Si les puristes rappellent la sortie de Wolfenstein 3D antérieure à celle de Doom, dont ID Software est déjà l’origine de toute manière, c'est bien de Doom-Like dont on a parlé très longtemps pour caractériser le FPS tant Doom a su marquer les esprits et populariser son genre dans les années 1990 et au-delà. Simple phénomène de mode opportuniste ou preuve d’un monstre de l’histoire du jeu vidéo, la réponse est très clairement la deuxième mais en quoi et est-ce que ça m’a tant plus que ça personnellement, c’est ce que nous allons voir maintenant.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆
J'ai été très surpris au début en comprenant qu'on ne peut pas viser de bas en haut, qu'on ne peut pas sauter, qu'on ne peut pas s'accroupir... on peut juste se déplacer, sprinter, viser de gauche à droite, tirer et changer d'arme. Un gameplay basique qui a d’abord le mérite de proposer une prise en main immédiate mais aussi de se révéler technique grâce à la vitesse de nos déplacements, le level-design qui offre bonus et malus à exploiter, le friendly-fire entre ennemis, la brève interruption de leur action à chaque coup encaissé... rendus possibles par un tout nouveau moteur de jeu créé spécifiquement pour Doom et adapté au modding, ayant assuré la longévité du titre de façon impressionnante, le jeu étant très court de base, la principale limite à la version originale que je critique maintenant.
D’ailleurs, beaucoup de lead-designer des années 2000 citent le modding de Doom comme le début de leur carrière, au moins de leur intérêt naissant pour ce métier, une bien belle illustration de l’ampleur du phénomène. Ce déplacement rapide, l’absence de rechargement et cette possibilité d’esquiver les tirs ennemis rendent l’expérience ludique d’une fluidité ahurissante et c’est ce qui caractérisera ce genre qu’est le Fast-FPS, ce qui fait de Doom un jeu particulièrement innovant dans l’histoire du jeu vidéo. Il en va de même pour le multijoueur qui a contribué à la popularisation du mode Deathmatch dont il a donné le nom, rien que ça.
C'est un plaisir d'y jouer et d'y rejouer car la présence de 5 modes de difficulté, les secrets à découvrir, le time attack... sont autant de potentiels de rejouabilité à un contenu déjà assez conséquent de base. Le jeu récompense vraiment la répétition avec ces modes de difficulté n’influençant pas seulement les statistiques mais le nombre, le comportement et la fréquence de réapparition des ennemis, faisant bien comprendre la philosophie du jeu adéquate au speedrun. De la même manière, les stats à la fin de chaque niveau viennent chiffrer la performance de tuerie mais aussi de découverte des secrets, motivant à y retourner pour voir les 100 % s’afficher.
La courbe de difficulté est très progressive et maîtrisée. Par exemple, la découverte d’ennemis inédits, aux déplacements et attaques bien différents des autres, se fait toujours étape par étape, d’abord peu nombreux et dans des environnements spacieux sans danger pour à la fin être une petite armée dans un coin étriqué avec des surfaces piégées. Par ailleurs, l’interface est parfaitement claire, bien ordonnée et exhaustive en informations, notamment avec la map du niveau qui peut s’afficher sans couper le rythme du jeu.
Par contre, le level-design à base de tant que tu n'as pas trouvé l'interrupteur ou la clé pour avancer, tu tourneras en rond jusqu'à y arriver casse un peu le rythme du jeu je trouve et m'a un peu gâché mon plaisir de jeu quelques fois, je sais que c'est un moyen de pousser à l'exploration, au plaisir de refaire un niveau en choisissant bien son trajet... mais j'ai trouvé que l'élément en question était trop caché à certains moments, surtout quand il faut explorer dans la lave. En dehors de ça, le jeu est loin d'être une succession de couloirs et d'arènes et souvent c'est bien foutu donc c'est pas encore trop grave, mais c’est la principale réserve que je pourrais en faire.
