Dishonored
7.6
Dishonored

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2012PC)

(Parce qu'une image vaut tous les mots, remettons-nous dans l'ambiance avec ce trailer de fou furieux : https://www.youtube.com/watch?v=-XbQgdSlsd0 )


Le premier volet d'une franchise devenue depuis illustre et à bien des égards, peut être bien déjà le meilleur d'entre tous, tout du moins en ce qui concerne son ambiance si atypique.

Est ce que le charme de Dishonored opère toujours en 2023? Oh que oui mes amis et cette réussite peut d'ailleurs se résumer en un seul mot : Dunwall (Non pas Emily ^^).


Dunwall et ses mystères, ses toits à gravir, ses souterrains insoupçonnés, ses secrets inavoués; une ville maudite régie par une poigne de fer où même les soldats semblent contraints de suivre le mouvement au lieu de défendre fièrement les couleurs de leur cité, où la maladie frappe inlassablement les populations défavorisées tandis que les riches sont protégés de cette misère par un portail foudroyant et un élixir qui leur octroie une journée supplémentaire à vivre dans le déni, inconscients du chaos imminent qui menace de s'abattre sur tous sans discernement, un chaos personnifié autant par le joueur lui-même que ses rats qui s'immiscent dans les moindres recoins, jusque dans ces bâtisses dénuées en apparence de la moindre souillure.


Dunwall est une ville qui donne envie d'être explorée mais surtout Dunwall est une ville qui donne envie d'être comprise; de ses fondations à ses superstitions, des hauts parleurs interpellant le joueur depuis les moindres recoins de la cité jusqu'aux grommellements indistincts des miséreux qui ne voient aucun échappatoire à leur inéluctable agonie, il y a ici un travail de World Building digne des plus grands qui parvient finalement à crédibiliser un terrain de jeu pourtant propice à toutes les excentricités du joueur, qui use de peu de mots mais de beaucoup d'images pour dépeindre cette crasseuse austérité et qui n'impose pas au joueur une narration ronflante pour être sensibilisé à un misérabilisme excessif mais préfère au contraire le confronter à chaque instant à cette déliquescence dans le cadre de ses actions. A ce titre, le scénario de Dishonored avait souvent été moqué pour sa relative simplicité mais je le trouve aujourd'hui d'une remarquable efficacité pour exposer clairement ses enjeux sans alourdir inutilement la présentation de cet univers en accordant ensuite au joueur les moyens de satisfaire sa curiosité s'il le désire, à l'image de l'Outsider, figure énigmatique qui n'apparaît qu'avec parcimonie dans le déroulement de la quête principale alors qu'il est pourtant présent dans la plupart des niveaux si les joueurs parviennent à retrouver les autels lugubres qui lui sont dédiés, de ces innombrables manuscrits qui étoffent le portrait de chaque société ou personnalité publique mentionnée dans le récit ou bien de ce cœur souvent utilisé pour retrouver les Runes disséminées dans les environnements alors qu’il révèle pourtant bien des secrets aux joueurs assez patients pour écouter sa complainte. Tout un effort d’investigation encouragé également par le mutisme de notre protagoniste qui laisse le joueur libre de vagabonder au lieu de l’aiguiller sur la direction à choisir ou même l’émotion à ressentir ; dans Dishonored, les choix s’effectuent directement au cœur de l’action et il en est fort logiquement de même pour la compréhension de cet univers.


En ce sens, il n’est ainsi pas étonnant que Dunwall soit la première impactée par les décisions du joueur comme si la ville devenait un reflet de sa moralité vacillante ou de sa détermination à lutter face au nihilisme de ses pairs ; c’est cette moralité qui sera ici votre principale barrière à entraver votre progression bien davantage que la réactivité toute relative des gardes qui se dresseront sur votre route ; ingénieuse mécanique qui encourage à ne pas verser inutilement le sang mais qui contraint par moments le joueur à un jeu d’équilibriste potentiellement redondant, la voie pacifiste pouvant impliquer des allers retours fastidieux ou des solutions capillotractées pour éviter d’abattre vos cibles principales tandis qu’une alternative plus violente peut résulter sur des affrontements bien vite répétitifs. Après de nombreuses parties, j’ai finalement trouvé le RolePlay qui me sied le mieux dans Dishonored, celui d’un Assassin méthodique qui frappe avec parcimonie en éliminant uniquement les cibles de la plus haute importance et en épargnant le menu-fretin qui lui fait le plus souvent obstacle, approche qui incite autant à exploiter les possibilités offertes par le Level Design pour éviter la castagne tout en permettant d’aller directement à l’essentiel en abattant ses proies à l’insu de tous au lieu de partir à l’autre bout de la Map après avoir volé une clé ou la combinaison d’un coffre. Et sachez que le jeu s’avère assez bien équilibré en ce sens puisque cette approche parcimonieuse vous octroiera tout de même un Good Ending, sans condamner excessivement le joueur s’il endosse le rôle qu’il est censé incarner dans le jeu ; à ce titre, Dishonored s’avère à nouveau assez ingénieux pour distiller progressivement les conséquences de nos actes, de la modification du comportement des gardes ou de nos alliés d’infortune jusqu’aux affiches qui émaillent les rues de la cité en passant par les dessins déconcertants d’une jeune Impératrice en devenir ; il n’en a pas l’air mine de rien mais le jeu parvient à véhiculer progressivement un attachement envers ces âmes en peine qui ne sont pas à la portée de notre lame mais seront pourtant impactées à leur tour par nos agissements et à l’image d’une certaine sobriété qui le caractérise, le jeu propose une galerie de personnages secondaires plus intéressants qu’au premier abord comme ce brave marin, conscient de n’être qu’un protagoniste secondaire de ce récit et qui se satisfait pourtant de ce rôle d’observateur ; à nouveau, tout est ici question de patience et d’humilité.


