruitages d'oiseaux qui chantent aux alentours de la capitale. Cela donne une ambiance très ASMR, si on passe outre le passage aux toilettes de son Champion Digimon.
Quand on sort de cette zone et qu'on explore un peu la Mécanosavane, l'Overdell ou l'Espace-temps express, on entend des musiques plus affirmées, plus sauvages ou inquiétantes, qui témoignent encore qu'on n'est plus autant en sécurité ici que dans la capitale, mais qui donnent envie aussi de les explorer plus profondément.
Les musiques de combat sans entrainantes mais assez vite répétitives, elles laissent tout de même un bon souvenir en mémoire plutôt qu'un mauvais.


Donc les musiques, c'est plutôt un bon point, non ? Eh bien non, là aussi malheureusement, un défaut devait s'introduire !
Les zones sont découpées en différentes cartes/maps. Une zone est constituée de plusieurs cartes. Une zone = une musique. La logique voudrait que lorsqu'on change de carte au sein de la même zone, la musique continue.
Mais pour une raison inconnue, dès que vous changez de carte, la musique reprendra du début, et ce même si vous restez dans la même zone. Donc finalement vous ne connaîtrez sans doute jamais les musiques d'une zone dans leur entièreté, puisque celle-ci recommencera sans cesse, ce qui est un peu ironique quand on constate que les musiques des zones sont celles qui disposent des boucles les plus longues. Je ne sais vraiment pas pourquoi cette décision a été prise pendant la création du jeu, mais c'était une mauvaise décision.
En tout cas, ce n'était certainement pas une aussi mauvaise décision que celle qui a été prise pour choisir l'équipe de localisation du jeu, car voici à présent le vrai problème du Digimon World tel qu'on l'a connu...



La localisation (ou comment piétiner un jeu vidéo sans la moindre once de respect)



Voici la fameuse deuxième face du jeu. Celle, beaucoup moins reluisante, à laquelle nous avons eu droit.
OK, alors j'hésite souvent, quand je dois me prononcer pour donner mon avis sur un jeu, si je dois tenir compte de la localisation ou pas pour ma critique. D'un côté, elle est indépendante du produit de base et un jeu d'une excellente qualité peut subir une localisation nulle, ça paraît alors injuste de lui en tenir compte ; d'un autre côté, le jeu localisé est celui qu'on va tenir entre nos mains, et c'est normal de vouloir juger le jeu en tant que celui auquel on a joué plutôt que ce qu'il aurait dû être.


Mais là, la localisation est tellement à côté de la plaque qu'il est impossible de ne pas en parler, à défaut d'en tenir compte dans la note.


Vous commencez à connaître El Famoso bug de la forteresse si vous avez joué au jeu ou que vous avez lu d'autres critiques. Ah ce bug, tout le monde en parle de ce bug. C'est vrai qu'il est bien ennuyeux et c'est un énorme problème de la version PAL du jeu. Celui-ci reste possible à terminer, mais ce bug vous prive d'une énorme partie de découverte, qui est l'un des points centraux du jeu.
En jouant à une version dénuée de bug, j'avais l'intention de profiter du jeu à sa juste valeur.


Quelle erreur ai-je commise en m'imaginant cela.


La traduction est aux fraises à chaque bulle de dialogue. Je n'y prêtais pas attention quand j'étais petit parce que je me disais que c'est moi qui étais idiot et qui ne comprenais rien, mais non.
Les dialogues sont coupés et collés ailleurs, les personnages sortent des phrases qui n'ont rien à voir avec la situation, les dialogues ont l'air de monologues simultanés tant ils n'ont aucun sens, et comme si ça ne suffisait pas, les rares informations utiles qu'on vous donne sont... fausses, la moitié du temps.
On vous dit d'aller à l'est ? Il faut probablement aller à l'ouest. On vous demande si vous préférez contourner le tunnel ? Qu'à cela ne tienne, on vous y fait rentrer de force.
La seule consolation dans tous ces dialogues ridicules, c'est de voir le protagoniste lâcher des "Hein ?", "Je ne comprends rien" ou autre "Il est fou", parce que c'est exactement ce qu'on pense devant l'absurdité des paroles de certains personnages.
Et c'est probablement ce que les traducteurs pensaient aussi, après avoir été probablement engagés dans une soirée bien arrosée parce qu'ils arrivaient vaguement à dire bonjour en japonais.


Je ne sais pas si la traduction a foiré au niveau américain ou français. Mais une chose est sûre : elle a foiré.



Conclusion



Si vous avez tout lu jusqu'à maintenant, je vous remercie parce que c'était assez long.


Digimon World est pour moi un bijou. Malgré des défauts qu'on ne peut pas nier, ce jeu a tout simplement un charme de fou. Il est unique en son genre et ne demandait qu'à être peaufiné dans des jeux ultérieurs pour s'affirmer en tant que genre à part entière du jeu vidéo. J'ai entendu dire que Digimon World : Next Order était sa suite scénaristique et mécanique, et j'ai vraiment hâte de tester celui-ci pour constater les améliorations qui auront été apportées.
Ce jeu avait le potentiel de figurer aux côtés d'autres œuvres qui sont aujourd'hui considérées comme des grands classiques de cette époque. Sans quelques petits problèmes d'équilibrage et de présentation, et surtout une meilleure localisation, il aurait pu s'imposer comme un des Grands jeux de cette ère.
Mais avoir le potentiel ne suffit pas. Il existe des jeux dans lesquels les points faibles sont si difficiles à trouver qu'il faut analyser en profondeur pour comprendre comment une amélioration aurait été possible. Digimon World ne fait pas partie de ces jeux et en est très loin.


Pour ces raisons, je lui accorde un 7/10 et un Coup de cœur amplement mérité, car peu importe ses défauts, il restera toujours ce jeu innovant et unique, vers lequel je peux me tourner pour passer un bon moment. Et c'est bien la fonction première d'un jeu vidéo.

Nyrelhos
7
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Jeux vidéo

Créée

le 9 mai 2021

Critique lue 503 fois

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Nyrelhos

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