Quand la dépression se fait sentir, qu'on se sent mal aimé ou que l'on a envie de retrouver des sensations originelles, on se replie en position du fœtus et on fait appel à ces moments qui ont su bercer nos meilleures années. La Wii U, et Nintendo par extension, ne savent que trop appliquer cela et après avoir appelé Mario à la rescousse, c'est celui qui a longtemps été évité et qui vole de liane en liane qui a été choisi pour apporter du réconfort à l'incomprise nouvelle console. Oui, Donkey est – déjà – de retour après avoir sévi sur Wii et c'est une fois de plus la talentueuse équipe texane de Retro Studios qui se charge de caresser le primate dans le sens du poil. Nous voilà de retour sous les sunlights des tropiques, reste à savoir si on n'a rien d'autre à faire qu'à rêver et s'aimer.

Donkey a les poils qui "freezent"

Compte tenu de la réussite que fut le Donkey Kong Country Returns sur Wii, on aurait pu croire que les Texans se seraient contentés de ce premier essai concluant pour retourner à leurs premières amours et Samus. Les joueurs aussi l'avaient imaginé et l'annonce d'une nouvelle itération a quelque peu glacé les choses dans un premier temps. Car, malgré les palmiers, cocotiers, plages de sable blanc aux abords de la luxuriante jungle, c'est bel et bien le grand froid qui s'abat dans ce Tropical Freeze. Cette fois-ci, pas de banane volée, c'est le beau temps qui est banni en même temps que la famille Kong quand débarquent les Givrés de l'Île du Nord, bien décidés à se la couler douce sur ces terres fertiles. Si le scénario ne vous fera pas vous arracher des cheveux, le contenu des niveaux remplira tout à fait cette mission car il est une constante qui est de retour avec le passage à la haute définition : la difficulté.

Fort heureusement, la jouabilité ne vous mettra pas en défaut pour faire face au défi qui s'annonce à vous. Malgré une inertie rendant Donkey un peu pataud et lourdingue, on prend rapidement ses marques après deux-trois niveaux et on retrouve les sensations ancestrales. Avec l'arrivée du GamePad, on aurait pu penser à l'ajout de petites choses tactiles, mais ce n'est absolument pas le cas, l'écran annexe restant noir (et ça, c'est agréable) lorsque l'on joue sur la TV uniquement. Le mode Off-TV est quant à lui bien présent. On salue cependant l'initiative de virer le souffle du singe pour faire voler la végétation et autres éléments de l'environnement puisqu'on revient aux bases ici : on court, on roule, on tape violemment sur le sol, on passe de liane en liane, on s'agrippe aux parois végétales... et on tente de survivre dans l'univers plus qu'hostile.

Si, si, la famille ! Les comparses de notre ami font un retour remarqué et en plus de Diddy Kong déjà présent sur Wii – et par extension sur 3DS – on a le plaisir de recroiser certaines figures marquantes pour ceux qui ont connu la série sur Super Nintendo. Ainsi, Dixie et Cranky Kong se joignent au groupe et l'on pourra ainsi les sélectionner en lançant le tonneau flanqué de leur logo au bon moment. Uniquement présents en tant que personnages secondaires, si l'on écarte le fait qu'ils doublent notre santé – la passant de deux à quatre cœurs -, seules les capacités qu'ils adjoignent les différencient : le primate à la casquette rouge permet de flotter un temps court dans les airs, la miss en rose autorise la même chose avec un petit sursaut en fin de flottement et enfin Cranky est un Picsou déguisé puisqu'on rebondit gaiement sur sa canne en bois. Le clin d’œil est trop gros pour être dissimulé, autant l'assumer. Il faut donc choisir le personnage en fonction du niveau, l'un permettant d'attendre des zones cachées, un autre de rebondir sur l'environnement "piquant" par exemple ou le dernier d'envisager l'aventure plus paisiblement sans avoir forcément peur d'un saut mal maitrisé. Petite nouveauté : une fois que la jauge adéquate (qui se remplit à chaque ennemi réexpédié chez lui) est pleine, : chaque binôme ainsi formé pourra lancer un coup "Pow Kong" qui transforme les ennemis présents à l'écran en bonus. Avec Diddy, ce sont des ballons rouges qui apparaissent, et donc des vies, alors que Dixie fait dans le girly avec des coeurs dorés qui se greffent au capital santé et enfin notre vieux pousse le vice du cosplay à Canardville jusqu'au bout en récoltant des pièces d'or banane. Notre préférence va logiquement vers le second choix, idéal pour se donner une plus grande marge de manœuvre.

