Mea culpa. C’est ce que j’aimerais dire aux développeurs de Doom, parce que j’ai toujours mésestimé leur jeu. Bon, je pense qu’ils s’en fichent un peu de mon avis, puisque la presse et les joueurs ont octroyé à leur production le statut de jeu culte et révolutionnaire. Rares sont ceux qui peuvent donner leur nom à un genre, et Doom en fait partie.
Parce que Doom est moche, et aura tôt fait de repousser les joueurs les moins tolérants aux gros pixels et à cet improbable (mais très astucieux) mélange de 2D et 3D. Et du coup, on ne peut pas viser verticalement, ce qui limite un peu la précision des armes (forcément, une dimension en moins à gérer). Pour tout le reste, Doom est résolument moderne, et propose une expérience de jeu comme on n’en voit (presque) plus aujourd’hui dans le genre.
Doom, c’est une ode au shootage de gros monstre moche, et tout est axé là-dessus. Pas vraiment de scénario, le background on s’en tape, tout au plus ceux-ci justifient-ils la direction artistique assez glauque/repoussante des antagonistes comme des décors. On est sur Mars, donc le ciel est rouge et il y a des trucs improbables qui nous attaquent, ça semble presque logique.
Et sinon, on dispose d’une panoplie variée d’armes, qui privilégient le fun au détriment du réalisme (outre le pistolet et le fusil), et qui sont juste super agréables à utiliser, le shotgun a un recul et une sensation de tir qu’on ne retrouve que dans très peu de FPS actuels (en plus d’être un peu trop redoutable) et chaque arme peut avoir son utilité en fonction du contexte ou des ennemis à affronter. Et le jeu ne fait pas non plus l’erreur de surcharger le joueur en munitions, pour le contraindre à varier ses armes et surtout à explorer. Et là est la grande force de Doom, qui permet de comprendre pourquoi des jeux aussi sympathiques que les Call of Duty (et tous les FPS qu’ils ont inspirés) sont autant décriés.
Parce que chaque niveau du soft d’id Software est un bijou de level design. Il y a clairement moyen de se perdre (surtout si on n’utilise pas la carte), mais les niveaux ont une cohérence dans leur construction, et parviennent même à avoir une identité propre, alors que les décors sont franchement redondants (comme le bestiaire, hélas). Mais chaque niveau a ses secrets, toujours jouissifs à trouver, chaque niveau alterne parfaitement les phases plus calmes (pour laisser la tension monter, ce qui est important pour un jeu à tendance horrifique) et celles où un déluge de monstres survient et chaque niveau exige vraiment du joueur qu’il comprenne sa structure, qu’il puisse retrouver les munitions qu’il a laissé derrière lui (tant les pénuries de bastos sont fréquentes) ainsi que les portes qu’il ne pouvait ouvrir. Et ça devient très vite compliqué, mais que c’est jubilatoire de comprendre le level design, et de commencer à anticiper les possibles lieux secrets. Tout en sachant que les divers interrupteurs potentiellement actionnés entretemps auront peut-être rameutés une multitude de nouveaux invités malveillants (pour que la ré-exploration ne soit pas trop ennuyeuse). C’est bien simple, je n’avais jamais éprouvé cette sensation dans un jeu autre que Doom, et si certains niveaux se révèlent toutefois un peu pénibles (ceux qui font un peu trop appel aux passages dans la lave/le poison notamment), la perfection de ce level-design transforme presque chaque niveau en énigme, dont il faut comprendre le fonctionnement pour ne pas trop se faire démonter.
Enfin, Doom est surtout excellent parce qu’il fait super bien ce qu’on attend de lui : du gros shoot. C’est super nerveux, pas réaliste pour un sou (mais ça sert le gameplay, puisqu’il ne faut par exemple pas recharger ses armes) et le jeu a un talent inouï pour délester des meutes d’ennemis par surprise. Et c’est là que Doom devient extraordinaire, quand le stress monte, qu’on est emporté par le rock en qualité midi qui constitue la bande-son (qui sert parfaitement le gameplay d’ailleurs) et que les ennemis s’effondrent les uns après les autres alors que le héros court dans tous les sens pour éviter les missiles ennemis en délivrant ses coups de fusil. Cette sensation de jeu rejoint en tout cas mon panthéon personnel des moments les plus épiques de ma courte vie de joueur. Alors que c’est un FPS qui a plus de vingt ans. Incroyable, mais vrai.