Meilleur jeu solo depuis des années
Les FPS solo sont une espèce en voie de d’extinction et cette année ne fait pas exception. Le dernier à proposer un univers, un scénario et un gameplay intéressants date de plus d’un an, il s’agissait de Deus Ex 3. Pourtant, demain sort Dishonored qui marquera en beauté la fin de cette longue attente, mais également l’histoire du jeu vidéo grâce à un titre proche de la perfection.
Le pitch : Dishonored vous place dans la peau d’un assassin en quête de vengeance. Dans un monde médiéval, fantastique, steampunk et so british, vous éliminez vos cibles une à une pour déjouer un complot. Grâce à vos gadgets et vos pouvoirs surnaturels, vous avez le choix : glisser telle une ombre invisible entre vos ennemis, assassiner discrètement ceux qui osent s’interposer ou déchaîner la fureur vengeresse qui gronde au fond de vous.
Et c’est génial :
Neuf missions, plus de 20h de jeu
L’aventure comporte neuf chapitres, dont six se déroulant dans des environnements complètement ouverts. Ils sont constitués de plusieurs cartes reliées entre elles dans lesquelles vous pouvez librement naviguer. Laissez-moi vous donner un exemple fictif :
Vous débutez dans des rues malfamées et vous vous dirigez vers votre cible en prenant soin d’éviter les gardes et de visiter quelques appartements au passage, première zone. Un poste de garde vous bloque le passage, et vous décidez d’emprunter un souterrain pour vous y infiltrer, deuxième zone. Vous parvenez à atteindre la salle de contrôle du poste de garde dans lequel vous désactivez les appareils de surveillance, troisième zone. Vous continuez votre progression en passant par les toits qui surplombent un quartier résidentiel huppé, quatrième zone. Un habitant vous demande de dérober un tableau à un riche marchand, en échange il vous aidera à atteindre votre cible, vous vous infiltrez donc dans la villa du marchand, cinquième zone. Vous volez l’objet d’art, puis retournez dans le quartier bourgeois pour rendre compte de votre succès. Votre nouvel ami vous remet alors une clef permettant d’atteindre le manoir de votre cible (sixième zone) à travers le réseau souterrain (deuxième zone). Une fois sur les lieux, vous rejoignez votre proie qui s’est terrée dans une pièce sécurisée au dernier étage, septième zone. Vous mettez fin à ses jours et vous esquivez par les toits vers le quartier huppé (quatrième zone), pour finalement retourner à votre point initial à travers les souterrain (deuxième zone) et la banlieue malfamée (première zone).
Si vous vous contentez de ce scénario, alors vous êtes certainement passé à côté de plusieurs objectifs secondaires et vous n’avez pas tout visité ! Un joueur méticuleux passera sans problème quatre heures sur chacune de ces six missions, auxquelles il faut rajouter trois autres chapitres un peu plus linéaires d’une à deux heures. Je vous laisse faire le calcul. Pour ma part, j’ai fait les deux premières missions dans les règles de l’art, puis j’ai un peu accéléré pour pouvoir rédiger ce test, mais malgré ça il m’aura fallu 16h pour venir à bout de Dishonored.
Plusieurs lieux, plusieurs façons de les visiter
Les neuf chapitres proposent des lieux très distincts les uns des autres. Un bordel ne ressemblera pas à une résidence cossue, ni à la forteresse royale et encore moins à la distillerie du coin. Le travail sur la direction artistique est colossal, mais intéressons-nous d’abord au level design : chacune des zones constituant une mission se base sur une architecture crédible, ce qui ne veut pas non plus dire réaliste. Par exemple, on peut faire le tour du manoir dans lequel se terre votre cible, grimper sur ses toits, chercher un passage dans les caves et une fois à l’intérieur visiter toutes ses pièces qui comportent cuisine, salle de bain, lit, lieux d’aisances, salon et tout le tralala. Par contre, si vous ne voyez qu’une seule fenêtre ouverte en façade, inutile d’essayer de forcer les autres, ça ne fonctionnera pas. De la même façon, les quartiers d’habitations comportent plusieurs portes condamnées et vous ne pouvez pas rentrer dans tous les bâtiments. Cependant, ces compromis nuisent rarement à la crédibilité de l’univers et en général, si vous voyez un endroit que vous souhaitez visiter, il existe un moyen d’y accéder.