On a donc des bases innovantes et pertinentes pour un gameplay très maîtrisé mais dont je n’adhère pas totalement à certains partis pris, ce qui est tout à fait personnel, et qui arborait un contenu un peu léger qui ne s’étoffera qu’à l’occasion d’autres versions officielles, à commencer par Ultimate Doom, sans compter le modding mais bien que les développeurs l’aient rendu possible et encouragé, j’ai du mal à le créditer au mérite de cette version. C’est pourquoi ma sous-note n’est pas aussi élevée qu’elle le devrait si j’étais objectif, mais toutes les qualités ludiques citées précédemment ne suffisent pas à me faire adorer le jeu, simplement à le respecter pour tout ce qu’il apporté à l’industrie vidéoludique, ce qui est déjà bien. Quid de sa réalisation et de son esthétisme ?
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Doom fut une petite révolution technique en son temps grâce à son moteur permettant notamment des environnements en 3D vastes, sinueux et riches en détails, une quantité phénoménale d’ennemis apparaissant et se déplaçant simultanément à l’écran, des effets de lumière vraiment très bien gérés avec par exemple des passages où l’intensité lumineuse fluctue à un rythme régulier, en lien avec la musique par ailleurs… Ce n’est pas parfait non plus, il y a certains filtres graphiques désagréables comme le blanc qui prend tout l'écran et qui clignote, quelques environnements un peu gâchés par des couleurs criardes envahissantes… mais dans l’ensemble c’est plutôt solide.
Quant à la direction artistique, nous nous retrouvons dans un complexe militaro-scientifique, avec arsenal traditionnel mais aussi high-tech, envahi par des démons et toute la symbolique qui va avec (crucifix à l’envers, pentagramme…) avec une vraie progression en crescendo façon descente en enfer, au sens propre comme au figuré. Des illustrations particulièrement macabres ponctueront de plus en plus l’aventure, de la même manière que pour un bestiaire assez varié et cohérent avec un tel univers, comprenant d’ailleurs quelques boss particulièrement impressionnants par leur taille et par leur design. Ce n’est pas pour rien si c’est cet aspect qui a été retenu pour la jaquette du jeu.
S’il était prévu à l’origine de fournir au jeu un scénario prétexte pas très intéressant, les développeurs ont opté pour la solution radicale de réduire la narration à son strict minimum et d’axer le ton sur l’humour en contraste avec le design horrifique, un concept assez original à l’époque et qui surtout allait bien avec la dimension défouloir du titre. En effet, les animations de recul, les gerbes de sang, les cris de douleur... procurent un feed-back très réussi pour une ultra-violence qui a bien su faire parler d’elle à l’époque, contribuant sans doute toujours plus au sujet du jeu paradoxalement.
On retrouve également un petit sens de la mise en scène en temps réel avec des cadavres disséminés sur le sol avant de rencontrer ce qui les a tué, plutôt bien vu. Le souci du détail peut être assez bluffant avec le portrait qui évolue selon notre santé et nos actions, l'arme qui vacille pour renforcer le sentiment de mouvement, le cadavre ennemi qui reste indéfiniment, la map qui montre la progression du personnage de niveau en niveau… Certains arrières-plan en extérieur peuvent envoyer du lourd artistiquement et nous plonger réellement en enfer avec ce sentiment d’être plongé dans un univers gigantesque et agressif.
Les nombreuses musiques de qualité par Bobby Prince font peser des ambiances assez différentes, soit bien déjantées ou assez angoissantes mais toujours réussies. Le jeu peut aussi bien prendre des airs entraînants et badass qu’anxiogènes et malaisants grâce à cette composition musicale qui ne se contente pas de reproduire des morceaux déjà existants avec les moyens du bord, loin de là. Il est aussi à noter que c’est l’un des premiers jeux à utiliser les fonctions stéréo pour spatialiser les sons en provenance d’ennemis, renforçant à la fois l’immersion et les possibilités de jeu. Réalisation et esthétisme réussissent donc beaucoup plus à me plaire personnellement en plus des qualités objectives que je leur reconnais.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Première cause d’improductivité des années 1990 à en croire une polémique bien amusante, Doom a été un succès phénoménal au cours de cette période mais surtout un jeu dont le game-design et la réalisation furent particulièrement innovants, pour le genre du FPS mais aussi bien au-delà. C’est ce que je retiendrai le plus, même si j’ai certaines réserves personnelles et secondaires ici et là qui font que je ne le place pas sur le même piédestal que certains, mais c’est un jeu sur lequel je sais que je peux revenir tant que je veux pour m’y défouler de façon certaine, c’était peut-être son objectif.