Blizzard, vous avez dit blizzard ?

Malgré un titre qui pourrait laisser présager d'une expédition en compagnie de Nicolas Vanier, la glace n'est pas omniprésente dans l'aventure et heureusement. Composé de six mondes distincts et aux environnements riches et variés, votre parcours du combattant vous en fera voir de toutes les couleurs, au propre comme au figuré. Retro Studios a toujours laissé transparaître cette maîtrise technique générale et l'on a une fois de plus un rendu visuel ébouriffant. Que ce soit au niveau de la finesse des poils, des couleurs vives qui défilent devant nos yeux ou bien encore de la richesse des plans qui se juxtaposent à l'écran, le passage vers la résolution supérieure se fait sans mal et votre télévision devrait se régaler à faire déguster autant de tonalités. Et que dire de ces niveaux monochromes où seul le rouge de la cravate se distingue au milieu d'une œuvre abstraite ? Du grand art. Même les passages dans l'eau, pourtant loin d'être ma tasse de thé, réussissent à nous mettre dans le bain.

Au niveau de la variété des stages, nous sommes plus que servis car aucun ne donne l'impression de déjà-vu et on les parcourt et découvre avec délectation. Il manque certes un grain de folie (ou de génie) pour que l'on se retrouve avec une véritable claque telle celle reçue avec Rayman Legends, mais les passages en tonneaux ou bien encore en chariot témoignent d'un savoir-faire indiscutable.
Saluons tout de même les boss de fin de monde puisqu'il ne suffit pas de trois coups facilement plaçables en deux charges de l'opposant pour clore un chapitre. Les patterns sont variés, différents selon chacun des protagonistes et la difficulté bel et bien au rendez-vous. N'espérez pas venir à bout la première fois d'un boss puisqu'il vous faudra apprivoiser la bête... voire opter pour la solution de faire appel à Dixie et son Pow Kong pour booster un peu notre capacité de cœurs. Oui, le mâle obtus est blessé dans son orgueil, mais le joueur la remercie du fond... du cœur.

De "primate" abord, on pourra être surpris par le level design parfois alambiqué des niveaux. On se dit que certaines choses sont pas très naturelles, poussent la difficulté à son paroxysme en laissant peu de place à l'approximation. Mais en fait, ce n'est pas tout à fait juste dès que l'on découvre qu'il est possible une fois le stage complété de le parcourir à nouveau mais en tentant de réaliser un chrono de rêve. Et là, le puzzle s'imbrique et l'on constate que la maîtrise est totale et que ce chemin la première fois si tortueux est en fait calqué sur un modèle bien établi : celui de tenter les adorateurs du speed run, à la limite de l'e-sport tant le défi devient coriace et requiert de l'exercice et de la dextérité. Comble du plaisir : on peut même sauvegarder en vidéo ses plus belles courses.

Gorilles dans l'abrupt

Permissif, ce Donkey Kong ne le sera jamais. Punitif, il l'est à chaque bout de plateforme. Bien qu'étant un poil moins difficile de façon globale que son aîné, il n'est pas rare de perdre 10, 20 voire 30 vies (c'est du vécu), nous faisant rager face à nos pitoyables performances. Mais l'envie de continuer demeure intacte et c'est le couteau et les bananes entre les dents qu'on fait face à la perversité des développeurs. D'ailleurs, on se pose la question de l'intérêt d'un compteur vies dont la fluctuation est aussi inutile que peu gratifiante pour les uns et les autres. Un titre comme Rayman Legends s'en est émancipé à raison, et il serait temps que Nintendo adopte ce système puisqu'au final le game over ne change pas d'un iota la progression. Et le système d'objets échangeables en boutique contre quelques piécettes suffit amplement par exemple. En parlant de l'éventail des items proposés par l'ami Funky, on retrouve les ballons de couleur – le rouge pour une vie supplémentaire, le vert pour revenir sur une plateforme en cas de chute mortelle – le perroquet pour dénicher une pièce de puzzle manquante (et bigre qu'on en aura besoin !), des renforts pour vos chariots ou bien encore la possibilité de faire appel à un ami primate sans passer par l'émission de Jean-Pierre Foucault.