Que dis-je, il existe plusieurs moyens ! Généralement, pour traverser un niveau sans laisser derrière vous des monceaux de cadavres, vous pouvez grimper sur les toits, longer les coursives, traverser les habitations (pas toutes), passer d’une cachette à une autre au niveau de la rue, en marchant ou en vous téléportant sur de courtes distances (blink), ou encore ramper dans les égouts. Ici encore, l’architecture reste crédible et vous ne verrez jamais, cachée derrière une caisse géante, une bouche d’aération qui vous amènera pile poil devant votre cible. Bien que Dishonored fasse plus jeu vidéo que les deux premiers épisodes de Thief, il n’use pas non plus de grosses ficelles comme dans Deus Ex 3 où le level design vous hurlait au visage « prends cette conduite d’aération pour éviter les gardes ! » Non, dans Dishonored les passages permettant d’esquiver les ennemis sont plus subtils, au point que vous vous demandez parfois si les développeurs avaient prévu que votre enchaînement double saut, blink, escalade vous permettant d’entrer directement par la chambre à coucher de votre proie.
Cependant, ne vous attendez pas non plus à une simulation et ne vous étonnez pas si vous tombez au détour d’une rue sur un voyou se faisant agresser et qui, si vous le sauvez, vous proposera une solution alternative pour atteindre votre objectif. Le genre de coïncidence qu’on ne trouve que dans les jeux vidéo.
Mortel, mais pas invulnérable
Non content de vous proposer des environnements ouverts, Arkane Studio vous offre la boîte à outil qui va avec pour en tirer pleinement partie. Si vous aimez tuer, tuer, tuer, alors faites votre choix : un coup de dague dans la nuque, une balle de pistolet entre les yeux, un piège projetant des barbelés effilés comme des lames de rasoirs, un carreau d’arbalète incendiaire dans la poitrine, une nuée de rats dévorant tout sur son passage, la liste est longue et n’a rien à envier à celle de Bioshock. Si vous aimez tuer de façon inventive, vous voilà servi.
Mais lorsque l’alarme se déclenche et qu’une douzaine de gardes convergent dans votre direction, il est temps de dégainer, de frapper vite et de réfléchir encore plus rapidement, car cinq pouces d’acier dans la poitrine ne vous feront pas de cadeau. Lorsque vous croisez le fer, vous devez prendre garde à ne pas vous faire encercler, car s’il est possible d’abattre plusieurs ennemis les uns après les autres, il est autrement plus difficile de rester en vie lorsqu’ils sont deux à vous engager au corps à corps tandis que leurs petits copains vous tirent dessus. Deux solutions à cela : attirer les ennemis là où ils ne peuvent pas faire front à plus de deux, ou vous débarrasser rapidement de votre vis à vis avant de vous disparaître.
En effet, le blink associé à l’agilité de votre personnage en font un adversaire redoutable qui n’aurait pas à rougir devant le Predator. Attaquez, disparaissez, contournez, éliminez un à un vos adversaires en visant la tête ou en leur plantant une lame dans le cou sans jamais leur laisser le temps de réagir. Car aussi rapide et mortel que vous soyez, vous n’en êtes pas moins humain et vulnérable. En difficulté maximale, il suffit de deux ou trois coups d’épée pour vous faire passer de vie à trépas, et comme vos munitions sont comptées, ne comptez pas vous en sortir en vous cachant derrière une caisse ou sur un toit, surtout que quasiment tous vos adversaires possèdent une attaque à distance.
Lorsque vous croisez le fer, vous pouvez frapper de la main droite et utiliser une arme à distance ou un pouvoir de la gauche. Mais la technique la plus efficace consiste à attendre le dernier moment pour parer l’attaque d’un ennemi et contre-attaquer d’un coup mortel alors qu’il est désorienté. Si ça vous semble trop simple et trop facile, peut-être changerez-vous d’avis après avoir combattu les maîtres assassins. Vous aurez alors besoin de beaucoup sang-froid et de concentration pour ne pas finir dans une mare de votre propre sang. Les combats de Dishonored sont rapides, sanglants et gratifiants, une véritable réussite.
Cachez-vous, mais pas dans le noir
Cependant, le jeu vous incite à éviter les affrontements en vous glissant furtivement à travers les lignes ennemies. Non seulement vous économiserez vos munitions et votre matériel, mais en plus vous aurez droit à un environnement moins hostile : moins de rats, moins de pestiférés, des alliés plus amicaux et un happy end pour conclure l’aventure. Le jeu mesure le « chaos » que vous provoquez en se basant sur le nombre de victimes que vous laissez derrière vous. Si vous abattez moins de 20% des ennemis, vous n’avez pas à vous en faire, et il est encore possible de diminuer votre chaos en trouvant des façons non létales de vous débarrasser de vos cibles principales.
