Je dois bien le confesser, je ne suis jamais parvenu à m'investir dans la série Harvest Moon. L’abondance de guimauve n'a jamais pu m'attendrir au point de me retenir. Non, pour me passionner dans la gestion agricole, il fallait ajouter une bonne grosse louche de sang, de larmes, de sel et un soupçon de nihilisme.
Invariablement, ces cinq dernières années, ma vie de joueur aura été marquée par de nombreuses mais brèves parenthèses Don't Starve. Crachant son hostilité au visage du joueur quelques minutes après qu'il n'ait commencé, le jeu de Klei reprend à sa sauce les mécaniques basiques de l'antique série nippone afin de tenter l’hybridation avec le genre très à la mode du rogue-like et c'est sans aucun doute l'explication de cette fascination que j'entretiens à son égard depuis si longtemps.
À l'absence frustrante de game over d'un Stardew Valley, Don't Starve répond par la permadeath. La découverte de l'écosystème, depuis largement enrichi par deux addons majeurs, passe avant tout par l'expérimentation et la rationalisation d'une nature sauvage et hostile. Quasiment chaque put*in d'être vivant de ce monde peut planter le dernier clou du cercueil d'une partie pourtant pas si mal entamée.
Parfois on se dit que c'est totalement mérité, parfois on s'emporte en mode Caliméro turbo-vener. Mais aussi puissante la frustration soit-elle, je sais pertinemment que cette brouille ne sera que temporaire. Collectant les versions, tôt ou tard l'envie me reprend et me revoilà abîmant une paire de dizaines d'heures dans un objet vidéo-ludique que j'avais pourtant quitté furieux.
Bien sûr, mon penchant certain pour les jeux masocores n'y est pas étranger.
Mais Don't Starve n'y est pas réductible, loin de là.
À bien y réfléchir, l'addiction passe surtout par la parfaite maîtrise du tempo. Le joueur, devant anticiper une poignée de jours d'avance la moindre de ses expéditions bûcheronne ou jardinière, subit de plein fouet le syndrome "One more turn". Ce machin sournois qui vous oblige à poursuivre une partie bien au-delà du raisonnable, présageant inévitablement une journée dans le coaltar.
Les parties se suivent et se ressemblent vaguement, et pourtant, le sentiment de progression est toujours là. Comme Bill Murray coincé le jour de la marmotte, le joueur inlassable est condamné à vivre encore et toujours le même périple, jusqu'à ce que ses échecs cumulés le rendent suffisamment affûté pour que la survie ne présente finalement plus de véritable enjeu. La satisfaction obtenue est alors immense... jusqu'à ce qu'un Deerclops viennent piétiner ce bonheur fugace si durement acquis.
P*tain de jeu.