Compléter d'une traite Donkey Kong Country Tropical Freeze vous occupera une douzaine d'heures et autant de minutes converties en vies perdues. Mais les Texans de Retro Studios n'ont pas décidé de lâcher les joueurs une fois l'aventure terminée puisqu'un autre challenge se présente : celui de collecter toutes les pièces puzzle, les lettres KONG... et les médailles en mode chrono. N'oublions pas non plus la découverte des niveaux secrets encore plus retors que ceux du tracé lambda (ah, le 6-K, si tu me lis, sache que je te hais viscéralement !). Sans oublier le niveau de difficulté le plus extrême pour atteindre les 200% et où vous n'avez que vos yeux et votre unique cœur de vie pour pleurer. Tout cela vous permettra de doubler facilement – enfin, façon de parler – la durée de vie de ce titre qui pourra également être parcouru à deux joueurs simultanément. Les bienfaits du coopératif en scrolling horizontal ne sont plus à vanter, le fait de pouvoir aider une plus jeune personne ravira les parents par exemple. On peut cependant regretter le fait que nous soyons obligés d'avoir Donkey joué par l'un des participants, là où Super Mario 3D World laisse le libre choix d'incarner qui l'on veut.

Même si le jingle sonore signifiant la perte d'une vie sera l'élément le plus constant de votre parcours, vous aurez le plaisir de croiser des thèmes musicaux funky qui vous mettront tout à fait dans l'ambiance. Forcément à consonances tribales et pêchues, elles restent dans la lignée de la série, ne se démarquent pas plus, pas moins. On reste sur les bases (solides) sans chercher à les transgresser en allant voir ailleurs.

Avec toutes ces qualités évoquées, on pourrait penser Donkey exempt de défauts. Non, aussi beau et soyeux soit son poil (vous verrez), il y a certaines choses à reprocher au seul gorille qui porte la cravate avec classe. Tout d'abord, on aurait pu imaginer que la Wii U aidant, il y aurait eu un réel effort de fait quant à la jouabilité asymétrique. Elle est ici complètement absente au point même que l'écran reste éteint pour éviter d'interférer visuellement. Ce système à deux écrans a de plus en plus de mal à séduire et si même les développeurs de Nintendo s'en émancipent, cela a de quoi inquiéter.

Outre cela, DKC : Tropical Freeze s'appuie sur la formule que l'on reproche aux Mario 2D : reprendre ce qui a été fait il y a peu en y apportant son lot de nouveautés. Certes, il y a l'art et la manière, mais comme évoqué plus haut, il manque peut-être ce grain de folie qui aurait pu faire trôner la famille Kong aux côtés de Rayman et sa clique, ces derniers laissant une impression de brio plus marquée. Attention, la Wii U peut se targuer de disposer de titres majeurs du genre, il faut juste que l'on ne tombe pas dans la suffisance face à trop de facilité à satisfaire. Et c'est bien là le risque principal encouru par Retro Studios...

Note finale
8 / 10

Terriblement old-school dans son approche de la difficulté et son level design, le Donkey Kong haute définition réussit à nous emmener de liane en liane, de vie perdue en vie perdue vers de nouveaux horizons. Bigrement beau grâce à une palette de couleurs qui pourrait servir de test oculaire, le jeu de plateforme bonifie tout ce qu'il avait entrepris sur Wii et gomme également les menus défauts. Il en résulte une œuvre parfois un poil trop sage, pas innovante pour un sou au niveau du GamePad mais qui divertit de bout en bout et dont le challenge promet de longues heures de jeu. Avec ce Donkey Kong Country : Tropical Freeze, Nintendo dispose d'une sainte Trinité du genre avec Super Mario 3D World et Rayman Legends. Il sera difficile de détrôner ceux-là avant un petit moment et c'est peut-être l'une des plus belles réussites actuelles de la Wii U.
Angel
8
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le 19 mars 2014

Critique lue 304 fois

Angel

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