Mais revenons en à l’infiltration. Contrairement à celles des autres jeux, elle se base uniquement sur la ligne de vue des ennemis et il ne sert à rien de se cacher dans l’ombre. Selon Arkane, la possibilité de passer inaperçu en se tenant dans l’obscurité à 1m d’un adversaire était trop peu crédible ou trop complexe à mettre en œuvre pour l’être, c’est pourquoi ils ont choisi de ne pas tenir compte de l’éclairage. Une fois en jeu, ça n’a rien de choquant et il est vrai que le système de Dishonored tient parfaitement la route : les ennemis ont un bon angle de vision en face d’eux, mais ils font très peu attention à ce qui se passe au-dessus de leur tête.
Les gardes m’ont semblé posséder quatre niveaux de vigilance : à la base, ils font leur ronde sans se douter de rien. S’ils vous aperçoivent brièvement, ils resteront un moment immobiles à fixer votre dernière position. S’ils ont eu un peu plus de temps pour vous discerner, ils se dirigeront vers vous en fouillant les alentours. Et s’ils vous ont aperçu distinctement, ils sonneront l’alarme et accourront. Dans ce cas, même si vous réussissez à vous enfuir, ils resteront alertes à fouiller dans tous les coins jusqu’à vous avoir retrouvé.
Wallhack à volonté !
Grâce à l’agilité de votre personnage et au blink, vous n’aurez aucun mal à voltiger sur les toits, mais la situation se corse lorsque vous devez pénétrer dans un bâtiment. Pour inciter les joueurs à ne pas baisser les bras, Arkane a créé un pouvoir permettant de voir les ennemis et leurs cônes de vision à travers les murs, mais seulement lorsqu’ils se situent à moins de cinq ou six mètres. Il vous simplifiera énormément la vie, trop peut-être, puisque vous n’avez plus à tendre l’oreille ou à réfléchir pour deviner la position des ennemis : il suffit de presser une touche pour les voir distinctement. De plus, ce pouvoir de wallhack est quasiment illimité, tout comme le blink d’ailleurs, puisque votre jauge de mana se régénère d’une petite quantité quelques secondes après l’utilisation d’un pouvoir, et que cette quantité est supérieure à celle consommée par le wallhack et le blink.
Bien que les gardes soient très nombreux, il n’y a donc rien d’impossible à terminer un niveau sans jamais se faire détecter en abusant du blink, du wallhack et, si vous jouez sur PC, des quicksaves. Un run en 0 kill 0 detect reste difficile, mais ce n’est pas non plus un exploit. A mon avis, il manque un succès pour récompenser les joueurs parvenant à terminer le jeu sans même assommer un garde. De plus, même en difficulté maximale, la position de votre objectif est affichée sur le HUD. Il suffit d’entendre deux femmes de chambres discuter et révéler que le bourreau se cache dans les toilettes impériales pour voir un petit point sur le HUD indiquant la position et la distance des chiottes de sa majesté.
Les joueurs les plus hardcore prendront donc soin de désactiver ces aides sur le HUD, de ne jamais utiliser le wallhack et d’éviter de se faire détecter. Alors seulement Dishonored sera réellement difficile, car autrement il offre du challenge, certes, mais rien d’insurmontable.
Deuxième run
Si vous avez adoré terminer la campagne, il ne fait quasiment aucun doute que vous serez tenté de la refaire une deuxième, puis une troisième fois. Lors de votre premier run, il est probable que vous jouiez le jeu en semant un minimum de chaos autour de vous afin de voir le happy end. Pour votre deuxième run, vous développerez votre personnage en privilégiant les pouvoirs offensifs et les armes mortelles afin de démonter tout le monde pour voir la fin la plus sombre. En effet, au cours du jeu, vous ramasserez des runes, des charmes en os de baleine et des objets de valeur. L’argent sert à améliorer et à acheter votre équipement : temps de rechargement, capacité du chargeur, zoom, nouveau type de grenade, etc. Les os de baleine vous offrent des petits bonus et vous pouvez n’en activer que quelques-uns simultanément. Vous en trouverez une vingtaine dans le jeu, mais il en existe un peu plus, que vous pourrez donc découvrir lors d’un second run. Enfin, les runes sont l’équivalents de points de compétences servant à acheter un pouvoir ou à en faire évoluer un que vous possédez déjà. Ici encore, vous ne trouverez pas assez de runes pour booster tous vos pouvoirs, mais il vous suffira d’un second run pour tester les autres.
Et si vous êtes accrocs, vous ferez alors un troisième run en tentant de ne jamais vous faire détecter et de ne tuer personne, puis pourquoi pas un quatrième en désactivant le HUD et en ne débloquant pas le wallhack. Vous serez également incité à rejouer afin de voir ce qu’il se passe si vous épargnez tel PNJ ou si vous laissez mourir tel autre. Plusieurs d’entre eux apparaissent à différentes occasions et vous vous demanderez sans doute ce qu’il adviendrait si vous ne les aviez pas sauvés.