Bref, Dunwall est un formidable terrain de jeu mais c’est à se demander s’il n’aurait pas été également magnifié sans les contraintes techniques de l’époque. Car s’il y a bien une chose qui m’a étonné durant cette redécouverte de Dishonored, c’est la structure beaucoup plus cadenassée du jeu que dans mes souvenirs, le moteur de jeu contraignant vraisemblablement à des zones (relativement) restreintes malgré l’impression de liberté qui se dégage de l’aventure ; ce n’est pas tant préjudiciable pour l’immersion (car les temps de chargement sont rachitiques aujourd’hui et les ennemis peuvent nous suivre d’une zone à l’autre) que le Level Design s’en trouve clairement amoindri par moments avec de nombreux bâtiments intérieurs déconnectés dans leur architecture de l’espace extérieur ; le Golden Cat parvient pourtant à proposer une structure adéquate de forteresse explorable autant de fenêtre en fenêtre qu’au sein de ses couloirs mais cette prouesse n’est malheureusement pas réitérée à l’ensemble de l’aventure et une certaine frustration s’en dégage par moments dans la limite imposée ainsi à nos déplacements. Peut être est ce une résultante de cette contrainte ou bien une volonté créative de diversifier l’expérience de jeu mais il est fort regrettable que la deuxième moitié de l’aventure s’éloigne ainsi considérablement de la fantaisie de l’Assassin en proposant davantage une sorte de série d’obstacles à surmonter pour le joueur au lieu d’une avancée méticuleuse pour atteindre une cible retranchée, le tout culminant par une réutilisation éhontée de certains environnements et des environnements de plus en plus cloisonnés, le niveau final ne s’avérant pas vraiment très folichon pour conclure en beauté le périple mouvementé de Corvo. Et puis, il y a aussi cette frilosité omniprésente (mais compréhensible) de paumer le joueur face à l’abondance des choix qui lui sont proposés, toute la difficulté de commercialiser un Immersive Sim auprès du grand public ; les premières heures s’avèrent pourtant très efficaces pour exposer autant l’univers que les mécaniques de jeu à notre disposition mais Dishonored s’englue parfois dans une certaine retenue qui l’empêche de sublimer son potentiel, à l’image de la scène culte de Lady Boyle qui parvient à mettre en place un jeu de dupes convaincant avant que la réponse ne nous soit offerte presque littéralement sur un plateau d’argent (un conseil : essayez plutôt d’éliminer les trois sœurs à l’abri des regards, vous verrez que la séquence en sera métamorphosée); le jeu aurait ainsi gagné à proposer un mode de difficulté plus épuré dans l'assistance accordée au joueur et l'énumération de nos possibilités, un peu à la manière du mode professionnel des derniers Hitman.


Bref, quelques écueils qui entachent un très bel écrin et empêchent ce premier Dishonored de côtoyer les plus hauts sommets, un peu à l’image de la saga dans sa globalité d’une constante exigence qualitative mais dont l’excellence est souvent amoindrie par quelques imperfections propres à chaque opus. De là à dire que Dunwall mériterait peut-être d’être redécouverte dans une nouvelle interprétation de cet environnement, il y a un pas que je ne franchirais pas.


Et pour finir, un peu de Skill pour se rappeler qu’on reste des gros noobs même après avoir eu tous les succès du jeu : https://www.youtube.com/watch?v=gCC4MuDowhA

Créée

le 9 déc. 2023

Critique lue 247 fois

2 j'aime

Leon9000

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