Et pour couronner le tout, Dunwall et ses mystères !
Le gameplay est excellent et aurait pu se suffire à lui-même, mais c’est également le cas du scénario. Si vous en avez marre des univers médiévaux avec des gobelins et des orcs, des jeux de guerre avec des Russes et des Arabes, des ambiances cyberpunk avec des cyborgs et des hackers ou des titres futuristes avec des gros spacemarines musclées et des petites salopes en combi ultra moulantes, alors bienvenue à Dunwall !
Dunwall s’inspire des villes de Londres, d’Edimbourg, mais également de City17, le tout plongé dans un monde imaginaire dans lequel l’époque victorienne aurait été marquée par une révolution industrielle rendue possible grâce aux propriétés énergétiques de l’huile de baleine. Ajoutez à ça des fanatiques religieux luttant contre un être mystique et omniscient, des hordes de rats qui répandent la peste dans la ville et une impératrice qui a la bonne idée de se faire assassiner alors que son peuple a plus que jamais besoin d’elle, et voilà, vous êtes à Dunwall.
Le monde de Dishonored est riche, bourré de PNJ, de croyances et de légendes, mais il parvient à rester parfaitement cohérent et homogène. Le rythme du jeu étant relativement lent, vous avez tout le temps de feuilleter les bouquins qui traînent, d’écouter les conversations, d’observer les peintures sur les murs et de vous intéresser à votre environnement pour tenter d’en percer les mystères.
Croyez-moi, je suis le premier à me retrouver complètement largué lorsqu’un FPS tente de me raconter une histoire (je n’ai jamais rien compris à HL, Halo, CoD et j’ai encore du mal avec Counter-Strike), mais celui de Dishonored m’a paru limpide. Est-ce parce que l’univers m’a captivé ? Que la personnalité des personnages (et leur doublage impeccable) m’ont donné envie d’écouter ce qu’ils avaient à dire ? Est-ce grâce à la direction artistique très fouillée, mais parfaitement homogène, qui font de Dishonored une peinture vivante dans laquelle on n’a qu’une envie, c’est de s’immerger ?
Quoi qu’il en soit, le résultat est là, Arkane a conçu un univers génial et agréablement original. Tellement original qu’il pourrait porter préjudice à leurs ventes, mais pour les amateurs d’univers fantastique, c’est un véritable régal.
Mais tout n’est pas rose, et encore moins noir Malgré tout le bien que je pense de Dishonored, j’ai tout de même un regret. Comme je vous le disais précédemment, Arkane a décidé de ne pas fonder le système d’infiltration sur l’éclairage. De plus, étant donné le temps qu’ils ont passé à peindre amoureusement les textures et à concevoir chaque élément du décor qui fourmille de détails, les développeurs ont décidé de faire un jeu où tout est bien éclairé. Trop éclairé selon moi, car même en pleine nuit, au fond des égouts, vous verrez aussi bien qu’en plein jour. Un peu plus tôt, je comparais les décors à de véritables peintures vivantes, pourtant il leur manque l’étincelle de vie que seul un système d’éclairage dynamique peut procurer.
C’est essentiellement pour cette raison que Dishonored se distingue de Thief. Il lui manque le Dark de Dark Project, ou le Shadow de Deadly Shadows. Dans Dishonored, vous ne restez pas immobile, caché dans les ténèbres, scrutant l’obscurité en tendant l’oreille à l’affût des ennemis qui rôdent dans le noir. En fait c’est tout le contraire : non seulement vous voyez comme en plein jour, mais en plus vous pouvez voir les ennemis à travers les murs. C’est un style différent, mais c’est tout de même dommage, car on y perd cette ambiance mystérieuse, terrifiante et oppressante qui a contribué au succès de Thief. J’aurais tant aimé que Dishonored parviennent également à me faire peur, mais ça ne devait pas être l’objectif des développeurs…
Achetez-le !
Dishonored est quasiment parfait. Que vous soyez un tueur silencieux sautant de toit en toit, ou une ombre invisible glissant discrètement dans la nuit, vous y trouverez votre compte. L’univers est original, l’ambiance splendide, le scénario limpide et captivant. Il ne serait pas étonnant que nos confrères lui attribuent des notes record.
Le jeu est peut-être un poil trop facile, mais il ne tient qu’à vous de désactiver les indications sur le HUD et de ne pas débloquer le wallhack pour obtenir un réel challenge. Avec une durée de vie pouvant dépasser vingt d’heures et une véritable rejouabilité, c’est un des rares jeux solo qui vous en donnera pour votre argent.